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ANIMATION

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ciles. » Cf. Barthélémy Saint-Hilaire, Préface au traité de la génération des animaux, d’Aristote, Paris, 1887 ; Ed. Chaignet, Essai sur la psychologie d’Aristote, Paris, 1883.

L’animation et les Pères grecs. — Parmi les Pères grecs, on rencontre des partisans de l’animation médiate et des partisans de l’animation immédiate. — 1. Saint Grégoire deNysse avait cependant traité la question avec une telle netteté et une telle force, qu’il semble avoir conquis le plus de suffrages à la thèse de l’animation immédiate. Il avait en face de lui deux doctrines opposées : l’une qui soutenait que l’âme existe avant le corps, l’autre qui défendait la préexistence du corps par rapport à l’âme. Contre les deux doctrines, il affirme catégoriquement la simultanéité des deux origines : le corps et l’àme, dit-il, commencent d’exister en même temps. Ils se développent insensiblement, mais dès le premier instant de la conception l’âme est là tout entière, pour manifester successivement, à mesure que le corps grandit, ses diverses facultés. De hominis opi/icio, c. xxviii, P. G., t. xliv, col. 230 ; De anima et resurrectione, P. G., t. xlvi, col. 125. Cf. Passaglia, Z)e immaculato Deiparæ virginis conceptu, Rome 1855, part. III, p. 1879. — Saint Basile semble bien tenir pour l’opinion de son frère, quand il veut que l’on considère comme coupables d’assassinat ceux qui provoquent l’avortement d’un fœtus, qu’il soit formé ou non. Ad Amphilochium, epist. ii, dans Balsamon, Opéra, P. G., t. cxxxviii, col. 587. — Saint Maxime, abbé, en appelle au raisonnement pour démontrer que le corps ne saurait exister avant l’âme. S’il existe avant toute âme, il est mort, car il n’y a de vivant que ce qui est animé. S’il existe avant l’àme raisonnable seulement, mais avec une âme végétative ou une âme sensitive, l’homme engendre une plante ou un animal, ce qui paraît impossible, car la plante procède de la plante et non pas de l’homme, pareillement l’animal naît de l’animal et non pas de l’homme. De variis difficilibus locis sanctornm Dionysii et Gregorii seu <imbiguorum liber, P. G., t. xci, col. 1335 sq. — Mélétius ne peut pas davantage accepter que l’âme vienne après le corps, car de même qu’un cachet ne saurait s’adapter à l’effigie faite sur la cire par un cachet différent, ainsi l’âme, image et sceau de la divinité, ne saurait s’adapter à un corps marqué du sceau d’une autre âme et organisé par elle. Elucubratio synoptica de natura hominis, P. G., t. lxiv, col. 1087. —2. Le principal représentant de l’animation médiate, chez les Grecs, est Théodoret. Il invoque Moïse et Job. Le premier atteste que Dieu a formé d’abord le corps de l’homme et qu’il ne lui a donné une âme qu’après l’avoir pétri du limon de la terre. Le second décrit ses origines de la même façon cl reconnaît n’avoir reçu la vie humaine qu’après que Dieu oui formé ses os et ses nerfs. Donc, conclut Théodoret, l’âme n’est créée que dans un corps déjà organisé, c’est-à-dire après la conception. De grsecorum affect. curandis. Sermo de natura hominis, P. G., t. lxxxiii, col. 912.

