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ANALOGIE

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signe d’un même nom des choses qui n’ont entre elles qu’un lien de dépendance extrinsèque.

3° La troisième analogie dans les termes est celle de proportion. Elle donne un même nom à des choses entièrement différentes, mais entre lesquelles un rapprochement fait par l’esprit a révélé analogie de qualité ou de rapports. Elle correspond à la troisième analogie ontologique. Ainsi, je parlerai de la lumière du soleil et de la lumière de l’esprit. Dans le second cas le mot « lumière » est pris par analogie de proportion. — A cette analogie se rapporte la figure de rhétorique appelée métaphore, « par laquelle on transporte la signilication propre d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison sous-entendue. » Bachelet et Dezobry, Dictionnaire des lettres, des beauxarts et des sciences morales et politiques, art. Métaphore, Paris, 1886.

//L de l’analogie dans le raisonnement. — L’analogie des choses ne se traduit pas seulement par des figures dans le langage, elle est encore la source de plusieurs sortes de raisonnements, analogie logique. L’analogie peut intéresser le raisonnement de deux manières : tantôt elle en est la base et le point de départ : tantôt elle en est la conclusion et le point d’arrivée.

1° Comme base de raisonnement, l’analogie ou bien éclaire sans prouver, ou bien est une preuve probable, ou bien aboutit à une démonstration certaine. — Elle éclaire sans prouver quand elle est un simple rapprochement employé dans le discours pour en mieux faire comprendre les principes ou les conclusions. Dans ce cas, l’analogie est une pure comparaison, et sa valeur démonstrative est donnée par ce proverbe : « Les comparaisons ne sont pas des raisons. » Ainsi le psalmiste dit que « la vie de l’homme passe comme l’herbe, et qu’il fleurit comme une fleur de la campagne ». Ps. en, 15. — D’autres fois, l’analogie est une preuve probable. L’esprit compare plusieurs objets, rapproche plusieurs faits ou plusieurs dogmes, et découvrant entre eux de l’analogie sur un ou plusieurs points, suppose qu’ils ont aussi de la ressemblance sur d’autres points. Ce raisonnement est donc basé sur une analogie, il aboutit à une hypothèse et jusque-là n’a que la probabilité propre aux hypothèses. — Enfin, dans les sciences naturelles, l’expérience permet quelquefois de vérifier l’hypothèse et d’arriver à la certitude, ainsi qu’à la constatation de l’identité des choses qui avaient d’abord paru simplement analogues. — Tels sont les trois degrés du raisonnement par analogie : dans le premier, l’on compare ; dans le second, l’on compare et l’on suppose ; dans le troisième, on compare, on suppose, on contrôle. — C’est par un procédé semblable que Watt comparant le soulèvement du couvercle d’une bouilloire par la vapeur, avec le soulèvement d’un poids quelconque par une force motrice quelconque, découvre une analogie entre ces deux faits et suppose l’analogie de la vapeur avec les autres forces motrices ; que Franklin, comparant les effets de l’étincelle électrique avec ceux de la foudre, les trouve analogues et suppose l’identité de la foudre et de l’électricité ; que Newton, comparant la chute d’une pomme à terre avec le mouvement des planètes, découvre entre eux une analogie et suppose l’identité entre la gravitation et la pesanteur. Cf. Rabier, Logique, c. xiii, Paris, 1888, p. 244, 245. — Cette méthode d’argumentation est induclive et fondée sur l’analogie de proportion.

2° La seconde méthode est déductive et s’exerce sur des objets reliés entre eux par l’analogie d’attribution. — On conçoit qu’une telle méthode soit possible, car l’analogie d’attribution affirmant un lien réel de dépendance ou une communauté de propriétés entre ses termes, offre un moyen apte à conduire le raisonnement d’un terme à un autre. Il y a un lien de dépen dance entre l’accident et la substance, tous deux participent réellement à l’être, quoique à des degrés divers ; je pourrai donc, par le raisonnement, aller de l’accident à la substance, démontrer l’existence et décrire la nature de celle-ci par l’existence et par la nature de celuilà. Ce raisonnement, qui a l’accident pour point de départ, aboutit à la connaissance analogique de la substance et à la démonstration même de l’analogie qui existe entre elle et l’accident.

