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ANGE D’APRÈS LES PÈRES

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P. G., t. iii, col. 825. Dieu a ainsi pour mesure l’éternité ; l’ange, l’a’wv ; l’homme, le temps. Pachymère, Par., V,’10, P. G., t. III, col. 853. D’où il suit que la création des anges est antérieure à celle du temps et des êtres mesurés par le temps. De div. nom., x, 3, P. G., t. iii, col. 940. Quant à saint Grégoire le Grand, il se prononce en faveur de la simultanéité. Mor., xxxii, 16, P.L., . lxxvi, col. 615.

Reste à savoir si tous les anges ont été créés à la fois ou successivement : ceci est une autre question. Quelques Pères ont cru à la propagation des anges les uns par les autres, entre autres Grégoire de Nysse qui affirme que, si l’homme n’avait pas péché, il se serait propagé sans rapports sexuels, à la manière des anges, mais qui avoue ignorer le mode de propagation de ces derniers. De hom. op., xvii, P. G., t. xiiv, col. 189. C’était aussi la pensée de l’auteur des Dialogues, attribués à saint Césaire. Dial., ui, P. G., l.xxxiii, col. 997. Mais on ne peut voir là que des opinions isolées. L’opinion générale était que tous les anges ont été créés simultanément. Voir en particulier Chrysostome, Jn£p/ «., homil. vii, P. G., t. LXii ; ïliéodoret, Hær. fab., v, 7, P. G., t. lxxxiii, col. 469.

II. Nature des anges.

I. spiritualité.

Les angélophanies, deux passages de l’Écriture, Gen., vi, et Ps. ciii, 5, ce double principe que la spiritualité absolue n’appartient qu’à Dieu et que tout ce qui existe est corps aliquo modo, ont entraîné les Pères dans des affirmations plus ou moins erronées.

Les anges sont-ils des esprits ? — Oui. —
Sont-ils de purs esprits ?" — Non ; Dieu seul est un pur esprit. Les anges sont donc impliqués dans la matière. —
Dans ce cas, peut-on les dire corporels, matériels ? — Oui, répondent un grand nombre,
mais avec cette restriction que leur corps n’est pas comme le nôtre ; car la matière, dont il est composé, est bien supérieure à celle de l’homme. — Non, répondent presque tous les Pères grecs, ils sont à<j(ô[jiaToi, auXot, mais pas complètement spirituels. D’autres distinguent : oui, si on les compare à Dieu ; non, si on les compare à l’homme ; car leur corps, au lieu d’être grossier, est éthéré, lumineux, céleste, spirituel. En un mot, l’absolue spiritualité de l’ange n’a pas été nettement affirmée par les Pères.

Jusqu’au IVe siècle.

D’après la Genèse, VI, 2, les benê-èlohim ont contracté union avec les filles des hommes et ont donné naissance à la race des géants. Qui sont les benë-clohîm ? Les Septante, Aquila, Symmaque et Théodotion traduisent par « fils de Dieu ». Mais, d’une part, certaines copies des Septante portaient « anges de Dieu », et c’était la traduction familière aux juifs, comme en témoignent Philon et Josèphe ; d’autre part, le Pseudo-Énoch avait composé tout un roman sur la chute des anges. Or, pendant un certain temps, il fut regardé comme Écriture : d’où son influence sur la littérature chrétienne. Tertullien, De cuit. feni., i, 3, P. L., t. i, col. 1307 ; Origène, In Joan., vi, 25, P. G., t. xiv, col. 273, le citent, bien qu’ils sachent qu’il est tenu en suspicion par quelques-uns. Saint Hilaire y fait une allusion dédaigneuse. In Psal., cxxxii, 6, P. L., t. ix, col. 748. Et lorsque saint Jérôme le rejelte parmi les apocryphes, In TH., I, 12, P. L., t. xxvi, col. 574, le mal était fait.

