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ANGLICANISME

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une conférence composée d’évêques et de théologiens ; le résultat fut la proclamation des neuf articles de Lambeth, qui admettent la doctrine de Calvin jusque dans ses plus terribles conséquences. Dieu de toute éternité a prédestiné certains hommes, et en a réprouvé certains autres. Il y a un nombre fixé de prédestinés, qui ne peut être ni augmenté, ni diminué. Un homme qui a la foi justifiante ne peut la perdre totalement ou finalement ; il est certain d’une certitude de foi qu’il sera sauvé. La grâce suffisante pour être sauvé n’est pas donnée à tous ; tous les hommes ne sont pas attirés par le Père pour qu’ils puissent aller au Fils ; il n’est pas au pouvoir de tous d’être sauvés. L’archevêque d’York approuva ces propositions, et on peut dire que l’Église anglicane se trouvait officiellement calviniste. Tous n’étaient cependant pas de l’avis du primat ; un Français nommé Pierre Baro prêcha à Cambridge contre ces articles, et soutint que Dieu avait créé tous les hommes pour la vie éternelle, que le Christ était mort pour tous, et que les promesses de Dieu .s’adressent à tous. Il fut aussitôt accusé d’hérésie, et Whitgift était tout prêt à le poursuivre, lorque la mauvaise humeur de la reine et la crainte de se trouver d’accord avec les puritains vinrent refroidir son zèle calviniste. Il n’y eut plus de confessions de foi jusqu’à la lin du règne d’Elisabeth.

IV. Les Stuarts. Progrès de la Haute Église. Arminianisme. Latitudinarisme. — Pendant la plus grande partie du règne de Jacques I" r, l’Église anglicane demeura calviniste. Le roi l’était, les évêques aussi, et s’ils refusèrent d’insérer dans les trente-neuf articles les propositions de Lambeth, ce n’était pas qu’ils fussent opposés à la doctrine de ces propositions, mais Jacques ne voulait pas « bourrer le livre de toutes ces conclusions théologiques ». Le fils de Marie Stuart était si bien calviniste, qu’il envoya des députés au synode de Dordrecht, pour s’associer à la condamnation de l’arminianisme. Cela n’empêcha pas la doctrine condamnée de pénétrer en Angleterre et de s’y répandre peu à peu. Vers la fin du règne de Jacques, un de ses chapelains, William Montagu, qui depuis fut évêque de Chichester, niait dans un écrit public que la doctrine de Calvin sur le libre arbitre et l’inamissibilité de la foi fût la doctrine de l’Église anglicane. Il fut, il est vrai, censuré par le primat Abbot, mais plusieurs évêques l’encouragèrent à persister dans ses idées.

Sous le règne suivant, l’arminianisme gagna de plus en plus et fut bientôt ouvertement soutenu par de hauts dignitaires de l’Église anglicane. La réaction contre le calvinisme s’identifia avec le parti dont nous avons vu les germes dans Richard Bancroft et qui devint la Haute Eglise. A la tête de ce parti était Laud, évêquede Saint-David, qui sut prendre un grand ascendant sur Charles I er. Il voulut, dès le commencement du règne, mettre la convocation en mesure de se prononcer sur les cinq propositions d’Arminius condamnées à Dordrecht, espérant bien que la condamnation serait rapportée par l’organe officiel de l’anglicanisme, cependant Andrews, évêque de Winchester, du même parti que Laud, mais plus clairvoyant, parvint à empêcher ce projet de se réaliser, car il prévoyait que le’clergé se prononcerait dans un sens opposé à celui qu’on désin’il le voir adopter. Laud, nommé évêque de Bath and Wells, n’en continua pas moins à combattre le calvinisme par tous les moyens. Cela causa un grand mécontentement dans le pays ; le Parlement de 1628 se plaignait que la profession des doctrines arminiennes fût le seul moyen d’obtenir les dignités ecclésiastiques, et l’année suivante, malgré quelques concessions du roi, la Chambre des communes déclara que les articles calvinistes de Lambeth étaient la véritable interprétation des trente-neuf articles. Les discours prononcés dans ce parlement de 1629 révèlent une grande défiance à l’égard des évêques ; leurs sentiments érastiens et absolutis tes, qui les menaient jusqu’à faire du roi une sorte de demi-dieu, étaient pour beaucoup dans les préventions qu’ils inspiraient au peuple.

