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ANGLICANISME

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mais aucun d’eux n’avait une autorité suffisante pour donner une décision. L’université d’Oxford au moins se prononça, et nous pouvons regarder ses jugements comme un indice de l’opinion générale à cette époque dans le monde officiel anglican. Les hommes du mouvement, qui se nommaient catholiques, éprouvaient une grande difficulté à signer les 39 articles, dont quelquesuns paraissent opposés diamétralement à la doctrine catholique. Newman, dont l’esprit subtil et pénétrant voyait les difficultés mieux que tout autre, voulut enlever à ses amis toute cause de scrupule, et il fit un véritable tour de force pour démontrer, dans le fameux Tracl 90, que les articles peuvent être compris et signés dans le sens catholique, quoiqu’ils soient le produit d’un âge anticatholique. Mais les chefs de l’université n’étaient pas de cet avis : le 15 mars 1841 le Tract 90 était condamné, et l’université désavouait en même temps tous les Tracts. Ceci n’empêcha pas le parti de faire de rapides progrès, en dépit du mauvais vouloir des autorités universitaires. En 1813, on condamna un sermon de Pusey sur l’eucharistie, comme contenant « certaines choses en désaccord ou en opposition avec la doctrine de l’Église d’Angleterre ». On ne disait point quelles étaient ces erreurs, mais il est à croire que la condamnation portait sur la présence réelle et le sacrifice que Pusey reconnaissait dans l’eucharistie, quoique dans un sens bien différent de la doctrine catholique. En conséquence le professeur d’hébreu reçut la défense de prêcher devant l’université. L’année suivante, ce fut le tour de William George Ward, esprit puissant et original qui, dans un livre intitulé : L’idéal de l’Eglise chrétienne, faisait le procès de l’anglicanisme, et allait jusqu’à couvrir d’éloges l’Église romaine. Il fut privé de son grade de maître es arts, et cessa de faire partie de l’université. Il ne tarda pas à entrer dans l’Église catholique, où il fut suivi par Newman en 1845, et par un grand nombre d’esprits d’élite, qui ont été l’honneur du clergé catholique anglais durant notre siècle.

Cependant Pusey demeura anglican et travailla jusqu’à la fin de sa vie àcatholiciser cette Église qu’il croyait une branche de l’Église universelle. Il admettait la confession auriculaire et les ordres religieux ; ses disciples allèrent beaucoup plus loin que lui, et peu à peu se forma au sein de l’anglicanisme un parti dans lequel on trouve les pratiques et les doctrines catholiques, jusqu’aux messes pour les morts et à l’infaillibilité du pape ; quelques-uns de ses membres commencent même timidement à admettre la transsubstantiation.

VIL Quelle est actuellement la doctrine de l’Église anglicane ? — Il est bien difficile de répondre à cette question. Pour avoir une idée complète des doctrines anglicanes, il faudrait rendre compte de l’enseignement des théologiens de toutes nuances, depuis les plus stricts protestants, qui ne se distinguent guère des dissidents, jusqu’à ceux qui se servent du missel romain, et se guident d’après les décrets de la S. C. des Rites, sans oublier les latitiidinariens, prêts à admettre dans leur Église tous ceux qui ont une foi quelconque au Christ. Il semble au moins qu’on pourrait trouver quelque chose dans les décisions données dans la seconde moitié du XIXe siècle par les pouvoirs chargés de légiférer pour l’Eglise anglicane. Mais ici encore on ne trouve que confusion et contradiction. En 1847, le conseil privé, qui est la plus haute cour à laquelle on puisse appeler, décida dans le « cas de Gorham » qu’on est libre dans l’Église anglicane de soutenir ou de combattre la doctrine de la régénération baptismale. Les évéques eux-mêmes étaient en désaccord sur celle question, et incapables de décider dans quel sens il fallait entendre les formulaires de leur Eglise. Le procès dr l’archidiacre Denison, en 1855, donna à l’archevêque de Cantorbéry, Sumner, qui s’était déjà prononcé contre la régénération baptismale, l’occasion de se prononcer

