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ANOMEENS

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Mais, en cette même année 358, les anoméens sont directement pris à partie par les semi-ariens réunis à Ancyre, puis à Sirmium ; Và’/61.o : o : est anathématisé. Aétius et Eunomius furent alors exilés avec un grand nombre de leurs partisans, mais l’exil dura peu. Les camps se tranchèrent davantage au synode de Séleucie, en 359. Acace de Césarée ayant proposé une formule arienne mitigée qui admettait vaguement le terme d’oixoio : , et rejetait l’àv<$|iotoç, Aétius et Eudoxe écrivirent de tous côtés pour soutenir la doctrine de l’hétérousie. Le triomphe des acaciens à la cour valut à Aétius un nouvel exil, tandis qu’Eunomius, soutenu par Eudoxe transféré du siège d’Antioche sur celui de Conslantinople, devint évêque de Cyzique en Mysie. Mais bientôt les difficultés qui s’élevèrent entre les deux évêques au sujet du rappel et de la réhabilitation d’Aétius, sans cesse ajournés par Eudoxe, firent qu’Eunomius se sépara de celui-ci et forma un groupe à part ; on distingua dès lors les « eunomiens ou anoméens « des « ariens oueudoxiens ». Théodoret, Hæret. fabul. compend., iv, 3, P. G., t. lxxxiii, col. 421. Eunomius fit des ordinations pour son parti, qui eut bientôt un évêque à Constantinople même. Philostorge, Hist. eccles. epitom., viii, 2 ; ix, 4, P. G., t. lxv, col. 555, 570. La secte fit de grands progrès sous Julien l’Apostat, qui la favorisa, sans doute pour faire mieux échec aux orthodoxes. Dans un synode d’Antioche, tenu en 362 sous Euzoius, quelques évêques prononcèrent la réhabilitation d’Aétius et affirmèrent nettement la doctrine anoméenne, en déclarant c le Fils totalement dissemblable d’avec le Père, xarà uoevra àvôp.oioç, aussi bien sous le rapport de la volonté que sous celui de la substance ». Socrate, Hist. eccles., ii, 45, P. G., t. lxvii, col. 360.

Les progrès des eunomiens continuèrent sous Valens, grâce à l’inlluence prépondérante d’Eudoxe et au caractère franchement arien de la politique religieuse de l’empereur ; mais, à sa mort, leur fortune sombra. Dans l’édit de tolérance, porté par Gratien, à la fin de l’année 378, les eunomien.. furent exclus du bénéfice commun. Socrate, v, 2, P. G., t. lxvii, col. 568. Souf Théodose, leur situation devint encore plus critique. Condamnés nommément au second concile œcuménique, tenu à Conslantinople en 381 ; enveloppés dans toutes les mesures répressives prises par l’empereur contre les ariens ou les hérétiques en général, ils furent encore l’objet de lois spéciales, ordonnant de rechercher soigneusement et d’exiler leurs clercs et leurs docteurs, ou de livrer leurs livres au feu, leur enlevant même les droits civils en matière de testament et d’héritage. Cod. Tlœodos., Bonn, 1842, l. XVI, tit. v, 31, 32, 34, 49, 58. La décadence du parti fut aussi favorisée par des divisions intestines. Vers 379, un Cappadocien, nommé Théophrone, prétendit qu’il y avait diversité et changement dans la connaissance divine, suivant qu’elle se rapporte au passé, au présent ou à l’avenir ; excommunié par les eunomiens, il forma une secte dont les partisans s’appelèrent eunomiothéophroniens. Sozomène, Hist. eccles., vii, 17, P. G., t. lxvii, col. 1464. Peu de temps après, un laïque de Constantinople, du nom d’Eutycbius, soutint que le Fils, « axant tout reçu du Père, » connaissait l’heure du dernier jugement. Désapprouvé par les autres eunomiens qui s’appuyaient sur Matth., xxiv, 37, et Marc, xiii, 32, il fit appel à Eunomius alors en exil, et celui-ci sanctionna sa doctrine ; mais après la mort de l’hérésiarque, vers 395, il fut excommunié par ses adversaires et forma la secte des eunomiculychiens, les mêmes assurément qui, dans Nicéphore Callisle, sont appelés eunomieupsychiens, Sozomène, loc. cit. ; Nicéphore Calliste, Hist. eccles., xii, 30, P. G., t. cxi.vi, col. 842. Une troisième scission eut lieu sous Théodore le jeune, vers 420. Lucien,

neveu d’Eunomius et d’abord chef des, m eus à Con stantinople, se rendit cou pal île d’à va ri ci’e1 d’autres vices ; craignant qu’on ne sévit contre lui, il se sépara de son

parti et se fit une clientèle facile. Philostorge, xii, 11, P. G., t. lxv, col. 620. Vers le milieu du ve siècle, la secte des anoméens se trouvait presque éteinte ; les rares adeptes qu’elle conservait encore en Orient étaient obligés de se cacher et de tenir leurs assemblées dans des endroits isolés ; ce qui leur lit donner le nom de troglites ou troglodytes. Théodoret, Hærct. fabul., iv, 3, P. G., t. lxxxiii, col. 422.

