Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/685

Cette page n’a pas encore été corrigée

1311

ANIMATION

1312

graduellement va de l’imparfait, c’est-à-dire du degré sensitif, au parfait, c’est-à-dire au degré intellectuel. Ce passage a lieu quand l’être se manifeste par intuition au principe sensitif. En vertu de cette union avec l’être, l’âme sensitive commence à comprendre ? est élevée à un état meilleur, change de nature et devient intellective, subsistante et immortelle. Cette doctrine a été condamnée dans les propositions suivantes : Propositio xx. Nonrepugnat ut anima humana generalione multiplicetur, ila ut condpiatur eam ab imperfecto, nempe a gradusensilivo, ad perfectum, nempe ad gradum intelleclivum procedere. — Propositio XXI. Cum sensitivo principio inluibile fil esse, /toc solo tactu, hac sui unione, principium illud anlea solum sentiens, nunc simul intelligens, ad meliorem slatum evehitur, naturam mutât, ac fit intelligens, subsistons atque immortale. XL Propos iliones Anton ii Rosmini Serbati a S. Officiodamnatse die 14 decembris 1881. Il faut remarquer cependant que ce qui est condamné chez Rosmini, ce n’est pas la thèse de l’animation médiate, mais celles de l’évolution de l’àme sensitive en âme intellective et de la vision intuitive de l’être. — Les partisans de l’animation médiate et de la succession des âmes ont habituellement eu grand soin de noter que, si l’àme sensitive procédait de l’âme végétative et celle-ci de la vertu générative des parents, l’évolution vitale s’en tenait là, et que l’àme intellective ne résultait pas du développement spontané de l’être. en formation, mais était donnée par un acte créateur de Dieu ; enfin, qu’en arrivant dans le corps, elle se substituait immédiatement à l’àme sensitive pour remplir, en même temps que les fonctions intellectuelles, les fonctions sensitives et physiologiques, à elle seule tenir lieu de trois âmes et fournir à l’homme l’être, la vie, le mouvement, le sens et la pensée.

III. Arguments en faveur de l’animation médiate et réponses des adversaires.

I. Arguments tirés de l’écriture sainte. —

1° Exod., xxi, 22, 23. D’après les Septante, Moïse punit l’homme imprudent qui frappe une femme enceinte et amène par ses coups un avortement. Le principe du châtiment est « mort pour mort ». Si la femme succombe ou si son fruit était formé, le châtiment sera la mort. Au contraire, il n’y aura qu’une amende, si la femme ne meurt pas et si son fruit n’était pas encore formé. L’Ecriture sainte distingue donc entre ce qui est formé et ce qui ne l’est pas. La perte du premier entraîne la peine de mort, donc il y a eu homicide et ce fœtus était doué d’âme humaine. La perte du second n’expose le coupable qu’à une amende, parce que, faute d’animation humaine, il n’y a pas eu d’homicide.

— Du reste, saint Augustin InHeptateuch., 1. II, c. lxxx ; Exod., xxi, 22, 23, P. L., t. xxxiv, col. 626 ; Origène, In i, ’a ; od., homil. x, P. G., t. xii, col. 370, 371 ; les Constitutions apostoliques, 1. VII, c. iii, P. G., 1. 1, col. 1002 ; Théodoret, De grxcorum affeclibus curandis, serm. v, P. G., t. lxxxiii, col. 941, et In Exod., interrog. xlviii, P. G., t. lxxx, col. 273, et d’autres s’appuient sur ce texte pour soutenir l’animation médiate. Cf. Revue des sciences ecclésiastiques, juin 1886, L’animation immédiate réfutée, par le R. P. Hilaire, de Paris. —Réponse. Il y a lieu de douter de l’exactitude de la version des Septante ; ni l’hébreu, ni la Vulgate, ni le texte samaritain, ni le syriaque, ni l’arabe, ne font cette distinction, et l’interprétation rationnelle doit être celle-ci : s’il y a eu avortement, mais sans mort, ni de l’enfant ni de la mère, la peine sera l’amende ; le coupable sera mis à mort s’il a causé la mort de la mère, celle de l’enfant, ou celle des deux. — D’autre part, le texte des Septante lui-même prête à discussion, car la distinction entre h’fœtus formé et le fœtus informe ne coïncide pas nécessairement avec les deux périodes d’animation et de nonanirnation. Le législateur a pu parfaitement établir cette distinction parce que le fœtus informe (tant plus difficile à reconnaître, dans ce cas, il y a doute sur l’homicide, et partant mitigation dans la peine. — Quant aux Pères qui se seraient basés sur ce texte pour établir l’animation immédiate, leur autorité d’interprétation ne vaut que dans la mesure même de l’authenticité du texte. Cf. P. Hummelauer, In Exod., xxi, 22, 23, Paris, 1897.

