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ANGLICANISME


dons pas que le pain et le vin soient le corps et le sang du Christ, mais qu’ils soient pour nous le corps et le sang du Christ, c’est-à-dire que nous les mangions et buvions de sorte que nous puissions entrer en participation de son corps crucifié et de son sang répandu pour notre rédemption. » Ce passage, qui passa alors inaperçu, était la pierre d’attente d’une revision qui devait se faire un peu plus tard.

L’acte d’uniformité (21 février 1519) imposait ce livre à tout le royaume, et menaçait des peines les plus fortes ceux qui refuseraient de s’en servir ou empêcheraient les autres de le faire. Ces menaces n’eurent aucun effet : le peuple se souleva ; il fallut avoir recours à la force, et la nouvelle liturgie ne fut établie que grâce à un régime de terreur qui fit plusieurs milliers de victimes. Ce qui a trait au rite qui fut alors institué pour les ordinations étant traité dans un article spécial (voir Ordinations anglicanes), nous passons au second Prayer book, qui fut publié en 4552.

Cranmer ne pouvait se contenter de ce qu’il avait fait en 1549. Gardiner lui fournit l’occasion de faire mieux, en signalant un certain nombre de points qui, suivant lui, prouvaient que le Prayer book conservait l’ancienne doctrine sur la messe et l’eucharistie. Les points modifiés dans l’édition de 1552 sont précisément ceux sur lesquels Gardiner appelait l’attention. Voici les principaux : on supprima la prière pour la sanctification des dons, que Gardiner donnait comme preuve de la transsubstantiation ; la commémoraison des vivants, qui lui paraissait reconnaître à la messe une vertu propitiatoire ; quant à celle des morts, elle n’était déjà plus dans le livre de 1549 ; on ne parla plus d’autel, et la forme d’administration de la communion devint : « Prends et mange ceci, en souvenir de ce que le Christ est mort pour toi, et nourris-toi de lui dans ton cœur par la foi, avec actions de grâces. » Les changements qui furent faits dans le rite de la confirmation altéraient complètement l’ancienne idée d’une effusion spéciale des dons du Saint-Esprit. Quant à la confession auriculaire, l’Ordre pour la communion de 1548 « priait ceux qui seraient satisfaits d’une confession générale, de ne pas être scandalisés de voir ceux qui, pour une plus complète satisfaction, faisaient aux prêtres une confession auriculaire et secrète ». Ainsi rendue facultative, elle tomba peu à peu en désuétude, jusqu’à ce qu’elle fût remise en honneur de nos jours.

Pendant que l’on établissait ainsi la nouvelle liturgie, les prêcheurs ambulants continuaient à prêcher les doctrines les plus extravagantes, qui tendaient à saper les fondements de la société, et peut-être à renverser la monarchie elle-même. Cranmer se mit alors à persécuter ceux qu’il avait d’abord soutenus, et de plus il devint nécessaire d’avoir un corps de doctrine qui pût servir de base à la prédication. C’est alors que furent rédigés quarante-deux articles de religion, extraits presque entièrerement des Confessions des réformés d’Allemagne. Ils furent promulgués le 19 juin 1553, et sont encore, avec quelques modifications qui les réduisirent à trente-neuf sous Elisabeth, la règle de foi de l’Église anglicane. Cranmer avait déjà esquissé tout un corps de droit canon qui devait les accompagner, lorsque la mort d’Edouard VI (6 juillet 1553) vint mettre pour un temps un terme aux nouveautés. L’établissement du protestantisme en Angleterre fut considérablement aidé par la part qu’y prirent les réformateurs étrangers, principalement ceux de l’Allemagne. Ils suivaient avec un grand intérêt ce que faisait Cranmer, et donnaient leur avis sur la composition du Prayer book et sur tous les changements à faire. On a dit que la réforme n’eût jamais réussi en Angleterre sans la part qu’y prirent ces étrangers.

Nous n’avons pas à raconter le règne de Marie, qui n’eut aucune iniluencesur la doctrine de l’anglicanisme.

