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ANGE DANS L’EGLISE LATINE

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menteront avec leurs mérites jusqu’au jour du jugement. Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. vi, admet aussi que la connaissance des anges augmentera jusqu’au jour du jugement ; mais il attribue cet accroissement au bon plaisir de Dieu et non à leurs mérites.

3. Spiritualité des anges. — Une autre question qui préoccupe moins les auteurs du {{rom|xii)e siècle, mais à laquelle la plupart s’arrêtent, c’est celle de la spiritualité des anges. Rupert admet qu’ils ont un corps aérien, qui a été changé en un corps céleste dans les bons anges, De Victoria Verbi, 1. I, c. xxviii, P. L., t. clxix, col. 1262, et en un corps d’air épais et humide dans les démons. De Trinitatis oper., 1. I, c. xi, P. L., t. clxvii, col. 209. Honorius d’Autun déclare les anges incorporels, Elucidarium, c. x, P. L., t. clxxii, col. 1116 ; mais il vient de dire un peu plus haut qu’ils sont un feu spirituel, suivant cette parole de l’Épitre aux Hébreux, t, 7, qui facit angelos suos ftammam ignis. Saint Bernard attribue aux bons anges un corps éthéré, De consideratione, 1. V, c. iv, P. L., t. clxxxii, col. 790, après avoir dit à la page précédente que ce sont des esprits, lbid., c. iii, col. 789. Il reconnaît, il est vrai, que l’existence de leur corps éthéré est contestée par divers docteurs, mais, pour ce qui le regarde, il s’applique à démontrer cette existence, In cantica, serm. v, n. 2, P. L., t. clxxxiii, col. 799, par les ministères que remplissent les esprits célestes. Robert Pullus, c. il, et Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, c. vii, affirment la spiritualité des anges, d’une manière qui paraît absolue. Roland Bandinelli semble leur attribuer l’incorporéité lorsqu’il leur refuse les trois dimensions, p. 89 ; mais il semble d’autre part leur accorder seulement la môme spiritualité qu’aux âmes ; car il dit que les anges sont la forme de toutes les âmes futures, comme les quatre éléments sont la matière de tous les corps, p. 87. Pierre Lombard, dist. VIII, attribue expressément un corps aérien aux bons et aux mauvais anges. Il pense que c’est ce corps qui permet aux démons d’être torturés par les flammes de l’enfer. Il se demande si, dans leurs apparitions aux hommes, les bons anges transforment leur corps pour le rendre visible, ou s’ils prennent un corps différent de ce corps éthéré pour se montrer à nos yeux, question que s’était déjà posée saint Bernard, In cantica, serm. v, n. 7, P. L., t. ccxxxiii, col. 801.

4. Autres questions. — Abélard a-t-il admis que les anges sont en dehors de tout lieu ? Epilome, c. xxvii, P. L., t. clxxviii, col. 1738. On l’a conclu de ses raisonnements ; mais il ne le dit en réalité que de Dieu. Ses disciples, comme Roland Bandinelli, p. 88 » et les autres théologiens de l’époque enseignent que les anges sont dans un lieu. Rupert, De Victoria Verbi, 1. I, c. xxv ; De Trinit. op., 1. 1, c.xi, dit qu’ils ont été créés en dehors du ciel des bienheureux où ils ont été ensuite placés. Ils ont été créés dans le ciel empyrée, suivant Honorius, c. vu : Robert Pullus, c. n ; Roland Bandinelli, p. 88 ; Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. i ; Pierre Lombard, dist. IL — Bupert, De glorif. Trinit., 1. II, c. n ; De Trinit. op., 1. I, c. x, et Honorius d’Autun, c. VI, disent que les anges ont été créés au premier jour quand Dieu dit : Fiat lux. Robert Pullus, c. ii, soutient au contraire qu’ils ont été créés, avec la matière, suivant ce texte : In prïncipio creavit Deus cselum et terrant, où cxluni désignerait les anges ; Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. iii, partage cet avis ; il ajoute que les bons anges ont été confirmés en grâce, au premier jour, quand Dieu dit : Fiat lux. Pierre Lombard, dist. II, rapporte cette opinion ; mais son sentiment, celui de Roland Bandinelli, op. cit., p. 86, 87 ; de Hugues de SaintVictor, De sacramentis, c. iv ; du Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. i, c’est que les anges ont été créés en même temps que les corps, d’après cette parole de l’Ecclésiastique, xviii, 1 : Creavit omnia simul.

