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ANATHÈME


t. i, col. 574, l’explication de ces rigueurs. Après la captivité de Babylone, l’anathème n’entraîne plus la mort, mais seulement la perte des biens et l’exclusion de l’assemblée des fidèles ou l’excommunication. Exod., x, 18.

Dans le Nouveau Testament.

Cette excommunication subsistait encore au temps de Notre-Seigneur, et il en est question plusieurs fois dans l’Évangile de saint Jean, mais sans qu’elle soit désignée par le terme d’anathème. Joa., IX, 22 ; xii, 42 ; xvi, 2 ; cf. Matth., xviii, 17 ; II Thess., iii, 14. Saint Paul parle d’un châtiment analogue, celui d’être non seulement exclu de l’Église chrétienne, mais encore livré à Satan. I Cor., v, 5 ; ITim., I, 20. Il ne l’appelle pas non plus anathème. Mais il déclare anathème, c’est-à-dire maudit, voué aux plus grandes peines, et peut-être excommunié de l’assemblée des fidèles, celui qui prêcherait un évangile différent du sien, Gal., i, 8, 9, qui n’aimerait pas Jésus-Chris’. I Cor., xvi, 22. Dans d’autres textes, anathème signifie malédiction, imprécation. Act., xxiii, 14 ; Marc, xiv, 71 ; I Cor., xii, 3 ; cf. Rom., ix, 3 ; Apoc, xxii, 3.

II. Dans l’Église. — Le terme anathème eut dans l’Église chrétienne un sens analogue à celui qu’il avait dans l’Écriture. Il signifia la séparation d’avec le Christ et, par suite, l’excommunication ou la séparation d’avec son Église.

Anathème des conciles et des papes.

Les conciles prirent l’habitude de frapper d’anathème les chrétiens criminels et surtout les hérétiques. Le concile d’Elvire (305 et 306) avait déjà formulé la menace d’anathème, can. 52. Mansi, Concil., Florence, 1759, t. ii col. 14. Le concile de Nicée (325), à la fin de son symbole, ibid., col. 668, avaient déclaré anathème ceux qui nieraient ladivinité du Christ ; le concile de Laodicée (entre 343 et 381), can.29, avaitmenacéd’anathème ceux qui continueraient àjudaïser. Ibid., co. 370. Le concile de Gangres(vers360) porta vingt canons en faisant suivre chacun d’eux d’un anathème. Ils sont tous rédigés suivant la formule : « Si quelqu’un… ; qu’il soit anathème. » Ibid., col. 1102-1105. Cette formule fut adoptée aussi dans quelques canons par le concile œcuménique de Chalcédoine (451), can. 2, 27. Mansi, t. iiv col. 384, 392. Depuis lors, elle a été employée habituellement jusqu’au concile du Vatican.

Cependant sa signification a peu varié dans le cours des âges. Dans les premiers siècles, l’anathème ne semble pas différer de l’excommunication. Ainsi en est-il dans les conciles cités plus haut et encore au IVe concile de Tolède (633), c. 58. Mansi, t. ix, col. 633. Mais, à partir de la fin du vie siècle, plusieurs conciles distinguent l’anathème de l’excommunication. Le second concile de Tours de 567, can. 24, Mansi, t. x, col. 807, veut qu’après trois monitions on récite en chœur le ps. cviii, contre l’envahisseur des biens de l’Église, pour qu’il tombe sous la malédiction de Judas et « qu’il meure non seulement excommunié, mais encore analhémalisé et qu’il soit frappé du glaive céleste ». Deux siècles plus tard en 845, le concile de Meaux, can. 56, Mansi, t. xiv, col.832, disait : Anatitenia seternse est mortis damnatio, et nonnisipromortali débet imponi crimine et Mi qui aliter non potuerit corrigi. Cependant, on admettait que le pardon et l’absolution pouvaient être accordés aux criminels frappés d’anathème, s’ils se repentaient. Voir à ce sujet une lettre écrite en 879 par Hincmar, archevêque de Reims. Epist., xxxvi, P. L., t. cxxii, col. 255. Le synode de Ravenne de 877, can. 4, Mansi, t. xvii, col. 338, et celui de Troyes, de 878, Mansi, t. xvii, col. 349, menacent aussi certains excommuniés d’analbème s’ils ne se corrigent. Celui de Ravenne, can. 8, Mansi, t. xviii, col. 338, porte même, contre ceux qui violeront une excommunication, un anathème qui sera encouru par le fait même après trois monitions. A la même époque (878) le pape Jean VIII écrivait que l’excommunication sépare de la société de ses frères, a fraterna societate séparât, tandis que l’anathème sépare du corps même du

