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ANGLICANISME


Chambre des communes décida de ne recevoir aucun projet de loi qui aurait pour objet la compréhension des sectes dans l’Église anglicane. La chute de Jacques II amenée par les efforts de ce roi pour établir la liberté de conscience est une preuve que l’Angleterre, sous son règne, était encore opposée au latitudinarisme. Mais le zèle se refroidit sous Guillaume d’Orange, qui avait promis qu’aucun de ses sujets protestants ne serait persécuté pour sa religion. Une seule croyance ne pouvait être tolérée, c’était le papisme ; quant au reste, il y avait place pour toutes les sectes. La plupart des évêques étaient pour la tolérance, quelques-uns même acceptaient l’union avec toutes les formes de protestantisme, et approuvaient un projet de réforme du P rayer book, qui le rendait apte à servir à tous. Ici encore le latitudinarisme fut défait par la Chambre des communes, qui empêcha de voter l’union, tandis que la chambre basse de la convocation ou synode provincial de Cantorbéry s’opposait à ce que le Prayer book fût modifié (1689).

Le règne de Guillaume d’Orange et une partie de celui d’Anne furent remplis par les disputes entre les deux chambres de la convocation à propos des dissidents ; la chambre haute était disposée à les ménager, la chambre basse s’y opposait. Le laxisme des évêques qui, avec leurs principes érastiens, étaient toujours prêts à favoriser les idées de tolérance du souverain, fit développer dans le bas clergé les principes de la Haute Église ; la chambre basse de la convocation soutint que l’Eglise avait le droit de se gouverner indépendamment de l’autorité civile ; elle prétendit même échapper à la juridiction des évêques. Le peuple était de cet avis, aussi les maximes de la Haute Église triomphèrent-elles pendant le règne d’Anne. Les élections de 1710 produisirent un Parlement composé en grande majorité d’hommes de ce parti, et les dissidents désespérèrent de voir leur cause triompher. En même temps, il y avait dans le culte un développement considérable d’observances extérieures qui marquait une réaction générale contre les idées calvinistes. Non seulement on recevait la communion à genoux, mais on se prosternait et on baisait la terre en se frappant la poitrine ; on préférait au sermon les offices chantés, et on voyait des peintures autour de l’autel.

V. La dynastie de Hanovre. Rationalisme, méthodisme, évangéusme. — L’avènement de Georges I" donna à l’Église anglicane un chef luthérien. Il fut, il est vrai, obligé de faire profession d’anglicanisme avant de monter sur le trône, mais il n’éprouva jamais que de l’indifférence pour la religion officielle de l’Angleterre. Ses principes étaient plutôt ceux du latitudinarisme, et c’est à ce laxisme doctrinal du chef suprême qu’il faut attribuer le misérable état où l’Église anglicane apparaît dans le xviiie siècle.

Quelques mots sur l’état des partis dans le clergé anglican sont nécessaires pour faire comprendre l’anarchie doctrinale qui s’abattit alors plus que jamais sur l’Angleterre. Beaucoup de membres du clergé avaient refusé de prêter serment à la nouvelle dynastie : ils furent appelés non-jurcurs. Déjà un certain nombre de ministres avaient fait de même lors de l’avènement de Guillaume et de Marie, mais ce nombre augmenta beaucoup au commencement du règne de Georges. Ils professaient les principes de la Haute Église ; mais ils étaient en fait séparés de l’Église anglicane, puisqu’ils refusaient de reconnaître son chef. D’autres, encore plus nombreux, qui croyaient comme les précédents à l’inamissibilité des droits des Sluarts à la couronne, se croyaient autorisés par les circonstances à reconnaître le nouveau gouvernement, mais ils conservaient dans leur cœur l’amour des Stuarts, et priaient pour leur retour. On leur donna le nom de jacobites. Leur position fausse paralysait leur action, et ils ne pouvaient rien faire, quoiqu’ils fussent encore la portion la plus saine

