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ANGE D’APRES LES PERES

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y a neuf chœurs d’anges, mais il les range dans un autre ordre. Esprit éminemment pratique beaucoup plus que métaphysicien, il ne les classe pas en trois hiérarchies, et, au lieu de scruter les propriétés ou les perfections intrinsèques de chacun des neuf chœurs, il s’attache de préférence à indiquer le ministère extérieur qu’ils remplissent de la part de Dieu, soit dans le monde angélique lui-même, soit auprès du genre humain. Les neuf drachmes de la parabole lui représentent les anges, divisés en neuf chœurs : anges, archanges, vertus, puissances, principautés, dominations, trônes, chérubins et séraphins ; les anges et les archanges, parce qu’il en est question à chaque page dans l’Écriture ; les chérubins et les séraphins, parce qu’ils sont nommés par les prophètes ; et les cinq autres, parce qu’ils se trouvent dans lesÉpitres de saint Paul aux Éphésiens et aux Colossiens. lu Etang., homil. xxxiv, 6, 7, P. L., t. lxxvi, col. 1249, 1250.

La différence des vocables provient, non de la nature des anges, mais de la différence de leurs fonctions. Voici ces fonctions : les anges annoncent les minima ; les archanges, les vere sumnia ; les vertus accomplissent les miracles ; les puissances tiennent en respect les esprits pervers et les empêchent de tenter l’homme au gré de leurs désirs ; les principautés président aux bons anges, disposent ce qu’ils ont à faire, dirigent les ministères divins qu’ils ont à remplir ; les dominations dominent d’une manière transcendante la puissance des principautés ; les trônes assistent aux jugements divins, servent de siège à Dieu, et sont les exécuteurs de ses décrets ; les chérubins contemplent de plus près la clarté de Dieu, possèdent la plénitude de la science ; et les séraphins, plus rapprochés encore de leur créateur, sont un foyer incomparablement ardent et incandescent d’amour. In Evang., homil. xxxiv, 9, 10, P. L., t. lxxvi col. 1251-1252. Toutes ces fonctions des anges, de la plus infime à la plus haute, sont pour l’homme un exemple qu’il doit s’appliquer à reproduire dans sa vie ; c’est la conclusion pratique que tire saint Grégoire le Grand de l’exposé qu’il vient de faire.

V. Séjour des anges.

Où sont les anges ? Quel est leur séjour ? Saint Ignace, dès le commencement du IIe siècle, fait allusion au lieu qu’habitent les anges, ta ; T07106îaia ; àyyzl’xàz. Trait., v, Pair, apost., édit. Funk, Tubingue, 1883, t. i, p. 206. L’auteur des Clémentines précise que, parmi les habitants des cieux, les anges occupent la partie inférieure. Ilom. Clem., viii, 12, P. G., t. ii, col. 232. C’est dire que le ciel est le séjour des esprits angéliques et qu’une place spéciale, la dernière, y est réservée aux anges du dernier ordre.

Or saint Hilaire parle de plusieurs cieux et dit que les anges sont dans le ciel premier et supérieur, désigné par le mot firmament, parce qu’il sert à soutenir les eaux supérieures. In Psal., cxxxv, 8, 9, P. L., t. IX, col. 773. Que ces eaux, supérieures au firmament, désignent les anges eux-mêmes, comme l’ont expliqué Origène, Grégoire de Nysse, Augustin, Confess., xiii, 15, 18, P. L., t. xxxii, col. 852, et Grégoire le Grand, In Ezeeh., homil. v, 4 ; x, 30, P. L., t. lxxvi, col. 883, 987 ; ou simplement les eaux, d’après saint Basile, saint Épiphane et saint Jérôme, peu importe. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’on croit à l’existence de plusieurs cieux. Combien ? Il serait téméraire d’en préciser le nombre, puisque l’Apôtre n’est monté qu’au troisième ; mais il est à croire, observe saint Hilaire, que chaque ordre angélique habite un ciel particulier. In l’sal., cxxxv, 10, P. L., t. IX, col. 774. Saint Ambroise affirme qu’il y en a au moins trois, Hexæm., H, 2, 5, 6, P. L., t. xiv, col. 146, 147 ; il pense qu’il y en a même sept. In Psal., XXXVIII, 17, P. /, ., t. xiv, col. 1048.

