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ANGLICANISME

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plusieurs étaient morts, les autres furent dépossédés de leurs sièges, et il fallut procéder à l’établissement d’une nouvelle hiérarchie. La reine choisit comme archevêque de Cantorbéry Mathieu Parker, doyen de Lincoln, qui avait été chapelain d’Anne de Boleyn, et avait ainsi acquis des droits à la reconnaissance d’Elisabeth. Le chapitre de Cantorbéry reçut le congé d’élire celui que la souveraine maîtresse avait choisi ; on joua la comédie de l’élection, et la consécration du nouvel archevêque eut lieu de la manière que l’on verra à l’article Ordinations anglicanes. C’est de Parker que procède la hiérarchie anglicane actuelle, et c’est par lui que les partisans de la succession apostolique rattachent l’Église d’aujourd’hui avec celle d’avant la réformation.

2° Les 30 articles. — Cependant les nouveaux évêques n’étaient pas aussi dociles que la reine l’aurait désiré ; leur séjour sur le continent avait rendu plus solides leurs convictions ultra-protestantes, et ils voyaient .avec déplaisir les cérémonies et les emblèmes qu’Elisabeth voulait encore garder ; la souveraine put d’abord imposer sa volonté ; mais nous verrons qu’une scission se produisit bientôt. Ce n’était pas assez d’avoir des évêques : il fallait pourvoir à la prédication de la nouvelle doctrine et à l’administration des paroisses ; l’ancien clergé refusait de prêcher, il devint nécessaire d’ordonner de nouveaux ministres. Parker en ordonna plus de cent vingt en une semaine ; les autres évêques faisaient comme lui : on ordonnait tous ceux qui se présentaient. Pendant tout le règne d’Elisabeth on se plaignait partout de la difliculté qu’on trouvait à faire desservir les cures par des personnes sachant assez lire pour réciter les prières du matin et du soir. Les ministres étaient pris jusque dans les professions les plus basses et souvent en conservaient les mœurs ; les différents statuts qui furent publiés dans ce temps donnent une triste idée de la moralité de ce clergé improvisé. Malgré le Prayer book et l’usage de l’anglais dans la liturgie, le culte était négligé et les églises tombaient en ruine ; quant à la doctrine prêchée, c’était le désordre le plus complet ; on lit une profession de foi provisoire en dix articles, dont les principaux étaient ceux qui affirmaient la suprématie de la reine et l’indépendance du royaume à l’égard du pape. Cependant on désirait une formule officielle de la doctrine anglicane, et les évêques choisirent comme base de cette formule les quarante-deux articles publiés ■en 1553, qui étaient restés dans l’ombre pendant les premières années du règne d’Elisabeth. Parker se chargea de les revoir et y fit quelques corrections ; ils furent ensuite examinés dans l’assemblée du clergé, puis signés par les évêques le 26 janvier 1563, après divers remaniements qui les réduisirent à trente-neuf. Nous donnerons ici un résumé de la doctrine contenue dans les trente-neuf articles, que tous les candidats aux ordres sont encore obligés de signer avant de recevoir le diaconat.

Les cinq premiers, qui traitent de la sainte Trinité, de l’incarnation, de la descente de J.-C. aux enfers, de sa résurrection et du Saint-Esprit, n’ont rien qui diffère de la doctrine catholique. Le sixième admet comme unique règle de foi l’Écriture sainte, et si les trois symboles des apôtres, de Nicée et de saint Athanase sont acceptés par le huitième, c’est qu’ils se trouvent en substance dans l’Écriture. Le canon anglican des Écritures est semblable au nôtre, sauf la partie deutérocanonique de l’Ancien Testament, que « l’Église lit comme contenant des exemples pour la vie et des instructions pour les mœurs, mais sans les employer à prouver aucune doctrine ». Le septième déclare que l’Ancien Testament n’est pas contraire au Nouveau, et que les chrétiens, sans être astreints aux préceptes cérémoniels, sont astreints aux principes moraux.

