Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/605

Cette page n’a pas encore été corrigée

1151

ANALOGIE

1152

lation faite par le Seigneur peut seule nous faire connaître.

/L dans la révélation des MrsTÈREs. — 1. La révélation ne nous donne pas l’intuition des réalités mystérieuses, elle ne nous montre ni la sainte Trinité, ni la grâce, ni les opérations gratuites divines nous conduisant à notre fin surnaturelle ; elle est simplement le témoignage de Dieu affirmant la vérité des mystères.

2. D’autre part cependant, quand Dieu nous révèle les mêmes mystères, il nous en dévoile la vérité, au moins en partie. Il nous les expose d’une manière en quelque sorte intelligible. Si les mystères étaient totalement inintelligibles, la révélation et les dogmes ne seraient que des sons, des séries de mots sans signification ni portée. Les formules révélatrices ont donc un sens, elles sont intelligibles.

3. Suivant saint Thomas, « Dieu pourvoit à toutes choses selon les convenances de leur nature. Or, il est naturel à l’homme de passer par les choses sensibles pour arriver aux choses intelligibles. Aussi dans la Sainte Écriture (ajoutons : « dans toute révélation divine >y les choses spirituelles nous sont exprimées, comme ii convient, sous des métaphores tirées des choses corporelles. » Sum. theoh, I a, q. i, a. 9. D’après ce principe, Dieu a recours à des analogies, à des métaphores, dit l’Ange de l’école, c’est-à-dire à des analogies de proportion pour nous révéler les mystères cachés en lui. C’était déjà la doctrine de l’Aréopagite quand il écrivait : « Il est impossible au rayon divin de nous apparaître autrement qu’enveloppé sous la variété des voiles sacrés. » Hier, csel., c. ii, P. G., t. iii, col. 391. Cf. Ollé-Laprune, La philosophie et le temps présent, Paris, 1894, 2e édit., c. XI.

Il y a à cela une nécessité et une utilité : une nécessité venant, d’une part, de la disproportion entre notre intelligence et les mystères, qui oblige à voiler ceux-ci pour les proportionner à notre capacité ; et d’autre part, de notre mode de connaissance qui exige des analogies tirées surtout du monde corporel ; une utilité, puisque ces analogies sensibles protègent la vérité des mystères contre les profanations et les moqueries des infidèles ; stimulent la curiosité et provoquent les recherches des chrétiens ; enfin montrent mieux, par leur grossièreté même, la transcendance des réalités surnaturelles. Cf. Sum. theol., ibid., ad l um, 2um et 3 U’".

m. APflES LA RÉVÉLATION DES MYSTÈRES. — C’est à Ce

moment surtout que l’analogie est utile pour le développement des vérités révélées.

Ac ratio quidem fide illustrata, cura sedulo, pie et sobrie quærit aliquam, Deo dante, mysteriorum intelligentiam eamque fructuosis&imam assrquitur, tum ex eorum. quw naturaliter cognoscit analogia, tume mysteriorum ipsorum nexii inter se et cum fine hominis ultimo. (Const. Dei Filius, c. iv.)

Lorsque la raison éclairée par la foi cherche avec soin, piété, réserve, elle acquiert, il est vrai, par le don de Dieu, quelque intelligence très fructueuse des mystères, tant par l’analogie des clioses qu’elle connaît naturellement, que par le rapport des mystères entre eux et avec la fin dernière de l’homme. (Const. Dei Filius, c. iv.)

Ces paroles du concile du Vatican nous indiquent ce que peut l’analogie et à quelles conditions, grâce à elle et à Dieu, on acquiert quelque intelligence très Iructueuse des mystères.

Ce que peut l’analogie.

