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ANALOGIE — 1143

. L’analogie, sous le rapport des perfeclions simples, consiste en ce que celles-ci sont en Dieu et dans les cr.’atures d’une manière propre et formelle, formaliter, mais sont de plus en Dieu d’une manière éminente, eminenter. L’intelligence, par exemple, appartient proprement, formaliter, à Dieu, à l’ange et à l’homme ; suivant sa nature et sa définition, elle peut être attribuée à Dieu, à l’ange et à l’homme. Mais elle est en Dieu dans la plénitude de sa force et de sa lumière ; elle n’est pleinement ni dans l’ange, ni dans l’homme. Elle est, eminenter, éminemment en Dieu. L’analogie entre l’intelligence divine et l’intelligence créée repose sur ce mode éminent d’être en Dieu, et qui consiste en ce que les perfections simples à) sont en Dieu dans leur plénitude ; b) sont possédées par tout Dieu ; c) sont identiques à la substance divine et par conséquent cl) ne représentent pas des réalités différentes. Dieu possède l’intelligence dans sa mesure infinie. Tout Dieu est intelligent. Sa substance s’identifie avec l’intelligence, d’où il suit que Dieu n’a pas seulement l’intelligence, mais est intelligence, et cette qualité se fond dans la substance divine avec toutes les autres. La même substance, qui est intelligence, est à la fois bonté, puissance et justice. Au contraire, l’infériorité des perfections créées se traduit parce que a) elles sont chez les créatures dans une mesure finie ; b) elles ne sont pas confondues avec la substance, mais ajoutées à elle ; c) elles ne représentent qu’un élément et non la totalité de ces créatures ; cl) elles sont réellement distinctes entre elles. L’intelligence de l’homme est bornée ; elle est une faculté différente de l’essence et surajoutée à celle-ci. Aussi, l’on dit de l’homme qu’il est intelligent, qu’il a de l’intelligence et non pas qu’il est intelligence. Son intelligence se distingue de sa liberté et des autres qualités et, par conséquent, n’est qu’une portion du tout qui constitue la personne humaine.

5. Nous avons jusqu’ici considéré les perfections simples d’une manière absolue et abstraite et indépendamment de leurs sujets, par exemple l’intelligence, la puissance ; si, maintenant, nous les envisageons sous leur aspect relatif et concret, c’est-à-dire dans leurs sujets et en tant qu’elles sont les perfections de Dieu ou les perfections des créatures, par exemple l’intelligence de Dieu, l’intelligence de l’ange ; nous verrons l’analogie se compléter. Car a) les perfeclions de Dieu sont en lui d’une manière primitive et originelle et dans les créatures d’une manière participée, participative ; b) les perfections de la créature sont en celle-ci d’une manière propre et formelle et en Dieu d’une manière virtuelle, virtualitcr, c’est-à-dire qu’elles sont renfermées dans la vertu de sa toute-puissance qui les a créées ; et d’une façon équivalente, equivalenter, c’est-à-dire que Dieu possède dans ses perfeclions l’équivalent et au delà des perfections de la créature.

6. Pour les perfeclions mixtes, l’analogie consiste en ce qu’elles sont dans les créatures d’une manière propre et formelle, formaliter, mais non en Dieu où elles ne sont que d’une manière éminente, eminenter, et équivalente, equivalenter. Par exemple, la raison existe d’une manière formelle et proprement chez l’homme qui la possède avec ses qualités et ses défauts. Mais on ne saurait la trouver ainsi en Dieu où l’imperfection n’a pas d’accès. On ne rencontre donc en Dieu que les qualités et les avantages de la raison, c’est-à-dire la vue des elfets dans leurs causes, des conclusions dans leurs principes, des vérités particulières dans les vérités générales. On les y trouve même d’une façon supérieure et éminente, ainsi qu’il a été dit au sujet des perfections simples.