du clergé anglican. Enfin il y avait le clergé whig, qui avait cordialement accepté le nouveau roi ; il était tout à fait disposé à seconder ses vues de tolérance, et à élargir les bornes de l’anglicanisme pour y admettre le plus de sectes possible. La plupart des évêques étaient dans ces sentiments. En 1717, Hoadly, évêque de Bangor, nia publiquement la nécessité d’appartenir à une Église visible ; suivant lui, la sincérité était la seule condition requise pour être chrétien : il concluait à l’abolition des lests, ou gages d’orthodoxie, et se moquait des prétentions du gouvernement ecclésiastique. La chambre basse de la convocation était toute prête à le condamner, lorsque l’assemblée du clergé fut prorogée par les ministres du roi, qui ne voulaient pas voir condamner un évêque de leur parti. Elle ne devait plus se réunir avant le milieu du xixe siècle. Le latitudinarisme s’étendit de plus en plus ; on en arrivait à ne plus reconnaître l’obligation d’admettre les principes les plus fondamentaux du christianisme. Des hommes de valeur comme Sikes, Whiston, Chamhers, soutenaient qu’on pouvait signer les articles sur l’incarnation dans le sens arien ; d’autres voulaient qu’on changeât le Prayer book afin de l’adapter aux idées ariennes ; il ne fut conservé que par la crainte de voir une partie notable du clergé se jeter dans le parti jacobite.

Hoadly avait aussi proposé une doctrine particulière sur l’eucharistie ; il ne voyait dans ce sacrement qu’un rite commémoratif sans réelle valeur. Les non-jureurs au contraire admettaient le sacrifice et même une présence corporelle de Notre-Seigneur. Waterland, que l’on donne comme le représentant et le champion de la doctrine anglicane dans les controverses de cette époque, soutenait la doctrine calviniste.

Les théologiens anglicans eurent aussi à répondre alors aux écrits des déistes, comme Shaflesbuiy, Collins et Tindal, qui voulaient remplacer le christianisme par la religion naturelle. Cette nécessité donna le ton à presque toute la théologie anglicane depuis la fin du xviie siècle jusqu’au mouvement d’Oxford, l’oint de théologie dogmatique proprement dite ; personne ne songeait à donner aux grandes vérités du christianisme ces développements qui ont fait la gloire de nos Bossuet et de nos Bourdaloue ; on se bornait à faire de l’apologétique, et cette apologétique était loin d’atteindre son but. Les uns se contentaient d’injurier les déistes et de les tourner en ridicule ; les autres se laissaient dominer par l’esprit rationaliste en tâchant de montrer que le christianisme n’était qu’une nouvelle promulgation de la loi naturelle, à laquelle venaient s’ajouter un certain nombre de préceptes et de vérités, qui n’auraient pas pu être découverts par la raison seule, mais qui, une fois connus, n’avaient rien d’inaccessible à la raison. Un auteur se rencontra cependant qui lit un ouvrage d’une réelle valeur. Butler, depuis évêque de Durham, publia en 1736 son Analogie de la religion naturelle et de la religion révélée avec la constitution et le cours de la nature. Les déistes refusaient d’admettre tout ce qui dépasse la raison humaine ; Butler se sert des obscurités impénétrables que l’on rencontre dans la nature pour prouver qu’il peut y avoir dans la révélation des vérités et des préceptes que la raison doit admettre sans pouvoir les juger. Quant à la morale de cette époque, voici les enseignements qui tombaient de la cliaire, et qui ont contribué à former le caractère anglais, tel que nous le connaissons : s’abstenir du vice, cultiver la vertu ; remplir convenablement sa place dans le monde ; supporter les maux de la vie avec résignation ; jouir avec modération des plaisirs qu’elle nous donne. Que l’on établisse cette morale sur une base indépendante avec les déistes, ou qu’on lui donne, avec les anglicans orthodoxes, la sanction religieuse, que l’on a pu caractériser en ces termes : « Parce que Dieu est plus fort que nous, et peut nous damner si nous ne mar