Le parti de la Haute Église reçut alors un accroissement de pouvoir par l’élévation de Laud à l’archevêché de Cantorbéry ; ce qui augmenta aussi le mécontentement, et précipita la catastrophe qui termine le règne de Charles I’r. L’archevêque était déjà haï à cause de ses opinions arminiennes, qui le faisaient accuser de papisme, mais ce qui excita le plus contre lui les puritains fut l’ordre qu’il donna après son élévation au siège primatial de remettre la table de communion à la place de l’ancien autel. Depuis longtemps on la plaçait dans le sens de la longueur de l’église, souvent même dans la nef, afin de protester ainsi contre toute idée de sacrifice. L’ordre du primat remplit d’effroi le cœur de tous les bons protestants:le papisme allait revenir, et les évêques qui obéissaient aux injonctions de leur chef n’étaient rien moins que des antéchrists. Laud tint tête à l’orage pendant dix ans, mais ses tendances ritualistes et la manière trop autoritaire dont il effectua ses rélorrnes augmentèrent le mécontentement général, qui fut adroitement mis à profit par les puritains, et le Long Parlement prit une suite de mesures qui désorganisaient complètement l’Église anglicane. En 1643, l’épiscopat était supprimé ; l’adoption du covenant écossais, la même année, établissait définitivement le presbytérianisme ; on composait une forme d’ordination presbytérienne, et un directoire puritain pour l’office divin était imposé au commencement de 16i5. La fin de cette même année vit la décapitation de Laud, et l’anarchie religieuse régna en Angleterre jusqu’à la restauration en 1660. Durant le gouvernement de Cromwell, toutes les opinions religieuses étaient admises en Angleterre, excepté le papisme et le « prélatisme ».

Charles II, en montant sur le trône, promit la liberté de conscience. Les puritains et les anglicans demandaient la revision du Prayer— book, les uns’pour le rendre plus protestant, les autres pour le rapprocher davantage de la doctrine catholique. Après une conférence entre les deux partis, qui ne donna aucun résultat, la convocation fit au livre de nombreux changements, dont l’effet général fut de lui donner une teinte moins protestante. Le Prayer book ainsi modifié fut imposé par l’acte d’uniformité, en 1662. La tendance n’était plus vers le presbytérianisme. C’est à cette époque que brillèrent bon nombre de théologiens anglicans dont les partisans de la Haute Église font, de nos jours, beaucoup de cas. La doctrine sur laquelle s’accordaient les théologiens anglicans de la restauration était celle du droit divin des rois ; tous exigeaient des sujets l’obéissance passive.

Les disputes entre confonnistes et non-conformistes donnèrent naissance à un parti qui était destiné à prendre une grande importance dans l’anglicanisme. On voit déjà poindre cette école avant la chute de Charles I er, mais elle apparaît dans toute sa force à la restauration. Un certain nombre de théologiens, hommes d’une haute valeur intellectuelle, voyaient avec une indifférence assez marquée certaines doctrines et certaines pratiques que les deux partis extrêmes de l’Eglise— anglicane croyaient essentielles, et qui faisaient le fond de toutes leurs disputes, par exemple l’épiscopat et la doctrine de la grâce. D’après ces nouveaux venus la doctrine aussi bien que la discipline étaient soumises à la loi du progrès continu, de sorte qu’il n’y avait aucun inconvénient à différer soit des réformateurs, soit des Pères de l’Église. Une des conséquences de cette doctrine, qu’on appela latitudinarisme, était qu’il fallait abolir les tests ou professions d’anglicanisme ; on voulut même proposer au Parlement un projet de loi qui admettait dans l’Église anglicane un certain nombre de sectes dissidentes, et en tolérait plusieurs autres; mais, en 1G88, la