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ANGE D’APRES LES PÈRES

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limites de la règle de foi, angelos sanctos de sua sempiterna et vera felicilate securos et certos esse nemo ambigat. De civ. Dei, XI, 32, P. L., t. xli, col. 316.

Fulgence de Ruspe pense et parle comme son maître do prédilection, Augustin : Angeles in sux dilectionis œlernitate firmavit, De fid. ad Petr., iii, 31, P. L., t. lxv, col. 687 ; car, adhérant à Dieu pour toujours, ils ne veulent ni ne peuvent plus pécher ; quoique mutabiles per naturam, immutabiles facti sunt per gratiam ; stabiles etiani et certi de sua beatiludine nullatenus amittenda, fruuniur Deo. De Trin., viii, P. L., t. LXV, col. 505. Gennade répète qu’après la chute les anges restés fidèles ont été confirmés en grâce de façon à ne pouvoir plus pécher, De eccl. dogm., 62, P. L., t. lviii, col. 996 ; et l’auteur du De vita contemplativa écrit : Divino justoque judicio actum est ut, quæ fuit cum Deo suo manendi voluntas, fieret permanendi voluntaria felixque nécessitas. P. L., t. lix, col. 421.

Entre ces deux solutions, on essaya de réserver l’immutabilité aux anges les plus rapprochés de Dieu, tout en laissant croire que ceux qui sont plus spécialement occupés des affaires humaines ne sont pas encore fixés sur leur état. Mais ce ne fut là qu’une tentative isolée de la part de Némésius, ve siècle. De nat., homil. xli, P. G., t. XL, col. 777. L’opinion de saint Augustin devait finalement prévaloir.

On ne connaît point celle du Pseudo-Denys ; mais son commentateur, saint Maxime (580-662), se borne à émettre un doute au sujet des anges du dernier degré : « ils peuvent peut-être pécher ; » et il laisse à d’autres le soin d’en dire davantage et d’en parler mieux. Schol. in ceeles. hier., xi, P. G., t. iv, col. 93. Pachymère reproduit simplement ce doute de Maxime. P. G., t. iii, col. 292. Grégoire le Grand, tout en admettant la possibilité d’un changement, proclame l’immutabilité actuelle des anges, Mor., v, 38, P. L., t. lxxv, col. 718 ; In Il Reg., I, 12, P. L., t. lxxix, col. 82, et déclare qu’ils jouissent de la vision béatifique. Mor., xviii, 91, P. L., t. lxxvi, col. 91.

III. Nombre des anges.

Les anges sont très nombreux ; mais combien sont-ils ? C’est ce qu’aucun des Pères n’a dit. Quelques-uns, cependant, pour en donner une idée approximative, ont pris pour base de leur supputation la parabole des brebis. Les 99 brebis restées fidèles représenteraient les anges, tandis que la brebis égarée représenterait les hommes, de telle sorte que le rapport numérique des anges aux hommes serait de 99 à 1. Hilaire, In Matth., xviii, 6, P. L., t. ix, col. 1020 ; Ambroise, In Luc., vii, 15, P. L., X. xv, col. 1756 ; Cyrille de Jérusalem, Cat., x, 24, P. G., t. xxxiii, col. 904. Mais ce dernier a soin de faire remarquer que ce n’est là qu’une comparaison. Car le texte : Mille millia ministrabant ei et decies millies denamillia assistebant ei, Dan., vii, 10, indique un nombre indéterminé. Quant à lui, il pose en principe que le nombre des habitants doit être proportionné au lieu habité. Or la terre, séjour de l’homme, n’est qu’un point au centre d’un ciel, et il y a les cieux des cieux, séjour des esprits célestes. Par suite le nombre des anges dépasse de beaucoup celui des hommes ; il ne peut se compter, il est àvap18|A7)To ; . Ibid. A plus forte raison si l’on y ajoute celui des archanges et des autres ordres qui sont au-dessus des anges. Cat., xvi, 23, P. G., t. xxxiii, col. 949. C’est la pensée de Cyrille d’Alexandrie, Urat. pasch., XII, 2, P. G., t. lxxvii, col. 673 ; de Chrysostome, Cont. anom., il, 3, P. G., t. xlviii, col. 714 ; et de Jérôme qui dit que le genre humain n’est rien à côté de l’armée angélique. In Isai., xl, 17, P. L., t. xxiv, col. 4-07.

Mais quelques Pères, entre autres Hilaire, In Matth., xviii, 6, P. L., t. ix, col. 1020, et Augustin, Enchir., 29, P. L., t. xl, col. 246 ; De civ. Dei’, xxii, 1, P. L., t. xli, col. 751, ont pensé que les élus devaient prendre la place laissée vide dans le ciel par les anges rebelles.

