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pas, et que sa dialectique même est en défaut. On voit que, malgré le titre, Y Incarnait n du Verbe n’est pas traitée ici en elle-même. Il est seulement expliqué comment la distinction des personnes en Dieu suffit pour qu’on puisse dire que le Verbe seul s’est incarné, et non le Père ou le Saint-Esprit, l’union s’étant faite immédiatement in unitalcm personse, non in unitatem naturee, c. IV, col. 275 ; il est aussi expliqué en passant comment il était convenable que le Verbe s’incarnât plutôt que le Père ou le Saint-Esprit, c.vi, col. 276.

5. De processione Spiritus Sancti contra Grsecos. P. L., t. clviii, col. 280-326. — Dans l’ouvrage contre Roscelin, Anselme, pour ne pas brouiller les idées, s’occupe peu du Saint-Esprit. Ici il complète sa théorie de la Trinité en traitant spécialement cette question ; et il montre avec sa précision habituelle, sa dialectique puissante, sa sûreté modeste, que, en partant des données communes aux grecs et aux latins il faut nécessairement admettre que le Saint-Esprit ne procède pas seulement du Père, mais aussi du Fils. Chemin faisant, il répond d’un mol aux autres chicanes des grecs sur l’addition du Filioque. Il conclut, avec sa modestie ordinaire : « Mille autres entre les latins eussent mieu : fait que moi. Tout donc ce que j’ai dit qui soit dignt d’être agréé, qu’on l’attribue non à moi, mais à l’Espril de vérité. Si j’ai avancé quelque chose qu’il faille corriger en quelque façon, qu’on me l’impute et non au sentiment des latins. » Col. 326.

0. De verilale. — Suivent trois ouvrages théologiques,

— Anselme dit : pertinentes ad studium sacrve Scripturse, De verit., prologue, col. 467, — sous forme de dialogue entre le Maître et le Disciple. Pour entrer dans les intentions de l’auteur, il faut les unir en commençant par le De verilale, mettant ensuite le De libero arbitrio, pour finir par le De casu diaboli. Car, sans former entre eux un tout continu, ils se groupent ensemble, par le sujet comme par la forme dialoguée, et il y a de l’un à l’autre une certaine progression, le second s’éclairant par le premier, et le troisième par les deux autres. De verit., prolog., col. 467-468.

Dans le De verilate, col. 467-486, partant de la démonstration de Dieu par la vérité logique donnée dans le Monologion, c. xvui, Anselme cherche ce qu’est la vérité, où on la trouve, et si elle diffère avec les objets où on la trouve. Tout en faisant une part à la vérité logique, verilas enuntiationis, et à la vérité morale, reclitudo voluntalis, rectitudo significationis, veritas aclionls, il s’occupe surtout de la vérité ontologique. Toute vérité doit se définir, selon lui, rectitudo sola mente perceplibilis, c. xi, col. 480 ; tandis que la justice, qui est aussi une rectitude, est définie, rectitudo voluntalis, servata propter se, c. xn, col. 484. Anselme ne veut pas qu’il y ait plusieurs vérités selon la pluralité des choses vraies, comme il n’y a pas plusieurs temps selon la pluralité des choses qui sont dans le temps. « Il y a, conclut-il, une suprême vérité subsistante qui n’est la vérité de rien, et on parle de la vérité d’une chose en tant que la chose est conforme à cette vérité première. »

Tout n’est pas clair et précis dans cet opuscule, et saint Thomas, en même temps qu’il explique Anselme, a introduit ou vulgarisé dans cette question de la vérité des distinctions utiles et une définition plus nette, cf. Quœst. disp., De verit., q. i, et Sum. theol., I a, q. xvi. — Mais les remarques abondent où se montrent la profondeur d’Anselme ou sa subtilité. Il faut noter les jolies pages inspirées d’Augustin, sur la véracité des sens, c.vi, col. 473 sq. ; noter aussi le retour sur la preuve de Dieu comme vérité suprême, preuve bien augustinienne aussi, déjà esquissée dans le Monologion, c. cvm. Voir De verit., c. i et c. x. On dispute encore sur la valeur de cette preuve, et avec plus de raison peut-être que sur la i’ameuse preuve ontologique. Anselme donne au c. x,

col. 479, quelques explications qui, en en précisant le sens, la font peut-être rentrer dans la preuve métaphysique reçue de tous, dont elle ne serait qu’une application spéciale, portant plus directement sur l’absence en Dieu de commencement et de fin. Voir ci-dessous, IV, m, 2, col. 1345.

