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ANGE DANS LES EGLISES ORTHODOXES

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vont plus loin ; ils se demandent si les anges ont été créés dans l’état de pure nature, avec les seuls dons naturels, ou bien s’ils furent élevés, dès le premier instant de leur existence, à l’état surnaturel. A cette seconde question, les écrivains orthodoxes, grecs ou russes, ne donnent aucune réponse, pour la raison bien simple qu’ils ne se la posent même pas. Ils ont peu scruté, en général, les mystères de l’ordre surnaturel. E. Bulgaris est, à ma connaissance, le seul auteur grec qui ait traité ce sujet ; encore se borne-t-il, comme il le fait souvent, à mettre en grec le chapitre d’un manuel de théologie scolastique. Il partage l’opinion de ceux qui soutiennent que les anges ont été, dès leur création, élevés à la participation de la vie divine, à laquelle ils n’avaient aucun droit : toù ; àyyéXovti 6ï)|J.to ; jpYï)8Év-aç â).a (j.£TÔ-/ouç ôyOrpou tï|ç 8eoù -/âpiToç, xa’c [ay] tocjtïje raïç eavrwv cpuo-ixaïç ô’Jvâ[j.e<Tiv àfcou ; fiera ttjv û^jj.it.’jpYÎav a-JTcov àva3ety_6r)vat, <î> ; tive ; ëo-jXovTou, ôoyi.a è<ttv T|(j. ?v xpavC> ; èx tùv tspùiv Tpaçwv Siôacrxo’fisvov. Op. cit., p. 352. Il a bien soin, d’ailleurs, d’ajouter que cette élévation surnaturelle n’entraînait point par elle-même la jouissance actuelle de la béatitude ; celle-ci est le terme, cellelà la voie, ibid., p. 353 ; c’est une récompense qui suppose des actes méritoires, une épreuve.

A quel moment cette épreuve nécessaire eut-elle lieu ? Macaire répond par une simple énumération des opinions émises à ce propos par les anciens écrivains. Op. cit., p. 492. E. Bulgaris distingue trois moments successifs, la création et l’élévation surnaturelle, la libre détermination, enfin la sanction. Op. cit., p. 354. Ce n’est point répondre à la question, d’ailleurs insoluble.

En quoi a consisté l’épreuve des anges ? quel fut le péché de ceux d’entre eux qui tombèrent ? Ici encore, Macaire se borne à rappeler les trois grandes opinions des théologiens et des Pères. Ceux-ci ont vu le péché des démons dans des liaisons contre nature contractées par eux avec les filles des hommes ; ceux-là, dans un acte d’envie ; ces autres, dans un acte d’orgueil. Sans prendre expressément parti, le grand théologien russe semble bien se ranger parmi ces derniers. Op. cil., p. 493-496. E. Bulgaris professe également cette opinion. Op. cit., p. 356.

Quel fut le nombre des anges déchus ? Contrairement à la pensée de saint Jean Damascène, E. Bulgaris estime que ce nombre fut inférieur à celui des anges qui persévérèrent. Op. cit., p. 354. Au sentiment de ce même théologien, les anges déchus appartenaient à tous les ordres indistinctement, ou du moins à la plupart d’entre eux et non à un seul chœur, comme quelques-uns l’ont pensé ; leur chef, Lucifer, était de l’ordre des séraphins. Ibid. Après leur épreuve, les bons anges reçurent en récompense le bonheur du ciel, chacun dans une mesure proportionnée à la perfection de sa nature propre : È7 ; iëeSpâSeuT0U 6È toîç àyYÉXotç r y.âpiç àvâ), oyoç crjŒv ttj

7IpO<TO - J17ï) OCJTOÏÇ TeveiôV/JTt, 75TTa>V |J.£V TOÎÇ r, TT0<7l, TOI ?

ci jTïtptiçioi ; xa xpEiTTocri TE^Etorépa. Ibid., p. 352. E. Bulgaris ne détermine point le genre de gloire (ôôija) qu’il attribue aux bons anges. Veut-il parler de la vision béatifique ? Peut-être. Mais les écrivains grecs qui ont parlé avant lui de l’état actuel des bons anges leur refusent cette vision. Dans sa Question m à Gabriel de Pi nlapole, Siméon de Thessalonique s’exprime ainsi : où yàp xou’o-Jo-iav aùxôv ôpôxrt, ils ne voient point Dieu dons son essence, P. G., t. clv, col. 840 ; ils sont aussi incapables de voir Dieu que nous sommes impuissants nous-mêmes à voir les anges ; ils peuvent seulement recevoir quelques-uns des rayons qui s’échappent du foyer de l’éternelle lumière. Ibid. Tbéophanes Kerameus dit de son côté : o’jSè aYYE>.ot oûvomai xaxa), a6£Ïv t ?, { ÛÈ ; a ; tp’joEtoç to (AVUTriptov. Ilomil., XI. IX, P. G., t. CXXXII, col.893C.Ce dernier passage peut évidemment s’entendre (’e la pleine intelligence du mystère de la divinité : on pourrait expliquer de la même façon les autres passages

