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ANGE D’APRÈS LES SCOLASTIQUES

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rieur, il faut, ajoute Suarez, qu’il soit un objet singulier ou un objet particulier contingent de l’ordre surnaturel ; il faut, par conséquent, qu’il consiste soit en un fait à venir, soit en un fait passé non remarqué par l’ange inférieur, soit en un fait présent qui est un secret du cœur. De angelis, l. VI, c. xii, n. 16. Ces caractères de l’objet de l’illumination ne suffisent pas à la distinguer de la simple locution. Aussi Suarez cherche-t-il une différence entre ces deux opérations, dans une condition toute subjective de l’illumination. C’est que l’ange illuminé adhérera à la vérité qui lui est manifestée non par une simple croyance, comme à une narration historique, mais en raison de l’évidence que les explications de l’ange supérieur lui donneront de cette vérité, en la mettant à sa portée. Ibid., c. xii, n. 20 sq. La théorie de Suarez ne lui permet pas de dire avec saint Thomas que ces explications de l’ange supérieur consisteront à diviser l’objet dont l’universalité dépasse la compréhension de l’ange inférieur. Il se borne à dire qu’il y aura des explications, sans en préciser la nature. Il affirme aussi que l’ange inférieur ne saurait rien manifester à l’ange supérieur que par manière de narration historique. Ibid., c. xiv, n..21. Il en conclut que l’ange inférieur est incapable d’illuminer l’ange supérieur. Ibid., c. xv, n. 22.

3. Locution.

Le subjectivisme de la psychologie de Suarez lui fait également rejeter la doctrine de saint Thomas sur la locution des anges. Cette locution, dit-il, ne saurait se produire si, comme le pense saint Thomas, l’ange qui parle se borne à diriger son concept vers les anges à qui il parle. Il n’est pas pourtant nécessaire qu’il imprime son concept dans leur esprit, comme le voulait Scot. Il suffit qu’il y imprime son espèce intelligible. De angelis, l. II, c. xxvi, n. 37. L’ange se servira du même moyen, si sa locution est une illumination. Ibid., l. VI, c. xv. Dans ces conditions, est-il possible aux anges de s’entretenir à distance ? Dans sa Métaphysique, dist. XVIII, sect. viii, n. 46, Suarez y voyait de très grandes difficultés ; il lui paraissait probable que les anges ne pouvaient se parler de loin. Dans son traité des anges, écrit postérieurement, l. II, c. xxviii, n. 13, il incline plutôt à penser que la distance n’est pas un obstacle à leurs conversations, attendu que les opérations par lesquelles ils se parlent n’ont aucun rapport avec l’espace. Cependant il n’ose se prononcer sur le cas où une distance très considérable séparerait deux anges qui voudraient se parler. Ibid., n. 14.

VII. Ministère des bons anges.

i. saint tbosjas d’aquin. — 1. Missions des anges. Reçoivent-ils tous des missions dans le monde sensible ? — Les anges reçoivent de Dieu dans le monde corporel des missions dans lesquelles ils sont les ministres de sa providence. Sum. theol., I a, q. ex, a. 1 ; q. cxii, a. 1. Mais ces missions ne sont confiées qu’aux anges inférieurs. Ibid., q. cxii, a. 2. Les anges de la première hiérarchie voient les secrets des mystères divins dans l’essence divine et se bornent à les communiquer aux anges inférieurs qui voient l’essence de Dieu, sans y percevoir ces secrets. C’est pourquoi les anges de la première hiérarchie ont reçu le nom d’anges assistants, Dan., vii, 18, car ils se tiennent près de Dieu et reçoivent immédiatement ses ordres. Ibid., a. 3. Les missions extérieures ne sont conliées qu’aux anges dont le nom exprime la capacité d’en recevoir ; c’est-à-dire aux cinq derniers ordres : les vertus, les puissances, les principautés, les archanges et les anges. Ibid., a. 4. Les plus élevés de ces ordres sont chargés d’un ministère plus universel. Les principautés ou peut-être les archanges sont préposés à toute la multitude des hommes ; les vertus sont préposées à toutes les natures corporelles ; les puissances sont préposées à la garde des démons ; les principautés ou les dominations à celle des bons anges. Le dernier ordre des anges fournit des gardiens à chaque individu de l’espèce humaine. Ibid., q. cxiii, a. 3.