II. L’analogie en théodicée. — On retrouve en théodicée les trois étapes de l’analogie : elle est dans les choses, elle est dans le langage intérieur ou extérieur et dans les raisonnements :

L de l’analogie ontologique en théodicée. — Cf. S.Thomas, Sum. theol., I a, q. IV, a. 3 ; Cont. gent., 1. I, c. xxix ; 1. II, c. il ; De pot., q. iiv a. 7 ; Heinrich, Dogm. theol, § 166, Mayence, 1879, t. iii, p. 386 ; Conc. Lateranense, iv, c. ii dans Hardouin, Acta conc, t. iiv col. 19.

1. Dieu étant infini et finies les créatures, l’Écriture sainte, Is., XL, 18 ; Ps. lxxxii, 2, et la tradition affirment parfois, à cause de l’abîme qui sépare le fini de l’infini, qu’il ne peut y avoir aucune ressemblance entre Dieu et la nature créée. Et, en réalité, la créature ne saurait être semblable au créateur, ni à la manière dont deux degrés divers de chaleur se ressemblent, ni à la manière dont se ressemblent deux natures appartenant à la même espèce, au même genre ou encore à la même catégorie. Dieu est une nature transcendante en dehors et au-dessus de tout genre.

2. Cette transcendance n’exclut cependant pas tout rapport ni toute ressemblance entre Dieu et sa créature. Il y a une certaine analogie entre eux. L’Écriture sainte l’affirme, Gen., i, 26 ; Act., xvii, 28, 29 ; I Joa., iii, 2 ; et saint Thomas en voit le principe dans le fait de causalité qui relie Dieu aux créatures. Sum. theol., I a, q. xiii, a. 5. Toute cause produit un. effet semblable à elle : le tirant de sa puissance et de son être, elle y imprime toujours sa ressemblance et aucune cause n’est équivoque, c’est-à-dire totalement différente de son effet. Parfois la cause engendre un effet de même nature qu’elle, ainsi le chien engendre le chien ; c’est la cause univoque. Quand Dieu crée les choses finies, il y met sa ressemblance comme toute cause, mais non pas sa ressemblance totale, car l’infini doit être un et les effets de Dieu sont nécessairement finis ; il est donc cause analogue du monde. Agens universale, licet non sit univocum, non lamen est omnino œquivocum, quia sic non faceret sibi simile ; sed potest dici agens analogicum. Sum. theol., ibid., ad l um. L’analogie qui existe entre Dieu et sa créature est une analogie ontologique de premier degré, puisqu’elle est basée sur la possession inégale des mêmes qualités. Dieu qui possède ces qualités d’une façon infinie et qui en est le principe, est le primum analogatum, les créatures sont des secundaria analogata.

3. Pour fixer l’étendue de cette analogie, les théologiens distinguent des perfections simples et des perfections mixtes. Celles-là sont les perfections dont le concept n’enveloppe rien d’imparfait, quoique, dans la réalité, elles n’existent jamais chez les créatures sans quelque défaut : comme la sagesse, l’intelligence, la bonté. Les perfections mixtes sont celles dont le concept enveloppe quelque imperfection, comme la raison, qui, par définition, est le pouvoir d’atteindre des vérités nouvelles en s’appuyant sur des principes connus. Une telle faculté suppose l’ignorance préalable des vérités à découvrir, un travail de recherche et un certain mouvement intellectuel des prémisses à la conclusion : autant d’imperfections mêlées à la perfection des connaissances possédées par le raisonnement. L’analogie entre Dieu et les créatures n’est pas la même pour ces deux genres de perfections.