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ANGLICANISME

dut être signée par l’assemblée du clergé de chacune des deux provinces, et par les deux universités ; elle était conçue en ces termes : On ne trouve pas dans l’Écriture sainte que le pontife romain ait reçu de Dieu plus d’autorité et de juridiction dans ce royaume que tout autre évoque étranger.

La suprématie royale. — Tous les partisans du changement furent en même temps d’accord pour admettre cette proposition : Le roi est, après le Christ, le seul chef de l’Église. Ce qu’Henri et Cranmer entendaient par là est très clairement exprimé par Macaulay dans son Histoire d’Angleterre, c. i, édit. Longmans, Londres, 1889, t. i, p. 28. « D’après ce système expliqué par Cranmer, le roi était le chef de la nation, aussi bien au spirituel qu’au temporel. Dans l’un et l’autre ordre, Sa Majesté devait avoir des lieutenants. De même qu’il établissait des officiers civils pour garder son sceau, recueillir ses revenus, et administrer la justice en son nom, ainsi il instituait des ecclésiastiques de divers rangs pour prêcher l’Évangile et administrer les sacrements. » Les premières tentatives de Henri VIII pour faire accepter sa suprématie par le clergé remontant à l’année 1531. Les deux convocations ne voulurent le reconnaître comme chef de l’Église qu’en insérant la clause « autant que la loi du Christ le permet ». En 1534, le clergé fut plus docile, et la convocation ou assemblée du clergé de Cantorbéry trouva que la loi du Christ permettait ce que le roi demandait, tandis que le clergé du Nord reconnaissait le pape comme chef spirituel de l’Église et déclarait que les dispenses légalement accordées par lui devaient être acceptées. Cependant les évêques consentirent à recevoir de nouvelles commissions, où il était affirmé expressément que toute leur autorité spirituelle et épiscopale leur venait du roi, et dépendait entièrement de son bon plaisir. Thomas Crumwell fut nommé vicaire général, pour les choses ecclésiastiques, et son procureur avait la première place dans les assemblées du clergé. De fréquentes instructions furent alors adressées aux prêtres, soit par le roi, soit par le vicaire général, pour leur dire sur quels sujets il fallait prêcher, et quelles personnes il fallait admettre à la communion.

Premiers germes des 30 articles. — Cette Église, ainsi séparée du centre de l’unité, continuait à enseigner la même doctrine que par le passé. Henri était plus que jamais opposé au protestantisme et entendait bien ne rien changer ni dans la doctrine, ni dans la liturgie. C’est cependant sous son règne que nous voyons poindre le germe des 39 articles.

Après la rupture avec Rome, il y avait trois partis en Angleterre. Gardiner, évêque de Winchester, et beaucoup d’autres à sa suite, ne désiraient pas aller plus loin : pour eux, la réforme était complète après la séparation, et il n’y avait rien à changer à l’ancienne doctrine. Cranmer au contraire, qui s’était imbu des idées protestantes pendant son séjour sur le continent, tendait à avancer de plus en plus du côté des réformateurs allemands. Enfin il y avait le parti des exaltés ou anabaptistes, formé par des réfugiés du continent, qui se faisait remarquer par sa fureur et ses extravagances. Les deux premiers partis étaient d’accord pour réprimer le troisième, mais ils se disputaient la faveur du monarque. Cranmer sembla l’emporter tout d’abord, et il s’attacha à introduire les idées luthériennes. Les dix articles de religion, publiés par le roi en 1536 pour mettre la paix parmi les évêques, ne sont en somme qu’une sorte de compromis entre le catholicisme et le luthéranisme, et représentent l’influence du parti de Cranmer. Ils sont peut-être plus significatifs par ce qu’ils omettent que par ce qu’ils disent. En effet, après avoir donné la doctrine catholique sur les sacrements de baptême, de pénitence et d’eucharistie, tout en passant sous silence la transsubstantiation et en n’exigeant pas la confession, ils ne disent mot des quatre autres sacrements. On a découvert un fragment de manuscrit signé de Cranmer et de plusieurs autres où il est parlé de ces sacrements, mais en des termes qui en font une classe complètement distincte des autres ; il est probable que le parti de Gardiner fut assez fort pour empêcher l’insertion de cette nouvelle doctrine dans les articles. L’article sur la justification incline vers le sens luthérien, et un certain nombre d’articles sur les cérémonies, les images et l’invocation des saints montrent l’esprit qui les anime par les recommandations fréquentes d’éviter les abus dans ces pratiques qui ne sont pas condamnées en elles-mêmes. Le purgatoire est admis, mais les indulgences accordées par le pape sont rejetées. Ces articles furent supplantés par un livre d’une teinte un peu plus luthérienne publié l’année suivante sous ce titre : The institution of a christian man. Le roi en donna une seconde édition en 1549 avec quelques additions.

