Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/713

Cette page n’a pas encore été corrigée
1367
1368
ANTÈRE — ANTHROPOMORPHISME


Jalîé-Wattenbach, Regesta Pontiftcum romanorum, Leipzig, 1880, 1. 1, p. 15.

A. Vacant.

ANTHROPOLOGIE. Voy. Homme.

ANTHROPOMORPHISME (de avSptouoç, homme, et [xopepr, , forme). — I. Anthropomorphisme philosophique. II. Anthropomorphisme théologique. III. Dans les théophanies. IV. Dans le langage de la Bible. V. En particulier dans l’Ancien Testament. VI. Sens de ce langage.

De toutes les choses qu’il connaît, c’est lui-même que l’homme pénètre le mieux. Par la conscience surtout, il prend contact avec son moi, en saisit toutes les impressions, les idées, les volontés, les sentiments, l’activité et la vie. — Les faits de son activité interne ou externe lui étant plus familiers que tous les autres, et brillant à son regard d’un éclat plus intense, il en résuite pour lui une tendance à se représenter les objets sous le type de son être propre, à puiser parmi les idées qui le concernent les notions représentatives du monde extérieur.

I. Anthropomorphisme philosophique.

La tendance de l’homme « à concevoir toute activité du monde externe sur le type de la sienne, telle que la lui révèle sa conscience » (Sully Prudhomme, Antltropomopliisme et causes finales, dans la Revue scientifique, du 4 mars 1899), donne naissance à Yayithropomorpltisme philosophique. — 1° Cet anthropomorphisme est légitime quand, se renfermant dans de justes limites, il se contente d’affirmer avec saint Grégoire que « l’homme possède en lui quelque élément de toute créature. En effet, être lui est commun avec les pierres, vivre lui est commun avec les arbres, sentir lui est commun avec les animaux, comprendre lui est commun avec les anges. Si donc l’homme a quelque chose de commun avec toute créature, sous un certain rapport toute créature est homme » ; et saint Grégoire en concluait que « l’Évangile est prêché à toute créature quand il est prêché à l’homme seul ». Hom. in Evattg., xxix, P. L., t. lxxvi, col. 1214. — 2° Cet anthropomorphisme est erroné quand il veut interpréter toute la nature et toute l’activité de chaque être d’après la nature et l’activité de l’homme. On exagère donc l’anthropomorphisme philosophique quand on affirme que la raison étend à l’universalité des phénomènes les fonctions de l’âme humaine. Cf. Lionel Dauriac, Des notions de matière et de force, Paris, 1878, p. 332. fe L’entendement, dit-on encore dans le même système, exige que les choses se passent hors de nous comme elles se passent en nous, et que tout phénomène appartienne à une force qui soit en même temps une cause, un être, et, pour tout dire en un mot, un esprit. La force n’est pas un phénomène, elle n’est pas davantage une chose en soi ; elle est l’attribut d’un être qui a conscience de lui-même et qui sait prendre en mains la direction de ses puissances psychologiques. Voilà ce que la force est en nous. Il est inadmissible que si elle existe autre part qu’en nous, son existence ne soit point soumise à des conditions analogues. » Jbid., p. 311-312.

II. Anthropomorphisme théoi.ogique. — L’anthropomorphisme est théologique quand il représente Dieu sous des traits, avec une activité et des sentiments humains. Il est basé sur l’anthropomorphisme philosophique lequel, s’il est légitime, fonde l’anthropomorphisme théologique orthodoxe dont l’Ecriture sainte et la tradition présentent de nombreux exemples. Exagéré et faux, l’anthropomorphisme philosophique s’est traduit en théologie par l’hérésie anlhropomorphile ou anthropopalienne. Voir article suivant. — 1° L’homme est donc porté par sa nature à se représenter Dieu sous une forme humaine. Il y est contraint surtout par la nature divine. Celle-ci, à cause de sa trans cendance, ne se montre pas immédiatement à nous et ne saurait être vue directement et par intuition : elle se démontre par le moyen des créatures et surtout par le moyen de l’homme ; elle est connue dans des concepts abstraits de la nature créée, particulièrement dans des notions fournies par la conscience que l’homme a de lui-même. — 2° D’autre part, quand il s’adresse à l’homme, Dieu, pour être compris, doit prendre un langage humain et adapter les vérités qu’il révèle à notre manière d’entendre. Ainsi, le père prend un langage simple et des comparaisons naïves quand il parle à son enfant. De là, aussi, dans les saintes Écritures, les fréquentes images par lesquelles Dieu se manifeste sous des traits et avec des sentiments humains. — L’anthropomorphisme théologique est donc humain quand l’homme se représente Dieu et le décrit sous une forme semblable à la sienne. Il est divin quand c’est Dieu qui se fait voir à l’homme sous cette forme. — Celui-ci surtout est l’anthropomorphisme théologique, car l’autre dépend de lui et n’est sage et prudent qu’autant qu’il s’inspire, au sujet de Dieu, le plus fidèlement possible des manifestations et des manières de parler de Dieu lui-même. Or, la divinité revêt des traits humains dans des faits ou apparitions (anthropomorphisme réel) ou dans des paroles ou discours (anthropomorphisme logique).

