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ANTHROPOMORPIIITES — ANTICONCORDATAIRES


ment., xvii, 6, P. G., t. ii col. 389. Si les Pères avaient eu à réfuter un tel argument, ils auraient nié la mineure.

Ce n’est qu’au ive siècle que l’anthropomorphisme devint une erreur caractérisée et systématisée, grâce à Audius († 372) et à ses sectateurs les audiens. En effet, Audius s’en tenant au sens littéral concluait que Dieu a la forme humaine parce que, d’après la Genèse, i, 27, il a créé l’homme à son image. El ainsi s’expliquaient naturellement tant de passages scripturaires. Si Dieu voit, entend, parle, se fâche ou menace, c’est qu’il a comme l’homme des sens et des passions. Cette erreur d’interprétation ne donnait de la nature de Dieu qu’une idée trop rapprochée des conceptions matérialistes et sensualistes du polythéisme et de l’idolâtrie ; elle avait surtout le tort de négliger tant d’autres passages de la Bible, où était formellement proclamée la spiritualité de Dieu. Voir Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, article Anthropomorphisme. Elle plaçait enfin ses adhérents en dehors de l’enseignement traditionnel de l’Église et constituait une hérésie. Malgré la vertu d’Audius et de la plupart de ses partisans, l’anthropomorphisme ne pouvait guère, à cause de son invraisemblance et de sa grossièreté, devenir un danger sérieux. Trop de problèmes, et autrement graves, passionnaient alors les esprits ; l’arianisme, en particulier, sollicitait l’attention et nécessitait l’intervention active de l’épiscopat orthodoxe. Cependant l’anthropomorphisme ne passa point inaperçu. Né en Syrie, à l’époque du concile de Nicée, transplanté ensuite en Scythie par son auteur, on le retrouve en Egypte, à la fin du ive siècle, chez les quatre grands frères, Ammonius, Dioscore, Eusèbe et Euthyme, sans qu’il soit possible de dire quelles sont les relations historiques qui rattachent l’anthropomorphisme des bords du Nil à celui des audiens.

Une telle erreur ne demandait pas un grand effort pour être réfutée. Les Pères qui s’en occupent ne le font qu’en passant, et sans y insister, tant elle paraît peu raisonnable, et avec un sentiment plus voisin de la pitié que de l’indignation. Ils la dédaignent ou la qualifient d’un mot. C’est ainsi que saint Hilaire traite d’infidélité en délire une telle ignorance de la nature divine qui ne peut être que le vice d’un esprit dégénéré. In Psalm., cxxix, 4, P. L., t. ix, col. 720. Saint Chrysostoine légitime en l’expliquant le langage de la Bible et dit qu’il faut avoir peu d’intelligence pour prendre au sens littéral les expressions touchant la nature de Dieu. In Psalm., vi, 11, P. G., t. lv, col. 97. Sévérien de Gabale (tvers408)metde même sur le compte d’un défaut d’intelligence un sentiment si faux et si absurde. Car, dit-il, c’est une opinion qualifiée jusqu’à présent d’hérétique d’attribuer à Dieu la forme humaine… Bêveries que tout cela plutôt que paroles sérieuses ; yor^a-râ è<TTi taOta p.à),).ov ^ pr^axa. De créât, oral., v, 3, P. G., t. lvi, col. 475.

Saint Épiphane ne dissimule pas une secrète sympathie pour les audiens anthropomorphites. Il hésite à les traiter d’hérétiques tout en constatant, par une distinction plus subtile que juste, que, s’ils ne se sont pas écartés de la foi, ils ne se sont pas conformés à la tradition et à l’enseignement ecclésiastiques. Hier., lxx, P. G., t. xlii, col. 310-313. Cependant, au rapport de saint Jérôme, dans une réunion tenue à Jérusalem, où l’évêque Jean s’était élevé avec indignation contre la naïve rusticité des anthropomorphites, saint Épiphane, qui était personnellement visé, répondit : (. Tout ce que mon frère, qui est mon fils par l’âge, vient de vous dire contre l’hérésie des anthropomorphites, est bon et selon l.i foi ; cette hérésie, je la condamne également. » Epist. ad Pamm., 11, P. L., t. xxiii, col. 361.

