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ANALOGIE

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existe une dissemblance ; les termes suréminents expriment proprement l’analogie en indiquant à la fois et la ressemblance et la nature de la dissemblance. C’est ainsi que l’Aréopagite dit que Dieu est lumière et cause de lumière et montre la ressemblance entre la lumière créée intellectuelle et Dieu, cf. De div. nom., c. I, § 6, P. G., t. iii, col. 595 ; Hier, csel., c. iii, § 2, P. G., t. iii, col. 166 ; c. iiv § 2, P. G., t. iii, col. 207 ; c. iixi § 3, P. G., t. iii, col. 299 ; qu’il l’appelle ensuite ténèbres et enveloppé d’une lumière profonde, pour marquer que la lumière divine est tout autre que la lumière créée, cf. Theol. mystica, c. I, P. G., t. III, col. 998 ; c. iv, P. G., t. iii, col. 1039 ; c. v, P. G., t. iii, col. 1046 ; Baltbasar Corderius, Onomaslicum Dionysianum, P. G., t. iii, col. 1160, v° xpvsiov ; enfin qu’il parle de ses splendeurs tellement brillantes qu’elles ne peuvent être saisies par notre regard et sont pour nous comme une nuit par leur excès même. Cf. De div. nom., c. i, § 1, 4, P. G., t. iii, col. 586, 590 ; c. ii, § 3, 8, P. G., t. iii, col. 639, 646 ; c. iiv § 1, P. G., t. iii, col. 866 ; Theol. mystica, c. i, P. G., t. iii, col. 998 ; c. ii, P. G., t. iii, col. 1026 ; Chollet, Theologica lucis theoria, Lille, 1893, n. 313 sq. — Quoique ces trois procédés s’appellent et s’enveloppent mutuellement, c’est le dernier qui traduit le plus explicitement l’analogie des créatures et de Dieu.

3. La manière de parler analogiquement de Dieu au moyen des termes affirmatifs, négatifs ou suréminents, s’emploie particulièrement pour accorder à Dieu les perfections simples et appartient à l’analogie d’attribution. — Quand il s’agit de rapporter à Dieu les perfections mixtes, ou les perfections simples entendues d’une façon concrète avec les limites et les imperfections qui les accompagnent chez la créature, la théologie a recours à la métaphore, c’est-à-dire à l’analogie de proportion. C’est ainsi qu’elle dit de Dieu qu’il est le soleil de justice, qu’elle l’appelle un lion, qu’elle lui attribue les sentiments et les activités de l’homme. Voir l’article Anthropomorphisme.

//L de l’analogie logique. — 1. Que, pour éclairer les théories théologiques ou les dogmes, on puisse recourir à des comparaisons et établir des rapprochements entre Dieu et sa créature, c’est une chose évidente. NotreSeigneur lui-même l’a fait quand il compare, Matth., xxiii, 37, sa sollicitude pour Jérusalem au soin qu’a la poule de rassembler ses poussins sous ses ailes.

2. Mais les arguments par lesquels la théologie prouve l’existence et les perfections divines n’appartiennent nullement à la catégorie des hypothèses basées sur les analogies créées par de tels rapprochements. Ils suivent, au contraire, la méthode rigoureuse de déduction décrite plus haut.

L’esprit humain constate certaines qualités des créatures. L’étude de leur manière d’être contingente, mobile et finie, prouve qu’elles ne sont pas chez ces créatures dans toute leur plénitude, qu’elles n’y ont pas leur source, qu’elles y sont données ; la raison remonte alors plus haut et découvre une nature où ces qualités sont pleinement et originellement. Cette méthode aboutit donc à la démonstration d’un être de nature supérieure et analogue, de Dieu. Elle n’engendre pas la probabilité, mais la certitude. Son caractère analogique a été affirmé par la Sagesse, xiii, 5 : « Au moyen de la grandeur et de la beauté des créatures on peut connaître par analogie, àva>.<5Y<<K> celui qui en est le créateur. » Cf. Léon XIII, Encyclique JElerni Patris, & août 1879, dans SS. D. N. Leonis Papse XIII, allocutiones, epistolæ, constitutiones aliaque acta præcipua, édit. Desclée, Lille, 1887, t. i, p. 91, 92.

