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ANTICONCORDATAIRES

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niers acquiescèrent aux vœux du pape. Sur les quatrevingt-un évêques français qui restaient à la tête de leurs églises, quarante-cinq donnèrent sans retard leur démission ; mais les trente-six autres refusèrent provisoirement de se démettre. Treize des prélats réfugiés en Angleterre répondirent en commun au pape, le 27 septembre ; ils le priaient de suspendre sa décision jusqu’à ce qu’il ait eu connaissance des motifs de leur refus, et ils insinuaient qu’il serait nécessaire de convoquer un concile national. Pie VII adressa, le 11 novembre, au principal d’entre eux, l’archevêque de Narbonne, de nouvelles instances et envoya à Londres Mor Erskine pour traiter avec eux. De leur côté, les évêques de La Rochelle et de Blois, qui se trouvaient en Espagne, ne se soumirent pas. Le cardinal de Montmorency, évêque de Metz, fit de même dans une lettre au pape du 28 octobre à laquelle sept prélats, émigrés en Allemagne, donnèrent publiquement leur assentiment. Le 29 novembre, Pie VII publia la bulle Qui Christi Domini, dans laquelle il exprimait le regret de n’avoir pas encore reçu la réponse de tous les évêques français. Il avait espéré n’être pas obligé de déroger à leur consentement ; mais la situation de la religion en France, le bien de la paix et de l’unité l’emportaient sur toute autre considération et l’engageaient à passer outre. Il anéantissait donc les anciens sièges épiscopaux et interdisait aux évêques non démissionnaires tout acte de juridiction, déclarant nul tout ce qu’ils pourraient entreprendre en vertu de leurs précédents pouvoirs. Les treize évêques qui résidaient à Londres signèrent, le 23 décembre 1801, un Mémoire pour expliquer leur refus de démission. Tout en témoignant un profond respect pour la chaire de Pierre, ils n’ont pas cru pouvoir céder les droits de l’épiscopat. L’autorité des évêques dérive directement de Jésus-Christ ; elle est ordinaire et s’applique immédiatement aux églises particulières. Quoique subordonnée à celle du souverain pontife, elle en est indépendante et, seule, l’universalité morale des évêques en union avec la chaire de Pierre est la dépositaire de l’autorité souveraine dans l’Église. Conformément à ces principes, une démission générale et simultanée de tout l’épiscopat d’une grande Église, une démission dont les motifs sont inconnus et dont les effets ne sont énoncés qu’en termes généraux, une démission dont le pape pourra se passer, ne leur parait pas suffisamment justifiée. Le bien de l’Église ne l’exige pas. Elle n’est nécessaire ni pour rétablir la religion en France ni pour conserver l’unité de l’Église. Elle produirait, au contraire, des effets désastreux dans l’Église de France qu’elle anéantit, sans indiquer les moyens suffisants de restauration. D’ailleurs, une mesure si extraordinaire aurait dû être concertée par le corps épiscopal, et la violation des règles canoniques ébranlera la stabilité de l’épiscopat et sera fatale à toute l’Église. En refusant leur démission, les évêques ne désobéissent pas au pape, puisqu’il n’existe ni ne peut exister aucun ordre de sa part. Le pape subit une contrainte. Or, ce serait compromettre l’autorité souveraine, mais non absolue, du pape, que de la reconnaître quand elle est forcée de sortir de ses bornes légitimes. C’est donc pour obéir à la voix de leur conscience et pour maintenir les principes de l’Église gallicane et revendiquer leurs droits imprescriptibles que les évêques signataires du Mémoire résistent avec douleur à la volonté du pape. Ils restent fidèlement attachés à la chaire de Pierre autant que respectueux à l’égard de la personne du pontife, à qui ils ont exposé librement les principes et les motifs de leur conduite. Vingt et un autres prélats y donnèrent leur adhésion. Quand les nouvelles circonscriptions diocésaines, créées par le pape, commencèrent à être pourvues de titulaires, les évoques non démissionnaires adressèrent à leurs anciennes ouailles une instruction collective par laquelle ils déclaraient déléguer leurs pouvoirs et leur propre