2° Lev., xii, 2-5. Dieu impose aux mères quarante jours de purification pour les enfants mâles et quatrevingts pour les filles. Cette loi, prise dans son sens direct, n’a aucun rapport avec l’animation, soit ; mais elle a toujours été considérée par la tradition comme un symbole de périodes diverses d’animation. Les quarante jours de purification après la naissance des enfants mâles symbolisent les quarante jours écoulés entre la conception de ces enfants et leur animation ; pour les filles, l’animation a eu lieu après quatre-vingts jours, d’où nécessité d’un nombre égal de jours de purification. Cf. Revxte des sciences ecclésiastiques, loc. cit. — Réponse. En effet, ce texte directement n’a aucune valeur au sujet de l’animation. Symbole n’est pas preuve. Quand ils voient, dans une parole ou dans un fait scripturaire, le symbole d’une doctrine, les Pères n’affirment pas pour cela que Dieu a voulu, par cette parole ou par ce fait, établir cette doctrine. Saint Augustin qui voit, par exemple, dans le nombre de quarante années employées à construire le temple, une image des quarante jours qui seraient exigés par la nature pour former le corps humain avant l’arrivée de l’âme, n’a certainement pas prétendu y trouver une démonstration de l’animation médiate. Liber LXXXIII qvœstionum, q. lvi, P. L., t. XL, col. 39. Dans le cas présent, le texte prouverait trop puisqu’il faudrait en déduire, non seulement que la sainte Écriture admet l’animation médiate, mais encore qu’elle en fixe l’époque au quarantième et au quatrevingtième jour suivant les sexes, ce que personne aujourd’hui ne voudrait raisonnablement soutenir.

3° Job, x, 9-12, décrit de la façon suivante la formation de l’homme : « Souvenez-vous, je vous prie, que vous m’avez fait comme un vase d’argile et que vous me réduirez en poussière. Ne m’avez-vous pas trait comme le lait et coagulé comme le fromage ? Vous m’avez revêtu de peau et de chairs, et avec des os et des nerfs, vous avez fait un tout de moi. Vous m’avez donné vie et miséricorde et vos soins ont conservé mon souffle vital. » Dans cette description l’auteur sacré met en premier lieu la formation du corps, en dernier lieu le don de la vie et l’exercice de la miséricorde divine. Donc l’âme n’est pas contemporaine du corps. — Ce qui le confirme, c’est le parallélisme insinué par Job, j^. 9, entre sa formation et celle d’Adam, Gen., ri, 7 ; or, dans celle-ci l’animation a été postérieure à l’organisation du corps. — Réponse. Il y a là une description dans laquelle l’auteur inspiré va du moins important, le corps, au plus important, l’àme. Il n’y a pas nécessairement un récit par ordre chronologique des stades parcourus par la formation humaine, puisque, manifestement, l’animation et surtout la vie, vilam, est antérieure au moment où Dieu a revêtu Job « de peau et de chairs, et avec des os et des nerfs a fait un tout » en lui. —D’autre part, il est certain que l’auteur sacré n’a pas entendu donner une analyse totale et absolument scientifique des phénomènes qui se passent à notre origine, mais qu’il a parlé comme on parlaitcouramnientalors.il n’y a donc pas lieu de chercher là un accord parfait avec la réalité, pas plus qu’avec les données actuelles de l’embryologie.

— Enfin, le parallélisme avec la création du premier homme porte sur la similitude de providence divine plutôt que sur la ressemblance des procédés par lesquels Adam et Job ont été formés. D’ailleurs, on dispute même sur la question de savoir si Adam a été réellement formé dans son corps avant l’infusion de son âme, ou si 1rs deux choses, quoique racontées successivement, ont été simultanées. S. Thomas, Sum. theol., I a, .