7. De libero arbitrio, col. 489-506. — Anselme lui-même nous en indique ainsi le sujet : De libertale arbitrii quid sit et ulrani eam semper habeal Itomo, et quot sint ejusdioersilates inhabendo vel non habendo rectitudinem volu7tlatis ad quant servandam est data creaturse rationali. De verit., prolog., col. 467. Il la regarde surtout dans son rapport à l’acte moral, et repoussant l’idée qui fait de la faculté de mal faire un élément de la liberté, il la définit au contraire comme « le pouvoir de garder la rectitude de la volonté pour cette rectitude même, potestas servandi rectitudinem voluntalis propter ipsani reclitudinem », c. m, col. 49i, montrant par de fines distinctions et des analyses délicates comment cette liberté convient à chacun, à Dieu, à l’ange dans l’état d’épreuve, à l’ange fidèle et au démon, à l’homme enfin, dans l’état présent comme dans l’état d’innocence, que l’homme triomphe de l’inclination au péché ou qu’il s’y laisse entraîner.

On a remarqué qu’Anselme ne distingue pas nettement le libre du volontaire, et que par là Luther ou Baius pourraient prendre avantage de telle ou telle formule. Anselme pouvait parler plus librement avant l’erreur.

8. De casu diaboli, col. 325-360. — Le grand problème de la chute des anges et de l’origine du mal se rattache à la question du libre arbitre, et c’est par le libre arbitre de l’ange qu’Anselme explique comment Lucifer pécha et comment Dieu ne lui donna pas la persévérance qu’il donna aux bons anges, et que lui-même ne pouvait avoir sans un don de Dieu. Il y a là des vues profondes et d’une précision scolastique sur la nature du mal, et sur le libre jeu de la volonté en face de l’attrait nécessaire vers le bien et la béatitude. On remarquera dans cet ouvrage ce que j’appellerais l’aspect moliniste des explications d’Anselme.

0. Cur Deus honto, col. 359-432, en deux livres, sous forme de dialogue entre Anselme et son jeune disciple et ami Boson. — Le De casu diaboli ouvrait, pour ainsi dire, la voie au Cur Deus homo, Pourquoi l’Incarnation. Anselme se plaint de n’avoir eu ni le temps ni le repos d’esprit nécessaire pour tout dire sur cette grande question. Il dut se hâter, en effet, de l’achever pour ne pas laisser circuler des copies incomplètes, faites à son insu pendant qu’il y travaillait. Je l’ai écrit, ajoute le saint auteur, in magna cordis tribulatione, et l’on ne peut que s’étonner comment il pouvait s’occuper de ces profondes et difficiles spéculations au milieu des troubles qui préparèrent son premier exil et des difficultés qui le poursuivaient jusque dans sa retraite de Capoue. Avec le Monologue, c’est peut-être l’œuvre du saint la plus travaillée et la plus méditée ; c’est aussi un des ell’orts les plus hardis de l’esprit humain s’exerçant sur les choses de la foi pour en avoir l’intelligence. Fidèle à son procédé de chercher à comprendre ce qu’il croit, c’est par raison qu’il procède non par autorité. Le premier livre, dit l’auteur, s’adresse aux infidèles qui repoussent la foi chrétienne comme contraire à la raison : il donne leurs objections et y fait réponse, cherchant même à prouver par arguments nécessaires, à supposer qu’on ne sache encore rien du Christ, qu’il est impossible d’être sauvé sans lui. Dans le second livre, mise à part, de la même façon, l’hypothèse du Christ comme si l’on ne savait rien de lui, on montre avec non moins d’évidence et de vérité que la nature humaine a été faite pour que tout l’homme, corps et âme, jouit un jour de l’immortalité bienheureuse ; que l’homme doit nécessairement arriver au terme pour lequel Dieu l’a fait, mais cela par un