7. L’analogie qui existe entre Dieu et les créatures ne les range cependant pas dans un rang commun ou dans une même espèce. Dieu est au-dessus de tout genre et de toute espèce. Mais cette analogie est à la fois le

fondement et le but de l’ordre éternel qui relie toutes choses entre elles et avec Dieu. Elle en est le fondement parce que, pour appartenir à un même ordre, il faut avoir une certaine communauté d’être, laquelle ici est fournie par l’analogie des choses avec Dieu. Elle en est le but parce que toutes choses tendent, en se perfectionnant, à agrandir et à compléter leur ressemblance ou leur analogie avec Dieu. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. iv, a. 3, in corpore et ad 3um et 4um ; Ern. Dubois, C. SS. R., De exemplarismo divino, c. iiv Rome, 1898.

8. Quoique toutes choses aient une certaine ressemblance avec Dieu et en soient pour cela appelées les vestiges (voir ce mot), cependant l’analogie est plus frappante et plus entière dans les créatures raisonnables qui sont, à cause de cela, désignées sous le nom d’images (voir ce mot) de Dieu. Réalisée à un degré supérieur dans les anges, S. Thomas, Sum. theol-, I a, q. iixci a. 3, cette analogie réside aussi dans l’âme de l’homme, ibid., a. 6, spécialement dans ses actes de connaissance et d’amour, ibid., a. 7, et plus spécialement encore dans ceux de ses actes qui ont Dieu pour objet. Ibid., a. 8.

/L DE l’analogie intentionnelle et guammaticale. — 1. Quand nous pensons à la divinité ou quand nous parlons d’elle, l’analogie affecte nos concepts et nos paroles. Nous n’avons qu’un concept objectif de l’être, mais nous l’appliquons différemment à Dieu et à la substance ; nous indiquons d’un seul et même mot la perfection de Dieu et celle du saint, mais ce mot de perfection n’a pas la même portée dans les deux cas. — A. Celte double analogie de pensée et de langage est fondée sur le mode de notre connaissance. L’esprit humain a. pour objet propre et direct l’essence des choses matérielles. C’est de là que, par abstraction, il tire ses concepts. Quand il lui faut se représenter l’essence des choses spirituelles, quand surtout il doit passer du fini à l’infini, il doit toujours se servir des concepts tirés des choses corporelles, les épurer, les adapter à ces objets nouveaux. Ce sont donc mêmes concepts qui servent à la représentation des divers ordres, du corporel, du spirituel, de l’infini, mais avec des applications, ou, suivant le langage scolastique, des prédications différentes. Cette identité des concepts, jointe à la variété de leurs applications, constitue l’analogie intentionnelle de notre connaissance de la divinité. — R. Les mots suivent la même voie. Us servent d’abord à exprimer les idées de natures corporelles, ils sont ensuite tournés à la signification des choses spirituelles et particulièrement des choses divines. Le mot « esprit », spiritus, a signifié d’abord le souffle de l’air, puis à cause des analogies existant entre la légèreté de l’air et l’immatérialité de l’âme et de Dieu, il a servi à désigner ces deux êtres et l’on a dit : L’âme est esprit, Dieu est esprit. — C. L’analogie des concepts et des mots suit donc un processus opposé’à celui de l’analogie des choses. Dans celle-ci les perfections appartiennent d’abord et originellement à Dieu et de lui dérivent vers les natures créées ; dans celle-là, au contraire, les concepts et les noms sont d’abord les signes des natures créées et ne se rapportent aux réalités divines qu’en dernier lieu. L’une va de Dieu aux créatures et celles-ci sont dites analogues à Dieu ; l’autre va de la connaissance des créatures à la connaissance de Dieu et c’est celle-ci qui est dite analogue à celle-là.

2. L’analogie de nos concepts et de notre langage relativement à Dieu exige l’emploi en théologie des termes af/irmatifs, des termes négatifs et des termes suréminents. Voir article EmiNENCE. L’analogie élant une ressemblance mêlée de dissemblance, les termes affirmatifs signifient la ressemblance entre les créatures et Dieu, les termes négatifs, en disant que Dieu n’est pas comme nous concevons les créatures, montrent par là même que la ressemblance n’est pas totale et qu’il