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ANGE D’APRÈS LES PÈRES

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appelée pain des anges parce que les anges s’en nourrissent, car une nature incorporelle n’a pas besoin d’aliments. In Exod., q. xxix, P. G., t. lxxx, col. 257. D’après lui, les anges sont sans la moindre composition. In Gènes., q. xx. P. G., t. lxxx, col. 104.

Ainsi donc à entendre ces Pères grecs, à prendre leurs expressions au sens strict, on pourrait croire qu’ils enseignent la spiritualité absolue des anges ; il n’en est rien. Car l’auteur des Dialogues, attribués à saint Césaire, se posant la question de savoir comment les anges, étant incorporels, ont pu s’unir à des femmes et apparaître si souvent, tout en traitant d’absurde ce prétendu commerce, leur prête un corps très subtil, conforme à leur nature. Dial., i, q., xlviii, P. G., t. xxxviii, col. 918. Basile lui-même estime que leur substance est un esprit aérien ou un feu immatériel, àspiov 7rve13|j.a, irûp auXov, qui leur permet d’être localisés et d’apparaître. De Spir.S., xwi, 38, P. G., t. xxxii, col. 137. Nous parlons, dit-il, de l’unité de l’homme, ce qui ne l’empêche pas d’être le composé de l’àme et du corps ; de même nous parlons de l’unité de l’ange, mais nous n’entendons pas l’unité de sa nature, ni sa simplicité. Epist., i, 8, P. G., t. xxxii, col. 249.

Saint Grégoire de Nazianze appelle bien les anges des esprits intelligents et intelligibles, vdeç voepo :’, voyjtoé, il les dit simples, ôitvoî, Oral., xxxi, 15, P. G., t. xxxvi, col. 149, et incline par suite vers leur spiritualité absolue, mais il hésite sur leur nature. Il nous apprend, en effet, qu’ils sont des esprits intelligents, uniquement saisissables par l’esprit, vospà irve-j^ara vài (j.ôva)).ï]itTâ, ou un feu sans matière et sans corps, nûp auXov xoù à<7a>|j.aTov, ou telle autre nature qui doit se rapprocher de celles-là. Orat., xxxviii, P. G., t. xxxvi, col. 320. Mais ce qui le fait hésiter, lui aussi, comme tant d’autres, c’est le psaume ciii, 3, qui facit…ministros suos ignem urentem ; dans ce feu, il ne voit que les fonctions purificatrices qu’ils remplissent à notre égard. Orat., xxviii, 31, P. G., t. xxxvi, col. 72. La pensée de Cyrille de Jérusalem n’est pas douteuse. Car de ce principe : tout ce qui n’a pas un corps dense, épais, est esprit, il conclut que le démon est un esprit. Catech., xvi, 16, P. G., t. xxxiii, col. 939.

Comme on le voit, la spiritualité absolue des anges aurait plutôt été entrevue que nettement et résolument affirmée par les Pères grecs. D’autre part, les Pères latins ne se prononcent que pour une corporéité très relative. La divergence n’est pas aussi grande qu’on pourrait le croire. La vraie formule pour le plus grand nombre serait celle-ci : comparé à l’homme, l’ange est spirituel ; comparé à Dieu, il est corporel. On serait tenté de la reconnaître dans ces mots de Théodote : « Les auges ont des corps, mais comparés aux corps terrestres, ils sont sans corps et sans figure. » Frag., H, 14, dans Clément d’Alexandrie, P. G., t. ix, col. 6C3. Elle se retrouve, en tout cas, sous la plume de saint Grégoire le Grand : Ipsi (les anges) comparalione quidem noslrorum corpurum, spiritus sunt ; scd comparalione summi et incircumscripti Spiritus, corpus. Mor., il, 3, P. L., t. lxxv, col. 557.

La spiritualité’absolue des anges est cependant, sinon formellement exprimée, du moins supposée dans l’œuvre du Pseudo-Denys. Pour l’auteur de la Hiérarchie céleste, l’ange est de tous les êtres celui qui, par sa nature, se rapproche le plus de Dieu : il est intelligent, intelligible, .simple et sans figure aucune. Quant aux formes sensibles sous lesquelles on le représente, ce ne sont que des symboles appropriés à notre intelligence pour nous faire comprendre sa nature et son rôle ; car on ne peut sans errer lui attribuer la moindre propriété main iclle, si belle qu’on la suppose. De cxl. hier., xv, P. G., t. iii, col. 328-340. L’immatérialité des anges est clairement soutenue par Licinianus, évêque de Cartha(jène (582-602), Epist., Il, P. L., t. lxxii, col. 691-699.