Les dix suivants (9-18) renferment ce qu’on pourrait .appeler l’économie du salut. Le péché originel est une

corruption de notre nature, et la concupiscence qui demeure en nous après la régénération a la nature du péché. Nous sommes incapables par nos seules forces de nous préparer à la foi ; la grâce prévenante et concomitante est nécessaire pour que nous puissions faire des œuvres agréables à Dieu. Nous sommes justifiés en vue des mérites de Jésus-Christ par la foi seule ; les bonnes œuvres ne sont que le fruit de la justification ; les œuvres faites auparavant ont la nature du péché. Quant aux œuvres de subrogation, c’est une impiété d’en admettre, parce qu’elles supposent qu’on peut faire pour Dieu plus qu’on est obligé de faire. Le Christ seul est sans péché. Tout péché mortel commis après le baptême n’est pas le péché contre le Saint-Esprit, qui est irrémissible : après la justification, on peut pécher et se relever. La prédestination est définie comme « le dessein éternel de Dieu par lequel il a décrété avant la création de sauver ceux des hommes qu’il a choisis dans le Christ ». Cette doctrine est donnée comme un encouragement pour les bons et une cause de perdition pour les mauvais ; il n’est pas question de la réprobation. Enfin c’est seulement au nom de Jésus-Christ qu’il faut espérer le salut.

Les trois suivants (19-21) s’occupent de l’Église. L’Église visible est une assemblée de fidèles dans laquelle la pure parole de Dieu est prêchée et les sacrements administrés. L’Église a le pouvoir de décréter des rites et des cérémonies, et de décider dans les controverses en matière de foi ; elle ne peut cependant rien établir contre l’Écriture, ni imposer comme article de foi ce qui n’y est pas contenu. Les conciles généraux ne peuvent être assemblés sans l’ordre des princes, et ils ne sont pas infaillibles, non plus que les églises particulières, spécialement celle de Rome, ce qui donne l’occasion d’ajouter comme corollaire l’article 22, où est condamnée la doctrine romaine sur le purgatoire, les indulgences, le culte des images et des reliques, et l’invocation des saints.

Ensuite neuf articles (23-31) traitent du culte et des sacrements. Il faut avoir été choisi par l’autorité compétente pour pouvoir exercer le ministère dans l’Église ; célébrer la prière publique ou administrer les sacrements dans une langue qui n’est pas comprise du peuple, c’est agir d’une manière contraire à la parole de Dieu.

Les sacrements sont des signes efficaces de la grâce ; deux seulement, le baptême et la cène, ont été institués par Jésus-Christ ; quant aux cinq autres, qu’on appelle vulgairement sacrements, ce sont, ou bien de mauvaises imitations des apôtres, ou bien des états de vie autorisés dans l’Église. Les sacrements ne produisent leur elfet que dans ceux qui les reçoivent dignement. L’indignité du ministre n’empêche pas l’efficacité du sacrement.

Le baptême n’est pas seulement une marque qui distingue les chrétiens des autres ; c’est aussi un signe de régénération, qui introduit dans l’Église, ratifie les promesses divines, confirme la foi et augmente la grâce. Lo baptême des enfants doit être conservé.

L’article 28, qui traite de l’eucharistie est d’une telle importance pour suivre les controverses de notre époque, que nous croyons devoir le traduire en entier. « La cène du Seigneur n’est pas seulement un signe de l’amour mutuel des chrétiens entre eux, mais elle est plutôt un sacrement de notre rédemption par la mort du Christ. De sorte que pour ceux qui y prennent part correctement, dignement et avec foi, le pain que nous rompons est une communion au corps du Christ ; de même la coupe de bénédiction est une communion au sang du Christ. La transsubstantiation ne peut être prouvée par les saintes Lettres ; au contraire elle répugne aux termes de l’Écriture, détruit la nature du sacrement, et a été la cause de beaucoup de superstitions. Le corps du Christ est donné, reçu et mangé dans la cène seulement d’une manière céleste et spirituelle. Le moyen par