III. Rôle de l’analogie dans la connaissance des mystères. — Ce rôle est parfaitement décrit par le concile du Vatican. Constit. Dei Filins, c. iv. Nous ne ferons guère qu’en gloser le texte. Nous distinguerons

trois temps par rapport à la connaissance d’un mystère et nous déterminerons : les impuissances de l’analogie avant que les mystères ne soient révélés ; sa nécessité dans la révélation même ; ses diverses utilités après la révélation.

L AVANT LA RÉVÉLATION DES Ml’STEnES.

Perpetuus Ecclesiae catholicae consensus tenuit et tenet, duplicem esse ordinera cognitionis, non solum principio, sed objecto etiam distinctum : principio quidem, quia in altero naturali ratione, in altero fide divina cognoscimus ; objecto autem, quia prseter ea ad quae naturalis ratio pertingere potest, credenda nobis proponuntiir mysteria, in Deo abscondita, quæ nisi revelata divinitus innotescerenon possunt. (Const. Dei Filius, c. iv.)

Si quis dixerit in revclatione divina nulla vera et proprie dicta mysteria contineri, sed universa fidei dogmata posse per rationem rite excultame naturalibus principiis intelligi et demonstiari ; anathema sit. (Ibid., can. 1.)

L’Eglise catliolique s’est toujours accordée à admeltre et elle tient qu’il y a deux ordres de connaissance distincts, non seulement par leur principe, mais encore par leur objet ; par leur principe, parce que nous connaissons dans l’un, au moyen de la raison naturelle, dans l’autre, au moyen de la fui divine ; par leur objet, parce que, outre les vérités auxquelles la raison naturelle peut atteindre, l’Église propose à notre foi des mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus que par révélation divine. (Const. Dei Filius, c. IV.)

Anathème à qui dirait que la révélation divine ne renferme à proprement parler aucun mystère véritable, mais qu’une raison convenablement cultivée peut, par ses principes naturels, comprendre et démontrer tous les motifs de la foi. (Ibid., can. 1.)

Ces paroles du concile rejettent tout raisonnement par analogie qui prétendrait démontrer, avec les seules lumières naturelles, et avant leur révélation, les mystères (voir ce mot) cachés en Dieu. Nous avons dit, en effet, que l’analogie procède ou par une induction basée sur une comparaison, ou par une déduction portant sur des objets entre lesquels existe une analogie d’attribution. Or, aucun de ces procédés ne peut être employé efficacement au sujet des mystères non encore révélés. — 1. On ne peut démontrer ceux-ci par une comparaison, car il s’agit de les découvrir ; or, une comparaison suppose des choses déjà découvertes et connues au moins partiellement. — 2. L’autre procédé n’est pas plus efficace. Il se fonde sur l’analogie ou la ressemblances des natures créées ou possibles avec Dieu. Il ne peut donc pas déborder le champ de cette ressemblance. Or, celle-ci enveloppe, d’un côté, les natures finies seules avec leurs qualités, actions ou perfections connaturelles et, d’un autre côté, la nature divine seule, l’Unité et non pas la Trinité, puisque en vertu du principe qui veut qu’en Dieu toutes choses soient communes sauf l’opposition de relation : in Deo omnia sunt communia ubi non obviât relationis oppositio, cf. Denzinger, Enchiridian, Wurzbourg, 1874, n. 227, 598, les opérations de Dieu concernant les natures finies, création, conservation, providence, concours, etc., sont communes aux trois personnes et doivent être rapportées à la nature divine. — Un raisonnement basé sur cette ressemblance donnera donc des résultats pour la connaissance de l’ordre naturel créé et de la nature divine ; mais il ne saurait avoir aucune portée sur le surnaturel qui dépasse le naturel, ni sur la Trinité ; il ne saurait par suite atteindre les mystères qui ont précisément pour objet la sainte Trinité ou des faits et des réalités de l’ordre surnaturel. — Les Pères du concile du Vatican les appellent « des mystères cachés en Dieu ». Cela est manifeste pour le mystère de la sainte Trinité ; cela est certain aussi pour les mystères qui concernent les réalités de la grâce ou les faits de l’ordre surnaturel, parce qu’ils dépendent de la volonté gratuite et infiniment libre de Dieu, c’està-dire d’une détermination cachée en Dieu, qu’une rêve-