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ANARCHIE — ANASTASE I<*

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C’est là le paradoxe monstrueux, l’optimisme illusoire de J.-J. Rousseau. Frappés des misères qui existent dans la société actuelle, les théoriciens de l’anarchie ne veulent pas en trouver la cause dans les défaillances de la nature humaine, dans les fautes du libre arbitre. Pour rendre l’homme meilleur, il ne suffit pas de détruire l’État et la société. Combien de maux ne proviennent ni de l’inégalité des conditions, ni de la répartition des richesses ! Non, la nature humaine ne changera pas sous l’influence des brochures d’Elisée Reclus ou de la bombe de Henry. Vouloir fonder une société sans loi, sans autorité, sans justice, sans force coercitive, lui donner comme base unique la libre association, c’est une utopie folle. Au vrai, comment dans cette société future assurer le respect du droit, de la liberté, des contrats ? Le droit du plus fort, le triomphe de la violence deviendront bientôt la norme de cette société et le paradis anarchiste sera un repaire de brigands, de voleurs et d’assassins.

4° Dans l’ordre économique. — Le régime de l’anarchie n’est pas moins irréalisable. Il faut une foi robuste pour croire que la production, l’échange, le prix des denrées vont s’organiser spontanément. Comment la concurrence des groupes serait-elle plus eflicace que la concurrence des individus sous le régime de la propriété privée ? Abandonner la production à des associations soumises au caprice individuel, c’est une chimère colossale. Sans le frein de l’autorité, sans le stimulant de l’intérêt personnel, l’association de production se réduit à une poussière incohérente et inerte. Au reste, la société coopérative de production suppose un niveau intellectuel et moral supérieur à la moyenne ordinaire parmi les travailleurs ; elle exige la soumission à une règle, à une autorité forte et respectée. Pour remplir ces conditions l’anarchie devrait renoncer à ses principes ou changer la nature humaine.

5° La propagande par le fait est une conséquence logique de la doctrine anarchiste : l’individu affirme par l’action sa souveraineté absolue, son droit de révolte sans bornes. C’est aussi le triomphe de la brute, le règne de la férocité animale. D’ailleurs, la propagande par le fait n’est pas seulement une manifestation inepte •et monstrueuse de sauvagerie animale, elle est encore parfaitement inutile au but que se proposent les anarchistes. Ne doivent-ils pas aussi considérer le fait des représailles exercées par le pouvoir et réclamées par la société justement effrayée ?

L’histoire de l’anarchie en Autriche, en Italie, en Espagne, en France, aux États-Unis, montre que la propagande par le fait, loin de favoriser le développement de l’anarchie, l’a écrasée sous le poids terrible de la répression à outrance.

6° Causes de l’anarchisme. — On peut se demander comment un système aussi chimérique, antinaturel et antisocial qu’est l’anarchie, a pu prendre naissance et recruter des adhérents. Il suïïit d’observer que l’anarchie a été une réaction naturelle contre le collectivisme, une extension logique de l’individualisme libéral. Au socialisme collectiviste confisquant les droits du citoyen au profit de la société socialisée, l’anarchisme répondit par une déclaration de guerre contre la société et par la revendication de la pleine indépendance de l’individu. Par la bouche de H. Spencer l’individualisme libéral déclarait l’État une « nuisance » nécessaire et réduisait son rôle à celui du gendarme chargé de l’ordre intérieur et extérieur : au nom de la liberté individuelle, le libertaire détruit la « nuisance », il supprime le gendarme au nom de la liberté de l’individu.

L’anarchie dans les idées a été le fruit naturel d’une science sans Dieu, sans morale, qui a essayé de détruire, sans les remplacer, les traditionnelles règles de conduite de l’humanité. Dans la société actuelle, l’anarchisme révolutionnaire a trouvé un terrain de culture admirablement propice : le luxe insolent des uns coudoyant la

misère sordide des autres, les classes populaires perverties par l’éducation athée, exaspérées par une instruction mal adaptée à la lutte pour la vie et qui fait des générations de déclassés, l’atmosphère voluptueuse des grandes villes, la passion effrénée de l’argent, le dieu du jour, la corruption fascinante de la presse, du roman, du théâtre, les scandales de la Bourse et du parlement, voilà le fumier où a pris naissance et où s’est développé le champignon vénéneux de l’anarchie.