Car la fâcheuse influence du Pseudo-Énoch est visible dans Justin, qui croit au commerce charnel des anges, Apol., il, 5, P. G., t. vi, col. 432 ; dans Athénagore, qui dit que le chef de la matière a manqué de diligence et de probité dans l’accomplissement de ses fonctions, et que ses compagnons sont tombés dans le péché charnel, Leg., 2’(-, P. L., t. vi, col. 918 ; dans Irénée, qui proclame sans doute les anges sine carne, mais leur suppose un corps qui les a rendus, après leur chute, capables de s’unir à des femmes, Cont. hmr., ïll, xx, 4, P. G., t. vii, col. 9 il ; dans Tertullien, qui affirme que ces deser tores Dei, amatores feminaram, De idol., îx, P. L., t. i, col. 671, ad fi lias hominum de cælo ruerunt, De cuit, fem., i, 2, P. L., t. i, col. 1305, quos legimus a Deo et cœlo excidisseob concupiscenliamfeminarum, De virg. vcl., vii, P. L., t. il, col. 899 ; dans Clément d’Alexandrie, qui nous apprend que « les anges ont péché en abandonnant la beauté de Dieu pour la beauté qui passe », Psed., iii, 2, P. G., t. viii, col. 576, par un acte d’incontinence, Strom., iii, 7, P. G., t. viii, col. 1161, et nous les représente adonnés à la volupté et révélant aux femmes les secrets de l’avenir, Strom., v, 1, P. G., t. ix, col. 24 ; dans Cyprien, qui les accuse d’avoir enseigné aux femmes l’art menteur du maquillage, De hab. virg., 14, P. L., t. iv, col. 453 ; dans l’auteur du De singularilate clericorum, P. L., t. iv, col. 857 ; dans Lactance, qui déclare les anges contaminés, Div. inst., ii, 15, P. L., t. vi, col. 333 ; et dans Ambroise, qui attribue leur chute à l’orgueil et aussi à la concupiscence charnelle. De virg., i, 8, - P. L., t. xvi, col. 203.

Logiquement, tous ces Pères étaient forcés d’admettre la corporéité des anges. Ils l’admettent, en effet, mais ils n’entendent pas une corporéité grossière comme la nôtre ; car celle-ci les choque. Voici comment s’en explique Tertullien. Pour lui, tout ce qui est, est corps sui generis ; nihil est incorporale niai quod non est. De car. Chris., xi, P. L., t. il, col. 774. Les anges ont donc un corps. Lequel ? Il le donne clairement à entendre. Sans doute les anges non vénérant mori, ideo nec nasci, De car. Chris., vi, P. L., t. il, col. 761, et constat angelos carnem non propriam gestasse, utpole naturas substantiee spiritualis et, si corporis alicujus, sui tamen generis. De car. Christ., vi, P. L., t. il, col. 765. Ce sont des substances spirituelles, des esprits. Apolog., 22, P. L., t. I, col. 405. Mais l’homme est adflalus Dei generosior spiritu corporali, quo angeli consliterunt. Adv. Marc, il, 8, P. L., t. ii, col. 29L Invisibilia Ma, queecumque sunt, habent apud Dcum et suum corpus et suam formam, per quee soli Deo visibilia sunt. Ado. Prax., 1, P. L., t. il, col. 162. Donc ni corporéité grossière, ni spiritualité absolue, telle est la pensée de Tertullien.

Mais que pensait Origène de la spiritualité des anges ? Si quelqu’un devait l’admettre, il semble que c’est bien lui, grâce à sa théorie sur la création. Il considérait d’ailleurs le passage de la Genèse, vi, 2, comme allégorique, il l’entendait des âmes désireuses de s’unir à des corps. Cont. Cels., v, 55, P. G., t. xi, col. 1267. Cependant la question qu’il se pose n’est pas de savoir si les anges sont des esprits, mais s’ils ont des corps : question, dit-il, nullement tranchée par l’autorité de l’Église, délicate et difficile, embarrassante, et pour la solution de laquelle il se contente de proposer ce qu’il juge de plus raisonnable. Voir Ame, col. 995. L’absolue spiritualité n’appartenant qu’à Dieu, Deprinc, 1. 1, c. vi, 4, P. G., t. XI, col. 170, et le principe d’individuation et de localisation étant le corps pour l’âme, Cont. Cels., vi, 71, P. G., t. xi, col. 1405, il croit que les créatures invisibles, bien qu’incorporelles, se servent d’un corps, De princ, l. IV, c. xxvii, P. G., t. xi, col. 401, car aucunecréaturenepeutvivre sans une substance matérielle. De princ, l. II, c. il, P. G., t. xi, col. 186 sq. Par suite, l’ange a un corps, ht joan., c. xx, 22, P. G., t. xiv, col. 637, mais un corps bien supérieur à celui de l’homme, se nourrissant d’aliments intellectuels, In Joan., c. XIII, 33, 34, P. G., t. xiv, col. 457 ; le repas des anges à Mambré n’étant qu’une figure, De oral., 27, P. G., t. xi, col. 513 ; un corps d’une telle subtilité qu’il peut être proclamé spirituel, tel que sera celui des ressuscites ; un corps éthéré, semblable à une lumière brillante. In Matth., c. xvii, 30, P. G-, t. xiii, col. 1570. De telle sorte qu’Origène semble distinguer dans l’ange deux choses comme dans l’homme, l’esprit et la matière, et que la formule de sa pensée serait la suivante : l’ange n’est pas un corps, mais un esprit uni à un corps liés subtil.