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ANALOGIE — ANARCHIE


gies de raison ou de foi, il la faut pour les comprendre et cette grâce est accordée à la piété.

3. Sobrie, avec réserve. La multiplicité des analogies engendre la confusion. Une analogie est toujours un symbole complexe, dans lequel autour d’une ressemblance limitée se rencontrent une foule de dissemblances variées. Il faudra donc se contenter de quelques analogies prises dans la tradition et bien précises, plutôt que d’en entasser un grand nombre sans discernement et sans pénétration.

Rapports de l’analogie aux mystères.

1. Ilimporte de bien définir ces rapports afin d’éviter des confusions où les dogmes ne pourraient que sombrer. Il y a analogie et analogies. Nous ne parlons pas ici de l’analogie essentielle, indispensable à toute révélation et à toute représentation intellectuelle d’un mystère. L’esprit humain étant du fait de sa nature même incapable de se représenter proprement et adéquatement un mystère, l’analogie est la condition fondamentale et inséparable du langage divin ou du langage humain relatif aux mystères. Cette analogie n’est ni antérieure, ni postérieure à la révélation ou à la connaissance du mystère, elle la constitue ; elle est fixe comme lui.

2. Mais outre cette analogie essentielle, il y a des analogies accessoires qui ne sont point fournies par la révélation, simples métaphores tirées de la nature et imaginées par l’esprit humain pour jeter quelque lumière sur l’obscurité des mystères. Telles, pour une bonne partie, les analogies célèbres tirées par saint Augustin de la psychologie humaine au sujet de la sainte Trinité. Dans ce sens, l’analogie est une comparaison et n’est qu’une comparaison : elle est donc un moyen d’exposition du dogme ; un vêtement sous lequel il se voile et se révèle en même temps ; mais elle n’est pas le dogme, elle s’en distingue comme le moyen se distingue de la fin, comme le vêtement se distingue du corps qu’il enveloppe.

3. De ce principe, il suit que le dogme ne saurait être identifié avec les images qui le symbolisent, ni son évolution réduite « à une pure succession de symboles matériels, dont les substitutions incessantes s’opèrent sans identité foncière et sans continuité logique ». R. P. de la Barre, La vie du dogme catholique, Paris, 1898, p. 204.

4. Le dogme est supérieur et antérieur à l’analogie, il la domine et se la subordonne. L’analogie doit se proportionner et s’adapter au dogme et le prendre pour règle. On ne pourrait donc faire sortir le dogme de l’image sous l’analogie de laquelle il a été présenté. Les dogmes ne sont pas des images, des métaphores épurées et spiritualisées, et il est faux de dire que « par voie de généralisation et d’abstraction progressive, le raisonnement atténue la métaphore primitive », qu’ « il l’use comme sur une meule ». Sabatier, Esquisse d’une philosophie de la religion, d’après la psychologie et l’histoire, Paris, 1897, p. 394.

5. Le dogme étant distinct des analogies et supérieur à elles, celles-ci peuvent varier sans que l’immutabilité du dogme en soit atteinte. Comme les images sont employées dans le langage théologique pour adapter l’intelligence des dogmes à la condition de l’esprit humain, il est évident que les divers états de l’esprit humain appelleront des manières différentes de recourir à l’analogie. Les races orientales se plairont dans des analogies que comprendront plus difficilement les intelligences occidentales. Cf. Th. de Régnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, troisième série : Théories grecques des processions divines, Paris, 1898, t. i, p. 3, 4. Le cours des siècles lui-même, en modifiant et en développant la science humaine, y produira un mouvement et un progrès dans le choix et dans l’usage des analogies. Ainsi des métaphores chères aux auteurs ecclésiastiques des premiers siècles disparaîtront de la

DICT. DE THÉOL. CATH.

langue théologique pour y laisser place à d’autres métaphores plus appropriées aux manières de comprendre ou aux nécessités de l’apologétique dans les siècles suivants.