Il suffira de rappeler qu’un certain nombre d’hérétiques furent mis à mort, pour des raisons politiques autant que pour cause de religion. Le principal d’entre eux fut Cranmer, qui fit jusqu’à six rétractations différentes pour échapper au supplice, et qui finit par les désavouer toutes lorsqu’il vit qu’elles ne pouvaient lui conserver la vie. Beaucoup d’autres se réfugièrent sur le continent, et s’y retrempèrent dans l’amour des doctrines qui devaient bientôt prendre de nouveau possession de la malheureuse Angleterre.

III. Elisabeth. Rupture définitive avec Rome. Les 39 articles. Les conformistes et les puritains. — 1° Rupture définitive avec Rome.

Elisabeth trouva

I Angleterre redevenue catholique, lorsqu’elle succéda à sa sœur ; elle-même était rentrée solennellement dans le sein de l’Église, mais elle ne tarda pas à montrer quels étaientses véritables sentiments. Si elle conserva les treize conseillers de sa sœur, qui étaient catholiques, elle se hâta d’ajouter au conseil huit nouveaux membres, tous favorables à la réformation ; elle traita Bonner, l’évêque de Londres, avec une défaveur marquée, et ordonna à l’évêque de Carlisle de supprimer l’élévation de l’hostie dans sa chapelle. Les évêques, éclairés par ces actes et par d’autres du même genre, refusèrent de procéder à son couronnement ; il s’en trouva un cependant, Oglethorpe, évêque de Carlisle, qui eut la faiblesse d’y consentir ; il s’en repentit plus tard. La reine fut couronnée le 14 janvier 1559 avec tous les anciens rites catholiques ; elle prêta les serments accoutumés, qu’elle était déjà résolue à violer. Son premier soin fut de convoquer un parlement en exerçant la plus lourde pression sur les élections ; ce parlement la déclara héritière légitime du trône et vota deux lois qui rétablissaient le protestantisme dans l’état où il était à la mort d v Édouard VI. La première fut l’acte d’uniformité (28 avril) qui imposait de nouveau le Prayer book de 1552 avec quelques modifications ; l’autre fut l’acte de suprématie (29 avril), qui, outre les pouvoirs usurpés par Henri VIII et Edouard VI, reconnaissait à la reine le droit de déléguer à qui bon lui semblerait » pour visiter, réformer, redresser, ordonner, corriger et amender tout ce qui, en fait d’erreurs, hérésies, schismes, abus, offenses, mépris et énormités, tombait sous la juridiction de la puissance spirituelle ». La correspondance diplomatique du temps tendrait à prouver qu’Elisabeth ne croyait pas à sa suprématie ; ceci pourrait expliquer pourquoi elle ne prit pas le titre de chef suprême (supi’cmum caput) de l’Église, que son père et son frère s étaient arrogé, mais se contenta du titre de gouverneur suprême. Quoi qu’il en soit de ses convictions, elle exerça cette suprématie comme si elle y croyait. Une cour spéciale nommée cour de haute commission avait été créée par l’acte de suprématie ; elle se composait de prélats et d’officiers de la couronne qui avaient une juridiction extraordinaire sur tout le pays. Ils furent chargés de présider à l’établissement de la religion nouvelle, car nulle autre n’était permise, et puritains aussi bien que catholiques furent persécutés : dès que quelqu’un prêtait le moins du monde au soupçon, on exigeait aussitôt de lui, sous la foi du serment, qu’il révélât ses plus secrètes pensées, et que non seulement il s’accusât lui-même, mais encore ses plus proches parents et ses amis les plus chers, le tout sous peine de mort. Elisabeth trouva un grand secours dans la chambre étoilée, qui jugeait sommairement, et pouvait prononcer une condamnation sur un simple soupçon. Tels furent les moyens que l’on employa pour délivrer le pays de « l’esclavage d’un prince et d’un prélat étranger ».

II faut ajouter que les commissaires brisèrent et brûlèrent les croix, les statues et tous les objets du culte qui avaient été replacés dans les églises pendant le règne de Marie.

Tous les évêques, excepté celui de Llandaff, avaient refusé de se soumettre à l’acte de suprématie. En 1559,