1. Les mystères étant révélés, il devient possible de les comparer avec les choses et les vérités de l’ordre naturel. Nous soin mes invités à faire cette comparaison par la parole divine elle-même qui, dans la proposition des vérités révélées ou dans l’inspiration des saintes Ecritures, s’est servi de semblables comparaisons, par exemple, la métaphore de la pierre, des clefs ou des liens pour’expliquer le pouvoir accordé à saint Pierre et à l’Église. Mutth., xvi, 18,

19. Nous sommes guidés par la tradition des Pères qui se sont servis de pareilles analogies afin d’éclairer les mystères. Ainsi saint Augustin emprunte à la psychologie des comparaisons devenues classiques au sujet de la sainte Trinité. Par l’usage de ces comparaisons, les formules dogmatiques reçoivent une certaine lumière, leur contenu se précise, leurs applications se multiplient, leurs liens mutuels apparaissent plus étroits et plus nombreux. — 2. A l’analogie qui éclaire les dogmes par des vérités et des symboles de l’ordre rationnel ou sensible et que l’on peut appeler analogie naturelle ou de raison, il faut joindre celle qui résulte du rapprochement de deux mystères et les fait se confirmer mutuellement. Ainsi le mystère de l’Incarnation confirme et prouve celui de la Trinité. Cet autre procédé s’appelle analogie surnaturelle ou de foi. C’est moins proprement une analogie qu’une méthode basée sur la dépendance des mystères entre eux, ce que le concile du Vatican, loc. cit., appelle justement mysteriorum ipsorum nexus inter se. Pour être complet, citons encore Vanalogia Scripturse sacrée qui consiste à rapprocher les divers textes de la sainte Écriture qui concernent un même point de doctrine et à expliquer les textes obscurs ou douteux par les textes clairs et certains. — 3. L’analogie de raison est et restera toujours une simple comparaison, elle ne pourra jamais amener l’esprit à la vue directe et immédiate des mystères auxquels elle s’applique. Aussi le concile affirme-t-il que par elle on arrive seulement à une certaine, aliquam, intelligence des vérités révélées. Il ajoute :

Nunquam tamen (ratio) idonea redditur ad ea (mysteria) perspicienda instar veritatum quae proprium ipsius objectum constituunt. Divina enim mysteria suapte natura intellectum creatum sic excedunt ut, etiam revelatione tradita et fide suscepta, ipsius tamen fidei velamine contecta et quadam quasi caligine obvoluta maneant, quamdiu in hac mortali vita peregrinamur a Domino : per (idem enim amhulamus et non per speciem. (Ibid.)

Jamais elle (la raison) n’est rendue capable de les pénétrer (les mystères) comme les vérités qui constituent son objet propre. En elïet, par leur nature, les divins mystères dépassent tellement l’entendement créé qu’après avoir été communiqués parla révélation et reçus par la fui, ils restent néanmoins couverts du voile de la loi ellemême et enveloppés comme d’une sorte de nuage, tant que nous parcourons, loin de Dieu, le chemin de cette vie mortelle ; car nous marchons guidés par la foi et non par la claire vue. (Ibid.)

Nous ne pouvons donc pas, et pour les raisons apportées plus haut, démontrer les mystères même révélés, parce que la révélation ne change rien au champ de l’analogie sur laquelle il faudrait s’appuyer et dont nous avons montré les limites. Voir les articles Raison, Foi.

Conditions de recherche de l’analogie.

Le concile veut que l’on procède, dans la recherche des analogies, avec -soin, avec piété et avec réserve, sedulo, pic, sobrie.

1. Sedulo, avec soin. Ce soin doit porter sur le choix des analogies que l’on ne peut prendre au hasard d’une imagination féconde, mais qu’il faut demander à l’Écriture sainte et à la tradition. Un certain nombre d’analogies ont été révélées par Dieu, comme celle de la paternité et de la filiation quand il s’agit des deux premières personnes de la sainte Trinité. Ce sont donc des analogies obligées. En outre, choisir de préférence, après celles-là, celles que les saints Livres nous suggèrent ou que les saints Pères ont introduites dans le langage ecclésiastique. — Le choix fait, le soin exigé par le concile doit porter encore sur Y analyse par laquelle on décompose les éléments logiques du mystère et ceux du symbole, pour préciser, parmi ces éléments, Ceux qui sont semblables et ceux qui sont dissemblables.

2. l’ii’, avec piété. Le travail théologique est un travail surnaturel ; il faut la grâce pour trouver les analo-