Christ, ai ipso corpore Cltristi. Le Décret de Gratien qui nous a conservé ces paroles de Jean VIII, c. 12, caus.III, q. v, ajoute que ce corps du Christ est l’Église. Ce Décret, c. 23, caus. XI, q. iii, fait lui-même entre l’excommunication et l’anathème cette différence, que l’excommunication exclut seulement de la participation au corps et au sang du Christ et de l’entrée de l’Eglise, tandis que l’anathème exclut de la société des fidèles. Cette distinction semble admise dans une décrétale de Célestin III († 1198), transcrite au second livre des Décrétâtes, c. Quem non ab homme, X, tit. i, De judiciis. Innocent III († 1216), successeur de Célestin III, adopte la même distinction entre l’exclusion des sacrements et l’exclusion de la société des fidèles, mais en donnant le nom d’excommunication à la peine qui exclut de la société des fidèles, Lib. H Decretalium, c. A nobis, 2, tit. xxv, De exceptiotiibus. Un peu plus tard, Grégoire IX (fl276), Lib. V Decretalium, c. Si quem, 59, tit. xxxxi. De sententia excommunicationis, appelait excommunication mineure celle qui exclut seulement des sacrements, et excommunication majeure celle qui sépare de la société des fidèles. Il déclarait que c’est l’excommunication majeure qui est portée dans tous les textes où il est parlé d’excommunication. Tel est le droit des Décrétales. Il n’admet plus entre l’excommunication majeure et l’anathème d’autre différence que celle d’une plus ou moins grande solennité dans la manière dont l’excommunication est portée. Depuis lors, l’anathème a été confondu avec l’excommunication majeure, au point de vue du moins de ses effets. C’est ainsi que l’entend le concile de Trente, sess. XXV, De reformalione, c. m. Il résulte de ce qui précède que l’anathème peut être porté en punition d’autres fautes graves que l’hérésie. Deux des premiers conciles qui s’en servirent, celui de Laodicée, can. 29, Mansi, t. ii col. 580, et celui de Gangres, ibid., col. 570, anathématisent pour des fautes de conduite aussi bien que pour des erreurs de doctrine. Au huitième concile œcuménique, tenu à Constantinople en 869 et 870, le consul Léon s’étant refusé à anathematiser Photius, sous prétexte qu’on ne prononçait l’anathème que contre les hérétiques, tandis que Photius était orthodoxe, on lui dit qu’on pouvait aussi frapper d’anathème ceux qui étaient tombés dans d’autres fautes et il anathématisa Photius. Hefele, Hist. des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1910, t. iv, § 491.

Ce fait montre que néanmoins l’anathème des conciles était ordinairement porté contre des hérétiques. Lorsque les canons des conciles frappent une doctrine d’anathème de cette manière : Si quis dixerit… : anathema sit, d’après l’usage reçu, ils définissent que cette doctrine est hérétique, en anathématisant ceux qui la soutiendraient.

Anathème du pontifical.

Dans son troisième livre, au titre Ordo excommunicandi et absolvendi, le pontifical romain distingue trois sortes d’excommunication auxquelles répondent trois manières différentes d’absoudre : 1° l’excommunication mineure (elle n’existe plus : voir Excommunication) que l’on contractait en ayant commerce avec les excommuniés, et dont le simple prêtre pouvait absoudre ; 2° l’excommunication majeure que I’évêque porte en lisant une formule déterminée ; 3° enfin l’anathème qui est l’excommunication solennelle, qu’on doit employer pour des fautes plus graves. L’évêque revêtu de la chape violette et entouré de douze prêtres qui, aussi bien que lui, tiennent à la main des cierges allumés, est assis devant l’autel principal ou en un autre endroit public et prononce la formule de l’anathème qui se termine ainsi : eum cum universis complicibus, fautoribusque suis, a pretiosi corporis et sanguinis Domini perceptione, et a societate omnium christianorum separamus, et a limilibus sanctse matris Ecclesim in cselo et in terra excludimus et excommunicalum et analhematizatum esse decerni