aussi sur la doctrine de l’eucharislie. Denison admettait la présence réelle ; il fut mis en demeure de se rétracter, et de déclarer que le corps et le sang de Jésus-Christ ne sont pas reçus par ceux qui communient indignement, et que nulle adoration n’est due à la présence du Christ sous les éléments du pain et du vin. Il refusa et fut privé de son bénéfice. Ceci n’empêcha pas la doctrine des sacrements de faire de rapides progrès, et maintenant on peut impunément prêcher ce qui était condamné alors. En 1872, le conseil privé rendait un jugement d’après lequel il n’est pas contraire aux articles d’enseigner la présence réelle, le sacrifice eucharistique et l’adoration du Christ présent dans les éléments.

Le mouvement d’Oxford fut suivi d’une réaction dans le sens de la libre-pensée et du scepticisme. Un certain nombre d’esprits, d’abord entraînés dans le mouvement sans trop savoir pourquoi, n’y avaient point rencontré ce qu’ils cherchaient, et se trouvèrent sans point d’appui lorsqu’ils cessèrent d’être soutenus par les causes qui les avaient influencés ; le résultat fut une école antidogmatique qui s’éleva dans les universités, surtout à Oxford. En 1860, cette école produisit un livre intitulé Essays and reviews, qui mit en émoi tout le monde religieux en Angleterre. Il contenait sept essais par sept auteurs qui déclaraient avoir écrit indépendamment l’un de l’autre ; l’un d’eux est l’archevêque actuel de Cantorbéry, le docteur Temple (1900). Entre autres choses on y attaquait l’inspiration de la Bible, les preuves du christianisme, l’éternité des peines de l’enfer, et on réclamait une Église nationale assez large pour embrasser tous les symboles. Il y eut un déluge de réponses par une foule de théologiens. Cela n’engageait pas la doctrine de l’Eglise anglicane, lorsque deux des écrivains furent poursuivis ; ce qui donna au conseil privé l’occasion de déclarer que l’inspiration n’était pas définie par les articles, et qu’un clergyman de l’Église anglicane ne pouvait être condamné pour soutenir que les peines de l’enfer ne sont pas éternelles. Cependant la convocation, rétablie en 1852, avait été saisie de la question. Beaucoup de ses membres étaient absents lorsque le jugement de la chambre basse fut prononcé : on déclarait qu’il y avait des raisons suffisantes pour porter un jugement synodal sur le livre intitulé Essays and reviews. Mais les évéques n’étaient point d’avis de le condamner ; ils furent heureux de trouver une échappatoire en disant qu’il fallait attendre le jugement du conseil privé. Cependant une pétition signée par 11000 clergymen força les évéques à agir et, en 1864, le livre fut condamné par l’assemblée du clergé comme contenant « un enseignement contraire à la doctrine reçue par 1 Eglise unie d’Angleterre et d’Irlande, en communauté avec toute l’Église catholique du Christ ». Ce jugement fut rendu à une très faible majorité ; il faut ajouter qu’il n’a aucune autorité légale, car le gouvernement seul peut donner une décision ayant force de loi sur la discipline et la doctrine. Nous croyons que ces divers jugements montrent la eomprélicnsion de l’Église anglicane, et justifient les paroles que l’évêque Wilberforce prononçait au parlement, en 1807 : « L’Église d’Angleterre n’est pas une Eglise de compromis, mais de compréhension ; elle conlient dans son sein des hommes de toute opinion, entre ceux qui nient absolument ses premiers principes, et ceux qui soutiennent les doctrines de l’Eglise romaine, qu’elle a expressément condamnées. » Il ajoutait que toute la force de l’Église anglicane se trouvait dans celle compréhensivilé ; c’est peut-être le contraire qu’il faillirait dire.

La même année 1867, se réunissait le premier synode pan-anglican ; on aurait pu croire que tant d’évêques réunis parviendraient à s’entendre pour établir certains points de doctrine communs à tous les anglicans, mais ils ne s’occupèrent que de questions d’administration et de discipline, se contentant de recommander aux fidèles,