L’animation et les Pères latins. —Tandis que, chez les grecs, Grégoire de Nysse fait école et décide le plus grand nombre en faveur de l’animation immédiate, chez les latins, au contraire, Tertullien en soutenant la même animation immédiate suscite des partisans à l’animation médiate. La cause en est dans l’erreur du traducianisme (voir ce mot) qu’il mêle à sa théorie. Selon lui, de même que l’homme perd l’âme humaine en perdant la vie, ainsi il reçoit cette âme humaine en prenant vie. La vie et l’animation sont donc deux faits simultanés, et comme la vie est contemporaine de la conception, il en résulte que l’animation est immédiate. Jusque-là il n’y -avait rien à redire au langage de Tertullien. Mais il ajoute que l’àme est donnée on ce moment-là par les parents. « L’âme comme le corps est le fruit de la génération : des âmes du père et de la mère se détache le germe d’une âme nouvelle, un rejeton pour ainsi dire de la race d’Adam, velut siirculus quidam ex matrice Adam. » De anima, c. xix, P. L., t. ii, col. 682. Cf. c. xxvii et xxxvi, P. L., _i. ii, col. 694, 712. 0. Bardenbewer, Les Pères <’<' l’Eglise, première période, l. II, § 36, trad. P. Godet et C. Verschaffel, Paris, 1898, t. i, p. 323 ; Esser, Die Seelenlehre Tertuilians, Paderborn, 1893. — Pour mieux combattre cette hérésie, les Pères latins distinguèrent entre la conception et l’animation ; la conception est l’œuvre des parents, l’animation est le résultat de la création de l’âme par Dieu. Ils firent plus que les distinguer, ils les séparèrent chronologiquement, ils fixèrent à l’animation une date postérieure à la conception et ainsi disparaissait toute possibilité de traducianisme, lequel n’est conciliable qu’avec l’animation immédiate. Ainsi, selon Gennade de Marseille, l’âme n’est créée et unie au corps qu’après que celui-ci est déjà formé : formato jam corpore animant creari et infundi. De ccclesiasticis dogmatibus, c. xiv, P. L., t. lviii, col. 984. — L’auteur du livre De spiritu et anima, faussement attribué à saint Augustin, écrit que le corps humain vit de la vie végétative, se meut, grandit et acquiert la forme humaine dans le sein de la mère avant de recevoir l’âme raisonnable : Vegetatur tamen et movetur et crescit et humanam formam in utero recipit, priusquam animant rationalem recipiat, c. ix. S. Augustin, Opéra, P. L., t. xl, col. 784-785. — Un autre auteur, également confondu avec saint Augustin, compare la formation de chaque homme à celle d’Adam et dit que Dieu ne donne une âme immortelle au corps humain qu’après qu’il est formé, ainsi qu’il fit pour Adam, Ouæst. ex Vet. Testant., c. xxiii. S. Augustin, Opéra, P. L., t. xxxv, col. 2229. Cf. Gralien, Decretum, II part., caus. XXXII, q. il, c. 9, où ce texte est rapporté. — Cassiodore raisonne de la même façon et invoque en outre le témoignage des médecins qui fixent l’animation au quarantième jour après la conception. De anima, c. vii, P. L., t. lxx, col. 1292. Le même auteur observe toutefois fort justement que, dans des questions aussi obscures, il vaut mieux avouer son ignorance que se prononcer avec une audace dangereuse : Melius est in lam occidtis causis confiteri ignorantiam quant periculosam nssumere fortassis audaciam. Cf. Eschbach, Dispulationes physiologico-theologicse, disp. II, part. I, c. i, a. 1, Paris, 1884.

L’animation et la scolàstique.
1. Le courant créé par les Pères latins en faveur de l’animation médiate se continua au moyen âge dans la théologie et surtout dans la philosophie scolàstique. Il fut suivi par saint Anselme, De conceptu virginali, c. vii, P. L., t. clviii, col. 440 ; Pierre Lombard, Sent., l. II, dist. XVIII, P. L., t. excu, col. 689, où il répète les propres paroles de Gennade ; Hugues de Saint-Victor, Explanatio in Cant. B. M. Virginis, P. L., t. clxxv, col. 418 (cf. Mignon, Les origines de la scolàstique et Httgues de Saint-Victor, c. iii, Paris, sans date, t. I, p. 105). Il y fut renforcé par l’arrivée des œuvres psychologiques d’Aristote. Quand on connut le philosophe de Stagyre, son De anima et plus particulièrement le De generalione animalium, on y vit des textes favorables à la succession dés âmes et à l’animation médiate et l’École presque tout entière se rallia à l’opinion de Gennade et d’Aristote. Saint Thomas, Qusest. disp., De potentia, q. iii, a. 9, ad 9um ; Sum. theol., I a, q. cxviii, a. 2, ad 2um ; In IV Sent., l. II, dist. XVIII, q. ii, a. 3 ; Cont. ge.nl., l. II, c. i-xxxvii, i. xxxvin et i.xxxix, les commentateurs du De anima, ceux de Pierre Lombard, ceux de saint Thomas, professent à l’envi que l’âme raisonnable n’est créée par Dieu et n’est unie au corps que lorsque celui-ci est suffisamment constitué. —
2. Ils ne sont plus aussi unanimes quand il s’agit (le fixer la date où le corps est assez organisé pour être habitable par l’àme raisonnable. On conçoit, en effet, la difficulté de celle question et les