6. De même, à cause de la distinction qui existe entre le dogme et les analogies, l’identité des analogies employées par la théologie catholique et par les philosophies païennes n’autorise pas à conclure à l’identité de la doctrine chrétienne avec la sagesse païenne. « Presque tout le détail de la cosmologie des Pères alexandrins est déjà dans Philon ; mais ce détail au lieu de réagir sur leur théologie en subit la loi, de sorte qu’en lisant les mêmes choses et souvent exprimées de la même manière dans Philon et dans Clément et Origène, il faut souvent les prendre dans un autre sens. » Denis, La philosophie d’Origène, Paris, 1884, p. 138. Cf. Origène, Contra Cels., vi, 7, P. G., t. xi, col. 1293.

7. Enfin, parce que les analogies ont avec les vérités dogmatiques des ressemblances mêlées de dissemblances, elles peuvent être employées à la fois dans un sens orthodoxe et dans un sens hérétique, suivant que l’on maintient la ressemblance dans ses justes limites, ou qu’on l’exagère. Il est arrivé ainsi qu’une analogie employée légitimement à l’origine ayant été ensuite exploitée par les hérétiques a pu et dû être condamnée. Les anciens Pères, avec saint Justin, Dial.cum Tryphone, c. LXi.édit. de Otto, Iéna, 1876, 3°édit., 1. 1, part. II, p. 212, . appelaientle Fils, le « ministre » du Père, et ils pouvaienl le faire, car ils ne visaient, par cette image, que le caractère de personnalité distincte du Père et du Fils et, dans le Père, le caractère de principe duquel procède et auquel se conforme le Fils. Plus tard, le subordinatianisme voulut forcer la comparaison et voir dans cette analogie une affirmation de l’infériorité du Fils. Dès lors l’analogie jusque-là orthodoxe prit un sens hérétique et à cause de cela devint de plus en plus rare chez, les écrivains ecclésiastiques.

Cf. S. Thomas, In Boet., de Trinitate, q. ii a. 3, ad 5° ; P. Th. de Régnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, Paris, 1892, 1898 ; Chollet, Thèses insulenses ad prohjtatum, th. xil, xix, xxiv, Lille, 1889 ; Vacant, Les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1898 ; Hontheim, Institutiones throdicsese, n. 5fl sq., Fribourg, 1893, et les traités de théologie dogmatique De Deo uno et trino ; R. P. de la Barre, La vie au dogme catholique, Paris, 1898.

A. Chollet.

ANALYSE DE LA FOI, voir Foi.

ANANIE ou AGNANY (d’i Jean, du nom de l’ancienne ville du Latium et des États pontificaux où il naquit vers la seconde moitié du XIVe siècle, suivit d’abord les cours de Florianus à Santo Pedro et professa le droit civil et canonique à Bologne, où il fut fait archidiacre. On estime surtout ses Commentaires sur le Ve livre des Décrétâtes et un volume de Considtations. Depuis sa mort, arrivée en 1458, dans une extrême vieillesse, on a édité, sous son nom, un traité sur les droits féodaux, De revocatione feudi alienati, in-4°, Lyon, 1546, ainsi qu’une dissertation sur la magie et la nature des démons : De magia et maleficiis, in-4 », Lyon, 1669. Jurisconsulte d’une grande érudition, Jean d’Ananie était aussi doué d’une éminente piété.

Feller, Biographie universelle, Paris, 1845, t. i, p. 199 ; Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne, t. ii, p. 87 ; Glaire, Dictionnaire des sciences ecclésiastiques, Paris, 1868, t. i, p. 94.

C. Toussaint.

ANARCHIE ou ANARCHISME. — I. Définition et doctrine. II. Anarchie et collectivisme. III. Histoire du parti anarchiste en France. IV. Organisation. V. Critique.

I. Définition et doctrine.

^Définition. — L’anarchie peut se définir : une organisation de la société sans aucune autorité religieuse, familiale, ou politique, où règne l’indépendance absolue de l’individu. La doc I. — 37