III. Dans les théophanies.

Dieu s’est souvent manifesté aux patriarches et aux prophètes. Hebr., i, 1. Dans ces apparitions (voir Théophanie) où, par le ministère des anges (S. Thomas, Suni. theol., I a, q. li, a. 2, ad l um), le Fils s’essayait déjà à la principale de toutes les théophanies, l’Incarnation, la forme humaine est le voile préféré sous lequel se cache la divinité. Gen., iixvi 1-2. La tradition théologique nous en donne les motifs. En effet, d’après Thomassin, Dogm. theol., t. I, De Incarnatione Verbi, 1. I, c. vi, n. 10, Venise, 1730, p. 30, il découle de l’enseignement des saints Pères que Dieu n’a pu apparaître sous une figure humaine, sinon : 1° pour s’accoutumer lui-même à l’humanité qu’il devait prendre ; 2° pour apaiser l’impatience de son amour et, tandis que, par un conseil immuable, il retardait son Incarnation, prendre cependant de celle-ci et à la dérobée comme un avant-goût ; 3° pour habituer peu à peu les hommes à l’éclat trop vif de la divinité et, par la demi-lumière de ses apparitions, fortifier leur regard et le préparer au grand jour ; 4° pour enlever graduellement et dissiper leur incrédulité ; 5° enfin pour éviter que l’homme, s’il restait trop longtemps sans aucune rencontre avec la divinité, ne tombât totalement dans le « marasme spirituel ». Voir aussi Ma 1’Ginoulhiac, Histoire du dogme catholique, 1. VIII, c. x-xii ; 1. XII, c. I, Paris, 1866 ; Th. de Régnon, Etudes de théologie positive sur la Sainte Trinité, troisième série. Théories grecques des processions divines. Étude xiv, c. ii § 2, Paris, 1898, t. i, p. 64.

IV. Dans le langage de la Birle.

En dehors de ces faits ou théophanies, le langage de l’Écriture sainte attribue perpétuellement à Dieu des traits de la personne ou de l’activité humaines. — 1° Tous les phénomènes de la vie sensible lui sont appliqués. Dieu a des yeux et il voit tout : I Reg., xv, 19 ; II Reg., xv, 25 ; III Reg., xv, 5 ; IV Reg., xix, 16 ; II Par., xxvi, 4 ; xxxvi, 12 ; Ps. ix, 14 ; x, 5 ; xxx, 23 ; xxxii, 18 ; xxxiv, 22 ; Prov., xxiv, 18 ; Eccli., XLV, 23 ; Is., xxxvii, 17 ; , 1er., iiv 11. Il a des oreilles et il entend : Num., xi, 1 ; Deut., xxxiii, 7 ; IV Reg., xiii, 4 ; xix, 16 ; Ps. v, 2 ; i.xxxv, 1, 6 ; xciii, 9 ; Is., xxxvii, 17 ; Mich., iiv 7 ; .lac, v, i. Il a même un odorat : Gen., VIII, —21 ; Lev., i, 17 ; ii 2 ; Ezoch., xx, il ; Eph., v, 2, et le toucher : Job, xix, 21 ; Ps. ciii, 32 ; cm. iii, 5 ; Jer., 1, 9. — 2° Les divers organes ou membres du corps et leurs actions appartiennent également à Dieu. Sa bouche nous parle : Is., 1, 20 ; xxxiv, 16 ; Lvm, H ; Jer., XXIII, 16 ; il tue ses ennemis d’un souflle de