juridiction aux ecclésiastiques qui seraient munig des pouvoirs du pape. Le 6 avril 1803, ils renouvelèrent au nombre de trente-huit leurs réclamations au souverain pontife, Canonicee et révérend issim se Expostulationes apud SS. DD. Pium VII, divina Providentiel Papam, de variis aclis ad Ecclesiam Gallicanam spectantibus, imprimées à Londres. Une traduction française parut à Bruxelles en 1804, sous le titre de Réclamations canoniques et très respectueuses, etc. Ils se plaignaient de leur destitution, sans exemple dans l’histoire ecclésiastique ; ils déploraient l’extinction subite de 156 Églises, remplacées par 60 seulement ; ils décrivaient l’état précaire de la religion, asservie au gouvernement ; ils réclamaient contre les articles organiques, contre la manière dont le Concordat avait été exécuté et protestaient respectueusement contre les actes pontificaux relatifs au Concordat. Aux raisons soi-disant canoniques de leur opposition s’ajoutait un motif politique, et le 8 avril de la même année, ils publiaient une Déclaration sur les droits du roi, qu’ils croyaient lésés par les stipulations du Concordat. Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, 2 e édit., Paris, 1815, t. m, p. 409413, 428-434, 444-446 ; Boulay de la Meurthe, Documents sur la négociation du Concordat, 5 in-8", Paris, 18911897, passim. (Voir les tables, t. m, p. 761 ; t. v, p. 689-691.)

Les évêques non démissionnaires demeurèrent en exil et cessèrent pour la plupart de s’occuper de l’administration de leurs anciens diocèses. Ceux de La Rochelle et de Blois continuèrent seuls à entretenir la résistance par leurs mandements et leurs lettres particulières. Le premier consul obligea, en 1804, le roi d’Espagne à les emprisonner, et ils ne furent rendus à la liberté qu’en 1807. Mais des prêtres, qui soutenaient les mêmes erreurs, rentrèrent en France, refusèrent la promesse de fidélité à la Constitution et groupèrent autour d’eux, en plusieurs diocèses, un certain nombre de fervents chrétiens. Le centre principal de la Dissidence fut dès lors le bocage vendéen, qui appartenait au nouveau diocèse de Poitiers. Malgré la suspense qui les atteignait ipso facto et malgré l’intervention du préfet des Deux-Sèvres, plusieurs persévérèrent dans le schisme et entretinrent, en se cachant, l’opposition au Concordat au milieu des populations royalistes de la Vendée. Des foyers très actifs de résistance se formèrent en d’autres contrées. A Rouen, les anticoncordataires prirent le nom de Clémenlins, de leur chef, François Clément ; à Coutances, on les appelait Basniéristes, du nom de l’abbé Basnier ; à Séez, les Élus ; dans le diocèse de Tours, les Filachois, ou disciples du prémontré apostat, Filoche ; à Rennes, les Louisets, à cause de leur attachement à Louis XVIII. Des prêtres de l’ancien diocèse de Blois restèrent fidèles à Ma>’de Thémines, leur évêque non démissionnaire. Les diocèses du Mans et de Laval eurent aussi des prêtres dissidents. Ceux de La Bochelle et de Luçon furent longtemps infestés par le schisme anticoncordataire. Dans les diocèses d’Agen et d’Auch, un petit groupe reçut le nom d’Illuminés. A Rodez, les partisans de la Petite-Église étaient appelés les Enfarinés, parce qu’en allant communier, les hommes dénouaient les tresses de leurs cheveux qui étaient poudrées de farine. A Villefranche, les prêtres Plomb et Barthe eurent des disciples nommés Plombâtes et Barlhassiers. A Montpellier, les schismatiques étaient désignés sous le nom de Purs ; dans la Provence, c’étaient des Fidèles. Le nombre des anticoncordataires s’élevait bien à dix mille dans le diocèse de Grenoble. Enfin, dans celui de Belley, la paroisse de Fareins s’attacha en majorité à la Petite-Église. Tous ces schismatiques se réunissaient dans des oratoires privés ou des maisons particulières, où leurs prêtres ne manquaient pas d’attaquer le Concordat et le pape qui l’avait conclu. Bien que privés de toute juridiction, ceux-ci remplissaient les actes du saint ministère et pré-