relatifs au bonheur ou à la connaissance des anges. Il n’en est pas moins certain que la théologie grecque est très hésitante sur toutes les questions qui touchent à la béatitude surnaturelle. Les Busses sont beaucoup plus explicites. En traitant de la providence divine, Macaire examine de quelle manière Dieu se comporte envers les bons anges. Il répond que Dieu se révèle à l’intelligence des anges et lui communique sa lumière, qu’il affermit leur volonté par sa grâce au point de la rendre impeccable, qu’il les emploie auprès de lui dans un ministère de louange et d’adoration. Op. cit., p. G52-66I. Pourquoi cette communication de la divine lumière, sinon pour voir Dieu ?

V. Fonctions des anges. Les anges gardiens. — Dieu, continue Macaire, se sert encore du ministère des anges dans l’exercice de sa providence envers les créatures, et particulièrement envers les hommes. Ce ministère est de trois sortes : 1° les anges ont contribué, sous l’un et l’autre Testament, à établir le règne de Dieu parmi les hommes, op. cit., p. 665, 666 ; — 2° ils veillent tout spécialement à la conservation des sociétés humaines : chaque nation ou État, chaque province, chaque église possède un ange particulier, ibid., p. 667-672 ; — 3° enfin tout individu a auprès de lui un ange pour l’aider et le protéger. Ibid., p. 672-682. Macaire développe chacune de ces propositions par des textes tirés de l’Écriture et des Pères, sur lesquels il n’y a pas lieu d’insister ici. E. Bulgaris est moins étendu et plus scolastique. Citons des exemples. D’après lui, la sainte Vierge a eu un ange gardien, tandis que Notre-Seigneur n’en a pas eu besoin. Op. cit., p. 347-348. Il se demande plus loin si les personnages qui exercent une fonction publique, par exemple les évoques et les chefs d’Etat, possèdent deux anges gardiens, l’un comme hommes privés, l’autre comme fonctionnaires. Il n’y a pas d inconvénient, répond-il, à admettre cette dualité ; toutefois il faut se garder de multiplier sans raison les êtres : la puissance d’un seul ange est supérieure à celle de milliers d’hommes. Op. cit., p. 350 ; cf. Athanase de Paros, op. cit., p. 223-224 ; Theophanes Kerameus, P. G., t. cxxxii, col. 391, n. 5, col. 833, n. 9 ; Théophylacte, Expositio in Acla apostolorum, c. xii, P. G., t. cxxv, col. 686.

VI. Culte des anges.

Dans l’Église orthodoxe, chacun des jours du cycle férial hebdomadaire est affecté à une dévotion spéciale : le lundi est consacré aux anges. Ce jour-là, on récite en leur honneur un canon et divers tropaires variant avec les parties de l’office. En outre, Vllorologion contient un canon dépvécaloire à tous les anges et un autre à l’ange gardien, attribué à Jean d’Euchaita, Horologion, in-8°, Borne, 1876, p. 329-350 ; Athènes, 1891, p. 453-466. Cf. A. von Maltzew, Andachtsbuch, in-8°, Berlin, 1895, p. 441-498 ; N. Nilles, Kalendarium manuale utriusque ecclesiæ, in-8°, Inspruck, 1897, t. ii, p. 502-507. Indépendamment de cette commémoraison fériale, on récite, à la messe, une belle invocation pour demander à Dieu « l’ange de paix, le guide fidèle, le gardien de l’âme et du corps ». Goar, Eucliologion, in-fol., Paris, 1647, p. 80. Dans son Explication de la messe, c. xxxiv, Nicolas Cabasilas voit dans cet « ange de paix » l’ange gardien de tout fidèle. P. G., t. cl, col. 445 D. Goar, s’appuyant sur un passage de saint Jean Chrysostome, préfère y voir un ange supérieur, chargé spécialement de veiller au maintien de la paix dans l’Église. Op. cit., p. 145, n. 155. Le rite grec n’a pas, comme le rite latin, de fête spéciale pour les anges gardiens. Il en rappelle simplement le souvenir, au 8 novembre, à propos de la Synaxe de l’avcliangc Michel, Menées de novembre, Venise, 1880, p. 52-61 ; Marlinov, Annus ecclesiasticus gvœco-slavicus, in-fol., Bruxelles, 1863, p. 273 ; Nicodème, EvvaHaptorvj ; , t. i, Zante, 1868, p. 231-241. Par son origine, cette fête du 8 novembre n’est autre chose que la dédicace de l’église de Saint-Michel aux thermes d’Arcadius, à Constanti-