Et saint Grégoire le Grand, malgré la formule citée plus haut, se prononce pour la spiritualité absolue : Quis sanus sapiens esse spiritus corporeos dixerit ? Dial., iv, 29, P. L., t. lxxvii, col. 368. A ses yeux, la nature spirituelle de l’ange n’est pas un composé : Spiritualis autem natura non ita est quæ ex mente et corpore composita dupliciter non est. Mor., il, 7, 8, P. L., t. lxxv, col. 559. Angélus namque solummodo spiritus ; homo vero et spiritus et caro. Mor., iv, 3, 8, col. 642.

II. connaissance des anges.

Les anges étant des créatures intelligentes supérieures à la raison humaine, doivent connaître et mieux connaître que l’homme. Mais comment connaissent-ils et que connaissent-ils ?

Mode.

Le mode de connaissance correspond à la nature de l’être connaissant. Par conséquent, les partisans de la corporéité relative des anges seraient amenés logiquement à revendiquer pour eux un mode de connaissance sensible ; et les partisans de leur spiritualité auraient dû expliquer comment ils entendaient la connaissance intellectuelle des anges. Mais ce sont là des problèmes qu’ils ont négligés. Cependant l’auteur des Questions aux orthodoxes, q. lxxvii, P. G., t. VI, col. 1317, attribue à toutes les substances créées et raisonnables deux modes de connaissance, l’un sensible par lequel ils se connaissent eux-mêmes ainsi que les autres êtres créés, l’autre intellectuel par lequel ils connaissent ce qui est au-dessus d’eux. A la question précédente, il avait dit que l’ange connaît l’ange, non par la vision, mais par une perception sensible, y.atæ ae<T0v]<Tiv.

Mais pour trouver le problème posé et résolu, il faut arriver à Augustin qui l’aborde, grâce à la philosophie platonicienne, dont il était imbu. Voici sa solution : dès l’instant de sa création, l’ange, lumière créée, adhère au Verbe, lumière créatrice, le voit et s’y voit ; il se voit aussi en lui-même. De Gen. ad lit., iv, 32, 50, P. L. r t. xxxiv, col. 317. Quant aux autres créatures, l’ange en possède deux connaissances, l’une infuse par laquelle il voit le créé dans l’incréé, dans le Verbe, raison immuable et cause de tout ce qui est, l’autre acquise par la vision directe du créé, non plus dans le Verbe, mais dans le créé seul. Ibid., col. 313. La première, plus noble et aussi plus parfaite, il l’appelle matinale ; la seconde, vespérale. Dans le Verbe, sagesse de Dieu, type idéal, la créature lui est connue plus clairement qu’en elle-même, comme il s’y connaît lui-même mieux qu’en soimême ; parce que dans le Verbe résident, éternellement immuables, les causes et les raisons essentielles des êtres, et qu’il est mieux de connaître un objet dans la raison de son être. De eiv. Dei, xi, 29, P. L., t. xli, col. 31-3. Mais la vision angélique du créé, du sensible, ressemble-t-elle à la nôtre ? Il n’ose se prononcer : Ncque, sicut pecora, solo sensu corporis vident angeli hsec sensibilia ; sed, si quo sensu tali utuntur, agnoscunt ea potius quæ melius noverunt in ipso Dei Verbo. De Gen. ad lit., il, 8, 17, P. L., t. xxxiv, col. 249. Saint Augustin est le seul Père qui ait traité cette question du mode de connaissance.

Objet.

L’objet de la connaissance angélique est le même que celui de la connaissance humaine ; c’est Dieu et le monde créé. L’ange connaît Dieu, mais ne saurait le comprendre, au sens théologique de ce mot : tous les Pères sont d’accord sur ce point. Mais connaît-il les mystères de l’ordre surnaturel, l’avenir, la pensée intime de l’homme ? Ici, les divergences éclatent et les réponses diffèrent.

Les Pères sont d’avis, en général, que la connaissance de l’avenir et du cœur humain appartient exclusivement à Dieu. Ter tullien y voit la caractéristique de la divinité. Que le Dieu de Mareion, dit-il, prouve sa divinité ut et futura pronuntiet et occulta cordis revelet. Adv. Marc, v, 15, P. L., t. il, col. 510. Novatien, De l’rinil., 13, P. L., t. iii, col. 908, et saint Eulgence de