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ANGLICANISME


lequel le corps du Christ est reçu et mangé est la foi. Le sacrement de l’eucharistie n’a pas été institué par le Christ pour être conservé, transporté, élevé et adoré. »

Les indignes, hien qu’ils pressent avec les dents le sacrement du corps et du sang du Christ, ne reçoivent cependant pas le Christ. La communion sous les deux espèces est nécessaire. Le sacrifice de la croix a accompli la rédemption une fois pour toutes ; par conséquent « les sacrifices de messes » sont des fables blasphématoires et des impostures pernicieuses.

Viennent ensuite trois articles sur la discipline (32-34). Le mariage des évêques, des prêtres et des diacres est permis. Les excommuniés doivent être évités, les églises particulières ont le droit de changer et de détruire les cérémonies et les traditions, mais personne ne doit le faire de son autorité privée. L’article 35 approuve les deux livres d’homélies, publiés l’un par Edouard VI, l’autre par Elisabeth, pour suppléer à l’insuffisance des prédicateurs ; le 36e approuve l’ordinal d’Edouard VI ; le 37e affirme de nouveau la suprématie royale, nie la juridiction de l’évêque de Rome, affirme la légitimité de la peine de mort et de la guerre quand elle est juste. De 38e condamne les doctrines communistes de certains anabaptistes, et le dernier dit que le serment est permis pour de justes causes.

Voilà ces trente-neuf articles publiés pour apaiser les querelles, mais qui furent en réalité une pomme de discorde jetée au milieu des anglicans, car ce fut en grande partie autour d’eux que se livrèrent et que se livrent encore les combats auxquels cette pauvre Église semble être condamnée pour toujours.

Les premières difficultés vinrent des évêques. Elisabeth était peu satisfaite de la publication des 39 articles ; elle ne tenait aucunement à avoir une profession de foi officielle : il faut dire aussi que la doctrine ultra-protestante de certains articles effarouchait une reine qui croyait encore à la présence réelle. Elle fit son possible pour empêcher que les articles ne devinssent loi de l’Etat ; cependant le parti des évêques finit par l’emporter, et les articles furent officiellement reconnus par le parlement en 1571.

Conformistes et puritains.

D’un autre côté la reine ne réussissait pas à imposer son P rayer book. La plupart des évêques étaient imbus des doctrines calvinistes, et ils avaient derrière eux un parti très puissant dans le clergé,’fout ce parti voyait avec horreur la rubrique du Prayer book qui imposait au ministre officiant les ornements et les cérémonies en usage au commencement du règne d’Edouard VI, c’est-à-dire ceux dont on se sert dans l’Église catholique. Ils y voyaient avec raison une affirmation de la présence réelle et du sacrifice de la messe, et leurs convictions les empêchaient de prendre part à ce qu’ils appelaient une idolâtrie. La nation se trouva alors divisée entre conformistes, qui suivaient littéralement le Prayer book, et non-conformistes, qui refusaient d’admettre les ornements et les cérémonies. Les évêques crurent plus prudent de se conformer, quoique la plupart eussent des convictions presbytériennes, mais le bas clergé résista, soutenu par le peuple. Elisabeth ordonna des mesures de rigueur, auxquelles les évêques se prêtèrent mollement, ce qui leur attirait de temps à autre de vertes réprimandes ; cependant un grand nombre de bénéfîciers furent dépossédés. Quelques-uns restèrent dans l’Église anglicane, exerçant leur ministère et cherchant à éluder la loi ; d’autres se séparèrent et formèrent la secte des indépendants.

Les disputes entre puritains et conformistes donnèrent occasion de part et d’autre de traiter certains points de doctrine intéressants. Le premier fut la constitution de l’Église. Les puritains voulaient imiter ce qui se passait à Genève, et établir dans l’Église un gouvernement

presbytérien. C’était d’après eux le seul qui fût en conformité avec le Nouveau Testament : tout autre était antichrétien. Quant à la suprématie royale, ils la rejetaient comme incompatible avec les droits conférés par Dieu aux chefs de l’Église.