Les sommes théologiques du {{rom|xii)e siècle affirment le caractère personnel des anges, leur science, leur liberté, mais sans développer ces affirmations. Elles insistent davantage sur l’inégalité qui règne dans le monde angélique. La doctrine du Pseudo-Denys sur les neuf chœurs des anges est acceptée par Robert Pullus, c. m ; Roland Randinelli, p. 97 ; Hugues, De sacramentis, c. ix ; Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. v ; Pierre Lombard, dist. IX. Cependant Roland Bandinelli, p. 98, et la Somme des sentences, c. v, attribuée à Hugues de Saint-Victor, énumèrent ces neuf chœurs dans un ordre un peu différent de celui de l’Aréopagite. Bupert, De glorif. Trinit., 1. III, c. xvii, Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, c. xxx ; Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. v, pensent que la division hiérarchique des anges a précédé la chute du démon et l’entrée des bons anges dans la béatitude. Boland Bandinelli, p. 101, et Pierre Lombard, dist. IX, estiment au contraire qu’elle l’a suivie.

Personne ne doute au {{rom-maj|XII)e siècle de l’assistance que nous recevons des anges gardiens. Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. vi, et Pierre Lombard, dist. XI, se demandent si chaque homme a un ange gardien particulier. Ils répondent qu’il est plus probable qu’un même ange s’occupe de plusieurs hommes. Ils pensent en effet qu’il y aura au ciel autant d’hommes sauvés que d’anges bienheureux. Ils en concluent que la milice céleste n’est point assez nombreuse pour fournir à chaque homme un ange particulier. Saint Bernard n’examine pas ce point, mais il expose dans des pages célèbres quel est le ministère des bons anges vis-à-vis des hommes et quels sont les devoirs des hommes vis-à-vis d’eux. In Psalm. Qui habitat, serm. xi-xiv, P. L., t. clxxxiii, col. 225-238. — Boland Bandinelli, p. 100 ; Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, c. xxxm ; Pierre Lombard, dist. X, connaissent la théorie dyonisienne qui réserve les missions, dans le monde matériel, aux seuls anges des chœurs inférieurs, et la théorie opposée qui les attribue aussi bien aux anges des hiérarchies supérieures. Hugues, De sacramentis, c. xxxiii, et Pseudo-Hugues, Sum. sent., c. vi ; Pierre Lombard, dist. X, exposent ces deux opinions sans se prononcer entre elles. Roland Bandinelli, p. 100, soutient que les missions sont données aux anges de tous les chœurs, quoique les anges supérieurs en reçoivent plus rarement.

III. {{rom-maj|XIII)e SIÈCLE JUSQU’A SAINT TlIOMAS D’AQUIN. —

L’influence d’Aristote et des philosophes arabes se fait sentir ; mais on combat leurs théories sur les esprits supérieurs au lieu d’y souscrire. Voir plus loin Angélolouie parmi les averroïstes latins, col. 1260. Guillaume d’Auvergne refuse d’admettre leur doctrine qui fait des anges les moteurs ou même les âmes du ciel et des astres. De universo, part. II, c. lxxxv, xcvi, xcvii, Opéra, Paris, 1674, p. 910, 950, 951. Albert le Grand, IV Sent., 1. II, dist. II, III, sou tient que les anges dilfèrent des intelligences séparées dont traitent les philosophes. Il rejette les conséquences fatalistes que les Arabes tiraient de leur système relativement à l’influence du ciel sur la terre. Il montre que les anges ne sauraient connaître les événements d’ici-bas par l’action qu’ils exercent sur les cieux. Le traité des anges de Guillaume d’Auvergne est considérable. Il forme la deuxième et la troisième partie de son ouvrage De universo ; mais l’exposition est plus oratoire que précise et il n’est pas toujours facile d’en saisir les conclusions. A partir d’Alexandre de Halès, le traité des anges prend au contraire une forme didactique que l’on retrouve dans les commentaires du second livre des Sentences, de saint Bonaventure et d’Albert le Grand. Ces ouvrages s’inspirent plus de la psychologie d’Aristote que des théories de ce philosophe et des philosophes arabes sur les esprits supérieurs. Les vues de ces théologiens n’ont pas encore tout le caractère systématique que nous allons rencontrer chez saint Thomas d’Aquin et chez Duns Scot ; mais la doctrine de saint