Saint Augustin rapporte l’opinion de saint Epiphane. Ilœr., l, P. L., t. XLII, col. 39. Il appelle ces égarés carnales et parvulos, sourit de leur naïveté et les met bien au-dessus des manichéens qui, au lieu de prêter à

Dieu la forme humaine, lui attribuaient une masse informe et grossière. Contr. epislol. manichœi, xxiii, 25, P. L., t. xlii, col. 189. Saint Augustin avait affirmé que nous ne pouvons pas voir Dieu avec les yeux du corps. Une telle proposition avait quelque peu effarouché un évêque de Numidie. Augustin écrit à l’évêque de Sicca, Fortunatianus, cite Ambroise, Jérôme, Athanase, Grégoire, affirme que tous les latins et les grecs sont d’accord pour prétendre que Dieu n’a pas de corps, ce qui, remarque-t-il, clôt la bouche aux anthropomorphites. Epist., cxlviii, P. L., t. xxxiii, col. 622.

Le fougueux Théophile d’Alexandrie crut devoir chasser d’Egypte les quatre grands frères, convaincus d’anthropomorphisme. Mais l’un de ses successeurs, saint Cyrille, trouvant encore des anthropomorphites parmi les moines du mont Calamon, ne se montra pas aussi dur. Il se contenta de les réfuter. Prêter à Dieu la forme humaine est une absurdité complète et une extrême impiété. Il a honte d’a, voir à réfuter de pareilles inepties ; mais, dit-il, il faut bien s’occuper de ces fous ou de ces ignorants. Et il compose un petit traité, où il remarque que le langage de l’Écriture a son excuse dans l’infirmité de notre intelligence et la pauvreté de notre langue ; voù xai yXwttï] ; èv y) ; uv tj Kxtûyy.rx. Adv. antroph., P. G., t. lxxvi, col. 1066, 1068, 1077. Isidore de Péluse (f vers 440) est dans les mêmes sentiments. Epist., xcv, 1. III, P. G., t. lxxviii, col. 860.

Théodoret, Hist. eccles., iv, 9, P. G., t. lxxxii, col. 1141 ; Fremling, De anthropomorphitis, 1787 ; Glossius, Philologia i sacra, v, 7, De anthropopatheia, in-4°, Leipzig, 1743 ; Kliigling, i Ueber den Anlhropomorphismus der Bibel, Dantzig, 180t> ; Getpe, Apologie der Anthropomorphischen, etc., Leipzig, 1842 ; Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, Paris, 1832, article Anthropomorphisme.

G. Bareille.

ANTICONCORDATAIRES, catholiques français qui rejetèrent le Concordat de 1801 et se séparèrent de la communion du pape. Ce schisme qui, en raison du petit nombre de ses adhérents, est connu sous le nom de Petite-Église, a passé par trois phases successives, selon qu’il a compté des évêques sans pape, des prêtres sans évêques et des fidèles sans prêtres.

I. Évêques sans pape (1801-1829). — La raison principale qui provoqua le schisme anticoncordataire, fut la démission des titres épiscopaux, demandée par Pie VII à tous les évêques légitimes de la France. Durant les négociations du Concordat, le souverain pontife déclara plusieurs fois qu’il lui répugnerait d’imposer aux évêques français la démission qu’exigeait impérieusement le premier consul. Il consentait volontiers à les prier de se démettre ; mais les y forcer lui semblait méconnaître les services qu’ils avaient rendus et punir leur fidélité. Cependant, le jour même où il ratifiait le Concordat, 15 août 1801, Pie VII adressait aux évêques français un bref dans lequel il déclarait que la conservation de l’unité et le rétablissement de la religion catholique en France rendaient leur démission nécessaire. Il la leur demandait donc, en leur rappelant l’offre que trente prélats, députés à l’Assemblée nationale, avaient faite en 1791 à Pie VI et les lettres que plusieurs autres lui avaient écrites à lui-même à ce sujet. « Nous sommes forcé, ajoutait-il, par la nécessité des temps qui exerce aussi sur nous sa violence, de vous annoncer que votre réponse doit nous être envoyée dans dix jours, et que cette réponse doit être absolue et non dilatoire, de surle que si nous ne la recevions pas telle que nous la souhaitons, nous serions obligé de vous regarder comme si vous aviez refusé d’acquiescer, à noire demande. > Pie VII disait encore qu’il n’avait rien omis pour leur épargner ce sacrifice et il les conjurait de céder à ses désirs. La même demande fut adressée aux évêques étrangers dont les diocèses se trouvaient réunis à la France par de récentes conquêtes. Les quatorze survivants de ces der-