Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/697

Cette page n’a pas encore été corrigée
1333
1332
ANSELME

1336

voir Hist. litt. de la France, t. ix, p. 460-464. Celle même de Gerberon est loin d’être parfaite, et une édition critique est très désirable.

Sur la qnestion du Mariale, excellent résumé par J. Mearns, J. Julian, A dictionary o/ hymnology, art. Ut jucundas, p. 12001201, Londres, 1892 (conclut pour Bernard de Cluny). Le P. Ragey a traité la question dans : Annales de philosophie, Paris, mai et juin 1883, t. iivi p. 138-163, 255-284 (tiré à part) ; Controverse et contemporain, Lyon, nov. 1887 ; Revue des questions historiques, Paris, oct. 1886 et juillet 1887. Cf. Ragey, Histoire de saint Anselme, Paris, 1890, t. I, p. 440-457. Voir encore : Controverse et contemporain, Lyon, 1885, t. IV, p. 317-320 ; Léop. Delisle, dans Biblioth. de l’école des chartes, Paris, 1885, t. xlvi, p. 158-159, et surtout dans Annales de philosophie chrétienne, 1885, t. iixi p. 318-325 ; Hauréau, Les poèmes latins attribués à saint Bernard, Paris, 1890, p. 87. — Deux éditions par le P. Ragey, Londres, 1883 (avec préface et introduction en latin), Tournai, 1885 (texte seul, très élégant dans sa simplicité).

III. Œi’vres : idée et contenu. — Lestraités d’Anselme formant chacun une œuvre à part, il faut les étudier un à un, tout en montrant comment ils se relient et finissent par faire un bel ensemble.

Commençons par le seul qui ne soit pas directement du ressort de la théologie.

i. De grammatico, P. L., t. clviii, col. 557-584. — C’est un exercice pratique de logique formelle ; c’est en même temps une amorce à l’étude des catégories. On peut conclure de là que le grand platonicien de la scolastique a fréquenté aussi Aristote, dans la mesure où Aristote lui était accessible. Saint Anselme se promet, De verit., prol., col. 467, que le traité ne sera pas inutile comme introduction à la dialectique ; il pourrait maintenant encore rendre de grands services, soit comme secours, soit comme modèle, au professeur qui n’aurait pas oublié que la logique est un art et que les arts s’apprennent surtout par l’exercice. C’est en même temps une excellente leçon de pédagogie pratique, tant par la façon d’intéresser le disciple, d’éveiller et de diriger la r llexion, que par le choix pour matière d’exercice d’une question importante à élucider (car c’en est une, sous son insignifiance apparente).

2. Monologion, P. L., t. clviii, col. 141-224. — Ainsi nommé, par opposition au Proslogion, parce que tout y est dit sub persona secum sola cogilatione disputantis et investigantis ea quæ prius non animadverlisset. Pra ? f., col. 144. Il parut d’abord avec le Proslogion, sans nom d’auteur, sous le titre ExempHim meditandi de ralione (idei, préf. du Proslogion. P. L., t. clviii, col. 225. Anselme avait jeté en conversation quelques idées sur la méditation de l’essence divine et sujets connexes. Ses frères le prièrent de leur écrire la méditation même, sans appel à l’Écriture, procédant par simples raisonnements et démonstrations concluantes. Le saint auteur croit « n’y avoir rien dit qui ne soit d’accord avec les Pères et surtout avec saint Augustin dans le De Trinitate ». Préf., loc. cit. ; cf. Epist., I, 68. Il a raison, à condition de joindre ce qu’il dit ailleurs de ce qui s’y trouve de nouveau et de personnel, De fide Trinit., iv, col. 272-273. Ni les Pères, ni Augustin n’avaient rien de si précis, de si puissamment raisonné, de si fortement lié sur l’essence et les attributs de Dieu, et je ne pense pas que depuis on ait rien fait de si bien comme précis de théodicée.

Lanfranc ne goûta guère le Monologion ; il fut dérouté par cette incursion hardie de la raison dans le domaine de la fui ; Anselme se couvrit derrière Augustin. Epist., I, 68. D’autres s’effarouchèrent également, et l’auteur dut recommander la prudence dans la diffusion du livre. Epist., i, 74. Mais, en général, l’accueil fut enthousiaste.