IL Doctrine. — La doctrine trinitaire des anoméens est, en substance, celle de l’arianisme primitif. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la profession de foi présentée par Arius à saint Alexandre, S. Athanase, De synodis, § 15, P. G., t. xxvi, col. 706-706, et l’ëxôeatç Ttiarew ; d’Eunomius, P. G., t. Lxxii, col. 950-951, ou bien encore le court résumé que le même Eunomius donne de son enseignement à la fin de sa première Apologie, P. G., t. xxx, col. 868. Des deux côtés on part d’un Dieu unique, non engendré et sans commencement, àY£wï]To ; , ôevap/o ; , lequel, en conséquence de son éternité et de son aséité, ne saurait communiquer sa propre substance ni engendrer un terme même consubstantiel. Dès lors, il ne saurait être question ni d’identité, ni de similitude quant à la substance entre le Père et le Fils ; celui-ci est un être tiré du néant par la volonté du Père, mais supérieur aux autres créatures, parce que seul il a été créé immédiatement par le Dieu suprême pour devenir son instrument dans la production et le gouvernement du monde.

Cette doctrine, purement arienne, reçoit chez les anoméens une forme plus systématique et si fortement imprégnée du dialecticisme aristotélicien, que Théodoret leur reproche d’avoir transformé la théologie en technologie, Hæret. fabul., iv, 3, P. G., t. lxxxiii, col. 420, et saint Grégoire de Nysse, de tout concevoir en Dieu d’après les catégories d’Aristote. Conlr. Eitnom., . XII, P. G., t. xlv, col. 906-907. Aétius et Eunomius insistaient particulièrement sur ràyEvvrjiTta, Y aséité, comme constitutive de l’essence divine absolument simple et indivisible, pour en conclure la diversité de substance entre le Père àyÉvvY)To ; et le Fils yevvyjTdî. Les quarante sept raisonnements d’Aétius, rapportés par saint Epiphane, Hier., lxxvi, P. G., t. xlii, col. 549 sq., tendent tous à prouver que Và.-ytw-i)<j’.<x. signifie formellement et uniquement la substance divine éminemment simple, que c’est l’essence même de Dieu, et que par suite, dans l’hypothèse d’une génération à tenue consubslantiel, la substance divine serait tout à la fois engendrée et non engendrée, contradiction suivie de plusieurs autres.

Relativement au composé théandiique, les anoméens partageaient encore une erreur commune aux ariens, en ne reconnaissant pas d’âme humaine dans le Christ. S. Epiphane, Ancoratus, xxxiii, P. G., t. xliii, col. 77 ; Théodoret, Hseret. fabul, v, 11, P. G., t. lxxxiii, col. 489 ; Gennade, De eccl. dogm., ii, P. L., t. lviii, col. 981 ; surtout S. Grégoire de Nysse, Contra Eunom., il, 13, P. G., t. xlv, col. 543-515, et De anima, ibid., col. 220. Les doutes émis sur ce point par quelques auteurs, comme Tillemont, Mémoires, t. vi, p. 514, n’ont d’autre fondement que la mauvaise traduction latine de I’k’xŒei ; m’a-Têo ) ; d’Eunomius dont ils se sont servis. En ce qui concerne le Saint-Esprit, ils formulaient explicitement les conséquences de la doctrine arienne, ne voyant en lui que le plus haut et le plus noble produit du Fils, destiné à être la source de l’illumination et de la sanctification dosâmes. Dans son Apologie, n. 25, Eunomius lui refuse en propres termes la puissance créatrice et la divinité.

Les anoméens s’écartaient pourtant sur deux points de la doctrine d’Arius. D’après cet hérésiarque, le Fils n’était parvenu à la dignité divine qu’en récompense de sa vertu ; les anoméens, au contraire, lui attribuaient celle dignité comme apanage de sa génération et de sa filiation unique. Eunomius distinguai ! entre l’essence divine, oùiria, indivisible et incommunicable, et la