S’il ne s’agit que d’une stricte compensation numérique, il s’ensuivrait que le nombre des anges serait inférieur à celui des hommes, parce que, d’un côté, il n’y a, d’après l’Apocalypse, qu’un tiers des anges qui ait prévariqué, et que, d’un autre côté, le nombre des élus est loin d’égaler le tiers du genre humain. Apparemment cette conséquence n’est pas dans l’esprit de saint Augustin ; car, lui aussi, quand il compare le nombre des anges à celui des hommes, propose la proportion de 99 à 1. Coll. cum Maxim., 9, P. L., t. xlii, col. 727.

Cette question, du reste, dans l’état actuel de la révélation, ne pouvait pas être résolue d’une manière précise et satisfaisante. Aussi le Pseudo-Denys se contente-t-il d’affirmer que le nombre des anges n’est connu que de Dieu, De csel. hier., vi, 1, P. G., t. iii, col. 200, et qu’il dépasse tout ce que nous pouvons concevoir. De csel. hier., xiv, P. G., t. iii, col. 321. Mais l’auteur des Questions à Antiochus, P. G., t. xxviii, col. 602, rapporte en plus l’opinion de ceux qui disent les anges égaux en nombre aux hommes, d’après ce passage du Deuléronorne, xxxii, 8 : Constiluit lerminos populorum juxta numerum angelorum Dei, opinion que l’on trouve dans Hilaire. In Psal., ii, 31 ; lxi, 2, P. L., t. ix, col. 280, 396. Il est à remarquer que Grégoire le Grand conclut de ce même texte que le nombre des élus sera égal à celai des anges restés fidèles, ce qui ne cadre pas, comme on le voit, avec l’opinion d’Augustin. In Evang., homil. xxxiv, P. L., t. lxxvi, col. 1252.

IV. Hiérarchie Angélique.

1° Distinction des vocables. Sur quoi repose-t-elle ? —

Ces esprits célestes si nombreux se trouvent désignés par diverses dénominations. On les appelle anges, archanges, principautés, puissances, vertus, dominations, trônes. Or, à part le mot anges que l’on applique d’une manière générale comme un terme générique, on ne douta pas que la différence de ces vocables ne désignât des êtres distincts. Mais, ici, se posent plusieurs questions. Pourquoi ces termes différents ? Quel sens renferment-ils ? Indiquent-ils des fonctions ? lesquelles ? Des ordres ? en quoi se distinguent-ils ? A vrai dire, on ne le savait guère, ni l’Écriture ni la tradition ne s’en étant clairement expliquées ; on n’essaya même pas de le conjecturer ; on se tint longtemps sur la réserve. En revanche, les gnostiques bâtirent de bonne heure tout un système, où les éons, partant de Dieu, allaient de décroissance en décroissance jusqu’au démiurge, et jouaient un rôle fantastique, bien propre à éblouir les simples. Saint Irénée dit aux partisans de la gnose : « qu’ils nous expliquent et le nombre des anges et l’ordre des archanges ; qu’ils nous révèlent les mystères des trônes ; qu’ils nous enseignent la différence qui existe entre les dominations, les principautés, les puissances et les vertus. Mais non, ils ne peuvent le faire. » Cont. heer., il, 30, P. G., t. vii, col. 818. Longtemps après lui, saint Augustin écrit à Orose : * Qu’il y ait dans le ciel des sièges, des dominations, des principautés, des puissances, je le crois fermement ; qu’ils diffèrent entre eux, je n’en saurais avoir le moindre doute ; mais quant à dire ce qu’ils sont et en quoi ils diffèrent, dussiez-vous me mépriser, moi que vous traitez de grand docteur, j’avoue l’ignorer. » Cont. Prise, xiv, P. L., t. xlii, col. 678. Même aveu d’ignorance sur la différence des termes employés par saint Paul pour désigner la société céleste : « Que ceuxlà le disent qui le peuvent, si toutefois ils peuvent apporter des preuves à l’appui. » Enchir., 58, P. L., t. xl, col. 259.

Cyrille de Jérusalem a toujours été stupéfait de la téméraire curiosité des ariens qui, sans pouvoir parvenir à comprendre ce que sont les trônes, les dominations, les principautés et les puissances, œuvres du Christ, osent scruter le créateur lui-même. « Dites-moi donc en quoi diffère un trône d’une domination, et alors vous pourrez rechercher ce qui regarde le Christ. Dites-moi