2. Anges gardiens.

La [rovidence de Dieu qui gouverne les créatures inférieures par les créatures supérieures a, en effet, assigné aux hommes des anges députés à leur garde, pour les mener au bien. Ibid., q. cxiii, a. 1. Chaque homme a son ange gardien ; car si, comme il est probable, chaque genre et chaque espèce de créatures sont protégés par des anges pour assurer leur perpétuité, chaque homme étant immortel par son âme doit aussi avoir individuellement un ange gardien, jusqu’à ce qu’il arrive à la fin de son épreuve. Ibid., a. 2, 4. Cet ange ne nous est pas seulement donné depuis le moment de notre baptême, puisqu’il nous est assigné, à cause de notre nature raisonnable, et non à cause de notre titre de chrétien. Ibid., a. 5. Dans son commentaire sur le second livre des Sentences, dist. XI, q. I, a. 3, saint Thomas pense qu’il nous est donné au moment. où notre âme est créée ; dans sa Somme theologique, I a, q. cxiii, a. 5, il dit que c’est seulement au moment de notre naissance, parce que c’était à l’ange de notre mère à prendre soin de nous, tant que nous étions dans son sein. L’ange gardien n’empêche point les maux qui, suivant les décrets de la providence, frappent l’homme dont il est chargé ; mais il ne l’abandonne jamais durant sa vie. Ibid., a. 6. Notre ange jouit de la béatitude ; il ne saurait par conséquent être contristé des maux qui nous arrivent, car ils sont conformes à la volonté de Dieu qui est la règle de la sienne. Il déteste seulement ces maux considérés absolument et en eux-mêmes. Ibid., a. 7. Quand l’Écriture, Dan., x, 13, dit que les anges gardiens luttent les uns contre les autres, c’est pour exprimer qu’ils cherchent la volonté de Dieu au sujet des intérêts contraires des hommes qui leur sont confiés. Ibid., a. 8.

3. Action des anges sur la matière et sur l’homme.

— Voici maintenant comment les anges agissent sur la matière et sur l’homme. Les anges sont incapables de créer aucun être, même comme simples ministres de Dieu. La création est un apanage distinctif du Toutpuissant. Sum. theol., I a, q. xlv, a. 5. Les anges ne sauraient même agir directement sur la matière première pour produire des corps, puisqu’ils n’ont pas la toute-puissance divine et qu’ils ne sont ni des formes capables de s’unir à la matière, ni des agents corporels. Sum. theol., I a, q. ex, a. 2. Ils peuvent seulement imprimer aux corps un mouvement local, et par ce moyen produire à l’aide d’agents matériels les autres changements corporels. Ibid., a. 3. Ils sont donc dépourvus du pouvoir d’accomplir des miracles proprement dits. Ibid., a. 4.

L’ange peut illuminer l’intelligence de l’homme en la fortifiant et en lui présentant la vérité sous des images sensibles appropriées à la nature humaine. Ibid., q. exi, a. 1. Il ne saurait mouvoir la volonté de l’homme, mais seulement l’incliner par persuasion en lui proposant des motifs d’agir ou en excitant les passions de l’appétit sensitif. Ibid., a. 2.

Il peut introduire des images dans notre imagination, qui est une puissance sensitive ; il lui suffit pour cela de mettre convenablement en mouvement nos fluides et nos humeurs corporelles ; il est pourtant incapable de produire en nous des images absolument nouvelles ; ainsi il ne saurait faire voir des couleurs à un aveugle de naissance. Ibid., a. 3. Il a aussi le pouvoir d’agir sur nos sens, soit intérieurement comme il a été dit pour l’imagination, soit extérieurement en mettant devant nous un corps formé naturellement, ou un corps fabriqué à nouveau. Ibid., a 4.

W> duns scot. — I. Mission des anges. Reçoivent-ils tous des missions dans le monde extérieur ! — Les missions données par Dieu aux anges sont intérieures ou extérieures. Dieu révèle ses mystères les plus élevés aux anges supérieurs qui les manifestent aux anges inférieurs par locution et par illumination ; c’est une mission intérieure. Les anges inférieurs reçoivent à leur tour