Cependant Cranmer et ses partisans avaient réussi à faire faire un pas de plus au roi dans la direction du luthéranisme. Poussé par des motifs d’ordre purement politique, Henri avait essayé d’entrer dans la ligue de Smalcalde ; en 1535, des négociations avaient eu lieu et n’avaient pas abouti, parce que les princes ligués mettaient comme condition expresse à l’admission du roi d’Angleterre la signature de la confession d’Augsbourg.

En 1538, pressé par les nécessités de la politique, le roi ouvrit de nouveau les négociations et alla jusqu’à parler « d’établir la pure doctrine de l’Évangile, et d’abolir les cérémonies impies de l’évêque de Rome ». Il demanda qu’on envoyât une ambassade de théologiens allemands, et à leur arrivée nomma pour traiter avec eux un comité dont faisaient partie Cranmer et l’évêque de Durham, Tonstall. On a découvert dans les papiers de Cranmer treize articles sur différents points de doctrine que l’on croit être ceux qui furent rédigés dans cette conférence ; ils suivent pas à pas la confession d’Augsbourg, et peuvent être regardés comme le germe des articles actuels. Mais le parti de la contre-réformation reprit alors l’ascendant : Henri ne voulut jamais céder sur certains points ; il refusait d’admettre la communion sous les deux espèces et d’abandonner les messes propitiatoires et le célibat ecclésiastique. Les envoyés allemands furent obligés de partir, et le 2 juin 1539 furent publiés six articles qui reçurent force de loi par autorité du parlement. Voici en substance ce qu’ils disaient :

1. Le corps de Jésus-Christ est présent sous les espèces du pain et du vin par transsubstantiation. — 2. La communion sous les deux espèces n’est pas nécessaire. — 3. Le mariage des prêtres est interdit. — 4. Les vœux de chasteté et de continence obligent en conscience. — 5. L’usage des messes privées doit être conservé. — 6. La confession auriculaire est obligatoire.

Ces six articles, que les protestants ont appelés la loi de sang ou le fouet à six cordes, condamnaient le résultat des négociations avec les théologiens allemands. Ils firent loi jusqu’à la fin du règne de Henri VIII.

Il n’y eut rien de changé dans la liturgie, sauf la suppression de la messe et de l’office de saint Thomas Becket, dont la noble indépendance s’accordait peu avec la suprématie royale. Henri introduisit aussi des litanies en anglais pour être chantées aux processions, et la convocation ou assemblée du clergé de 1543 ordonna de lire au peuple deux chapitres de la Bible les jours de fête.

II. Édouard VI. Le protestantisme. — Ce règne d’un roi enfant, qui ne resta que six ans sur le trône, est peut-être la période la plus importante dans l’histoire de la doctrine anglicane. C’est un temps de fermentation : les idées réactionnaires d’un côté, révolutionnaires de l’autre, se mêlent et se choquent ; il en sort ce qui devait, avec très peu de changements, devenir les formulaires encore en usage de nos jours.