Leurs adversaires se placèrent d’abord sur le terrain érastien. Le souverain, en vertu de sa suprématie, avait le droit d’établir et de sanctionner la forme du gouvernement dans l’Église, et la hiérarchie établie en Angleterre n’était contraire ni à la parole de Dieu, ni à la pratique de la primitive Église. Quelques-uns même, comme le primat Whitgift, allaient jusqu’à accorder que le système puritain était plus conforme à l’Écriture, mais que rien n’obligeait l’Église à se gouverner comme au temps des apôtres. Ilooker, au contraire, trouvait le système épiscopal plus scripturaire, mais croyait que le presbytérianisme pourrait devenir légitime, si l’Église, usant du droit qu’elle avait reçu de Jésus-Christ, trouvait bon de l’établir. C’étaient là de bien faibles armes contre les puritains. Richard Bancroft, chapelain de Whitgift, en trouva une plus forte. Dans un sermon prêché en 1589, il affirma hardiment que l’épiscopalisme était le seul système de gouvernement qui fût d’accord avec l’Écriture. Ce fut un coup de massue qui déconcerta quelque peu les puritains. Les épiscopaliens ne le furent guère moins ; ils n’auraient jamais osé donner une si haute autorité à leurs prétentions. La nouvelle doctrine ne fut pas d’abord accueillie avec une grande faveur : déclarer l’épiscopat de droit divin, n’était-ce pas excommunier les réformés du continent, et l’Église anglicane allait-elle se trouver isolée entre le protestantisme et le catholicisme ? Bancroft avait cependant déposé un germe qui se développa et produisit plus tard le parti de la Haute Église.

Il faut signaler aussi la controverse du sabbat, qui eut lieu surtout dans le siècle suivant, mais qui fut occasionnée par la publication en 1595 d’un livre où un ministre puritain soutenait que le dimanche devait être observé avec la même rigueur que le sabbat juif. Le parti des évêques résista, et le primat Whitgift prit même des mesures contre les puritains. Ceux-ci tinrent bon, et continuèrent à observer le dimanche avec une rigidité qui les faisait souvent tomber dans les exagérations ridicules des pharisiens. C’est à eux, en somme, qu’il faut faire remonter l’observation du dimanche qui est encore de nos jours un trait si caractéristique de l’Angleterre.

Une controverse plus importante est celle de la prédestination. Les leaders de la doctrine anglicane sous Elisabeth étaient presque tous calvinistes ; Whitgift luimême, qui combattit vigoureusement la discipline de Calvin, ne mit pas moins de vigueur à soutenir la doctrine de l’hérésiarque français. Les articles n’étaient pas en question ; puritains et conformistes les admettaient d’autant plus facilement qu’ils laissaient les uns et les autres libres dans la plupart des cas de soutenir leurs doctrines. Ceci paraît surtout au sujet de la prédestination. On se rappelle que le dix-septième article, en admettant la prédestination, s’abstient de parler du dogme calviniste de la réprobation. Mais il ne condamne pas ce dogme, et en fait la théologie anglicane fut strictement calviniste jusque vers la fin du règne d’Elisabeth. Les quelques théologiens qui se hasardaient à soutenir le libre arbitre, ou à dire que Dieu avait la volonté de sauver tous les hommes, étaient regardés comme hérétiques, obligés de se rétracter, et même emprisonnés. Un membre de l’université de Cambridge, nommé William Barrel, s’étant avisé de dire dans un sermon, en 1595, que le péché était la vraie cause de la réprobation, les docteurs de l’université furent saisis d’une violente colère, et n’eurent pas de repos que la cause ne fût portée devant le tribunal du primat Whitgift. Celui-ci réunit à son palais de Lambeth