3. Proslogion, P. L., t. clviii, col. 223-2’12. — Anselme nous explique lui même dans sa préface comment le Monologue l’amena à écrire le Proslogion. Le Monologue est lissé d’arguments divers liés ensemble. L’auteur se demande s’il n’y aurait pas un argument qui,

pour tenir, n’eût besoin que de lui-même, et qui seul sullit pour établir que Dieu est, qu’il est le souverain bien, n’ayant besoin d’aucun autre, et dont tous les autres ont besoin pour être et pour bien être, tout ce que nous croyons de Dieu. Après bien des lueurs décevantes et fugitives, il désespérait de trouver, et s’était résolu à n’y plus penser, quand l’idée qu’il ne cherchait plus se dégagea soudain du choc de ses pensées obsédantes, qu’il s’efforçait de repousser. C’est le fameux argument ontologique dont il sera parlé à l’article suivant. Comme le Monologion, le Proslogion parut tout d’abord sans nom d’auteur, avec le titre destiné à devenir une devise : Fides quærens intellectum. Hugues, archevêque de Lyon, légat du pape en France, lui fit un devoir de mettre son nom aux deux opuscules. Il le redonna donc avec son nom en tête et des titres nouveaux qui permettaient mieux l’adjonction du nom.

Le Proslogion ne contient pas que le fameux argument. A l’idée d’être le plus grand qu’on puisse concevoir, quo majus cogitari nequit, se rattache sans peine celle d’être qui est tout ce qu’il est mieux d’être que de n’être pas, quidquid nielius est esse quant non esse, et celle d’être dépassant toute pensée créée, major quant cogitari possit ; se rattache aussi la solution des apparentes antinomies que met en Dieu notre façon de concevoir fragmentaire et divisée : comment il est à la fois miséricordieux et impassible, tout-puissant sans tout pouvoir, juste quand il punit et juste quand il pardonne, etc. Bref, le Proslogion complète le Monologion, en étudiant Dieu surtout dans ses rapports avec les idées que nous en avons et avec les aspirations de notre cœur. L’opuscule est sous forme d’élévations, sub persona conantis erigere mentent suam ad contenir plandum Deum et quærentis intelligere quod crédit ; et il y a là des cris de l’âme qui seraient à leur place dans les Confessions de saint Augustin. — Il sera question, à l’article suivant, de la réponse à Gaunilon.

A l’édition de K. Haas, Tubingue, 1863, mentionnée par Ueberweg, t. ir, p. 176, ajouter : De la connaissance de Dieu ou Monologue et Prosloge avec les appendices, par G. C. Ubaghs, Louvain, 1854 ; texte meilleur que celui de Gerberon, d’après un manuscrit de Bruxelles, traduction, notes (parfois ontologistes), bonne table analytique. Bouchitté les avait déjà traduits sous lo titre : Le rationalisme chrétien à la fin du xi’siècle, ou Monologium et Proslogium… traduits et précédés d’une introduction, Paris, 1844. Texte à bon marché du Monologion, dans Hurter, Patrum. opuscula selecta, Inspruck, 1874,

t. XXVIII.

4. De fide Trinitatis et de incarnatione Verbi, P. L., t. clviii, col. 259-284, contre Roscelin. — Dans le Monologue, Anselme avait déjà médité sur la Trinité. Ici, il approfondit le mystère, autant qu’il est donné à notre faible raison. Après une humble préface où il dédie son œuvre au pape Urbain II, et des considérations aussi justes que belles sur le rôle de la raison dans la foi, Anselme s’attache à la phrase de Roscelin qui a été l’occasion du livre et dont le livre tout entier n’est que la réfutation. « Si en Dieu, disait Roscelin, les trois personnes ne sont qu’une seule chose, et non trois choses distinctes ayant leur être à part (comme sont trois anges ou trois âmes) de façon cependant à n’être qu’un par la puisssance et par la volonté, il faut conclure que le Père et le Saint-Esprit se sont incarnés avec le Fils. » Anselme, après avoir montre qu’il est absurde de lâcher des choses de foi pour d’apparentes antinomies dialectiques prend la question lui aussi par la raison, mais en parlant des données de la foi et uniquement pour résoudre les difficultés ; il montre d’abord à Roscelin qu’il est hérétique et que même avec son hérésie, il se contredit sans cesse. Il lui suffit ensuite de préciser les notions, de distinguer entre’nature et personne, entre chose absolue et chose relative, pour faire voir que les conclusions de Roscelin ne tiennent