On imaginait, en effet, le firmament comme l’enveloppe du monde terrestre, le séparant du monde supérieur où l’on plaçait le séjour des anges. Ou croyait même qu’il y avait plusieurs cieux superposés : d’où l’idée que chacun pouvait bien servir de demeure à chacun des ordres angéliques, ce qui rendait le nombre des cieux proportionnel au nombre des ordres angéliques. Mais comme celui-ci était incertain, l’autre l’était également. Saint Jérôme parle de plusieurs cieux, In Isai., xi, 40, jP. L., t. xxiv, col. 409, et Philastre permet de croire sans crainte d’errer à l’existence de deux, de trois, de sept. Hser., xciv, P. L., t. xii, col. 1207. Saint Augustin, à propos du troisième ciel de l’Apôtre, dit que cela peut en laisser supposer un quatrième, ou même, selon d’autres, davantage, sept, huit, neuf ou dix, De Gen. ad lit., xii, 57, P. L., t. xxxiv, col. 478 ; mais il avoue qu’il est bien difficile d’en connaître la nature, le nombre, la différence des habitants et la manière dont s’y chante incessamment un seul et même hymne en l’honneur de Dieu. In Psal., xxxii, 6, P. L., t. xxxvi, col. 288. Saint Cyrille de Jérusalem dit : « Ce ciel que nous voyons est inférieur au second, celui-ci au troisième ; car c’est jusque-là que l’Écriture nous permet d’aller. Mais il en est d’autres. » Cal., vi, 3, P. G., t. xxxiii, col. 541. Aussi assigne-t-il un ciel particulier à chaque ordre angélique ; car il place les anges dans le premier ciel, les esprits plus élevés dans le second et le troisième ; puis il ajoute : « Montez, si vous le pouvez, jusqu’aux trônes, aux dominations, aux principautés, aux puissances, » donnant à entendre par là que chacun de ces quatre ordres occupait un ciel spécial, comme les précédents. Cat., xi, 11 ; xvi, 23, P. G., t. xxxiii, col. 704, 919.

Origène avait déjà remarqué qu’aucun passage de l’Écriture ne fait mention de sept cieux pas plus que d’un nombre déterminé. Cont. Cels., vi, 21, 23, P. G., t. XI, col. 1321-1328. Saint Chrysostome se demanda comment on pouvait affirmer la pluralité des cieux, car on ne l’avait pas apprise dans l’Écriture et ce ne pouvait être qu’une induction d’origine purement humaine ; quant à lui, il se prononça pour un ciel unique. In Gènes., homil. iv, P. G., t. lui, col. 42.

Mais d’une part, le dialogue, au jour de l’Ascension, , entre les anges du ciel et ceux qui accompagnaient Jésus-Christ, Grégoire de Nysse, In Ascens., P. G., t. xlvi, col. 693 ; Chrysostome, In Hebr., homil. VI, P. G., t. lxiii, col. 59 ; In Ascens., P. G., t. L, col. 443 ; et, d’autre part, le rôle assigné à certains anges dans le monde, sur la terre et auprès des hommes, obligèrent les Pères à admettre que le ciel ou les cieux n’étaient pas le séjour exclusif des anges.

VI. Ministère des anges.

Il était universellement admis que les esprits célestes forment la cour du Très-Haut, contemplent la beauté de Dieu, jouissent de la vision béatilique, chantent des cantiques, répètent le trisagion et sont au service de Dieu, toujours prêts à exécuter ses ordres. Mais quelle est la nature de ce ministère ? en quoi consiste-t-il ? jusqu’où s’étend-il ?

I. LES ANGES ONT-ILS PRIS PART A LA CRÉATION DU MONDE ET A LA RÉDEMPTION DU GENRE HUMAIN ?

La question avait son importance parce que, depuis Simon le Magicien, et à sa suite, sinon avec les mêmes arguments, du moins avec des arguments tout aussi spécieux, les gnostiques avaient complètement défiguré les dogmes chrétiens de la création, de l’incarnation et de la rédemption. La matière étant, à leurs yeux, chose essentiellement mauvaise, Dieu, essentiellement bon, n’a pu s’en occuper en personne, ni pour la créer, ni pour l’organiser ; c’a été l’œuvre des éons, du démiurge ; de même pour racheter l’élément divin (’garé dans la matière, Dieu ne pouvait. pas intervenir ; l’incarnation, au sens chrétien, répugne à la gnose, parce qu’elle implique le contact impossible de l’infini et du fini, du bien et du mal, de l’esprit et de la matière ; en conséquence, le Jésus de l’Évangile n’a été qu’un instrument et un masque, dont le vrai Sauveur, l’éon Christ, s’est servi en l’habi-