On trouve une bibliographie très complète, principalement des ouvrages anarchistes, dans Nettlau, Bibliographie de l’anarchie, Paris, 1897 ; Proudhon, Qu’est-ce que la propriété ? La création de l’ordre, Paris, 1851 ; Ranc, dans Encyclopédie générale, art. Anarchie • Herbert Spencer, L’individu contre l’État, Paris, 1888, introduction du volume ; A. Plea, For Liberty, Londres, 1802 ; Benj. R. Tucker, Instead of a book… A fragmentary exposition of pliilosophical anarchism, New— York, 1893 ; Victor Yarros, Anarchism : what it is, and what it is not. Arena, Roston, avril 1893 ; Max Stirner, Der Einzige und sein EigenIhtim, Leipzig, s. d. ; Michel Bakounine, La Commune de Paris et la notion de l’État, Dieu et l’État, s. d. ; Michel Bakounine, Œuvres, Paris, 1895 ; Pierre Kropotkine, Paroles d’un révolté, préface d’Elisée Reclus, s. d. ; La conquête du pain, préface d’Elisée Reclus, Paris, 1893 ; La loi et l’autorité. L’anarchie dans l’évolution socialiste. Esprit de révolte. Les prisons, brochures, s. d. ; Lamora’e anarchiste, Paris, 1899 ; Elisée Reclus, Évolution et révolution, Paris, 1891 ; L’Évolution. La révolution et l’idéal anarchique, Paris, 1898 ; Jean Grave, La Société mourante et l’anarchie, Paris, 1893 ; La Société future, Paris, 1895 ; Gh. Malato, Philosophie de l’anarchie, Paris, 1889 ; Procès des anarchistes de Lyon, 1883 ; La revue La Plume, numéro du 1" mai 1893, consacré à l’anarchisme ; Muller, Enquête sur les menées anarchistes en Suisse, Berne, 1885 ; Schaak, Anarchy and anarchists, Chicago, 1887 ; J. Garin, Anarchie et anarchistes, 1888 ; Handwôrterbuch der Staatsivisseiichcfften, de Conrad, art. Anarchism, par G. Adler ; A. Von Waltershausèn, Der moderne Socialismus in den Vereiniglen Slaaten von America, Berlin, 1890 ; Richard T. Ely, The Labor, movement in America, Londres, 1890 ; French and german socialism in modem limes, Londres, 1884 ; Thomas Kirkup, A iitstory of socialism, Londres, 1892 ; Winterer, Le socialisme contemporain, Paris, 1894 ; A. Bérard, Les hommes et les théories de l’anarcliie, dimsles Archives d’anthropologie criminelle, 15 novembre 1892 ; G. Tarde, Foules et sectes au point de vue criminel, dans la Revue des Deux Mondes, 15 novembre 1892 ; Flor O’Squarr, Les coulisses de l’anarchie, Paris, 1892 ; Félix Dubois, Le péril anarchiste, Paris, 1894 ; R. Garraud, L’anarchie et la répression, Paris, 1895 ; Hamon, Psychologie de l’anarchie socialiste, Paris, 1895 ; Albert Delacour, Les lettres de noblesse de l’anarchie, Paris, 1899.

C. Antoine.

1. ANASTASE I er (Saint), pape, successeur de Sirice, élu à la lin de novembre ou au commencement de décembre 398, mort en décembre 401. Ce pontife, originaire de Rome, très estimé de ses contemporains pour la pauvreté de sa vie et pour ses grandes vertus, était un ami de saint Paulin de Noie, qui lient une certaine place dans sa correspondance. Jaflé, n. 273-274. Il était lié avec saint Jérôme, à la suite duquel il intervint dans la controverse dont la mémoire d’Origène était l’objet. Au moment de son élection, Rufin venait de traduire le n.sp àp/ôjv (De principiis) d’Origène et de se retirer à Aquilée. Le pape, après l’avoir inutilement cité à Rome, se prononça contre Origène. A cette condamnation, provoquée notamment parle patriarche Théophile d’Alexandrie, se rattachent les lettres d’Anastase à Simplicianus et à Vénérius, évêque de Milan, Jaflé, n. 276, 281, et celle à Jean, évêque de Jérusalem. Jaflé, n. 282. Ces lettres ne permettent pas de préciser le genre de condamnation dont Origène fut l’objet. La lettre à Simplicianus est assez suspecte. Al. Vincenzi, In S. Greg. Nysseni et Origenis scripta et doctrinam nova recensio, Rome, 1865, t. m, c. xxiv, p. 286. Il ne semble pas qu’Anastase ait procédé à un examen général des œuvres d’Origène, ni qu’il ait rendu une sentence formelle de condamnation contre lui ; mais d’après sa lettre à Jean, il est manifeste qu’il réprouve le livre latin De principiis, dont on a soumis le contenu à son jugement. La