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ANALOGIE


I. Nature de l’analogie. — L’analogie parcourt trois étapes successives : elle est d’abord dans les choses ; l’esprit la met ensuite dans ses concepts et particulièrement dans les termes qui les expriment ; enfin elle apparaît encore dans le raisonnement.

i. de l’analogie dans les choses. — Cette analogie (analogie ontologique ou réelle) est la base de toutes les autres qui ne sont guère que sa traduction et son application dans le langage ou son utilisation par la raison. Elle se présente dans les choses sous plusieurs aspects et à des degrés divers.

1° Le premier degré est celui des choses qui présentent de l’analogie entre elles parce qu’elles participent dans une mesure inégale à une même propriété. La vie, par exemple, existe en Dieu où elle atteint son développement absolu ; au-dessous, on la retrouve d’une façon immatérielle chez l’ange, d’une façon organique chez la plante ; plus bas encore, elle se manifeste avec un mode accidentel dans les facultés et les actes de l’ange ou de la plante. La vie est donc en Dieu, dans l’ange, dans ses facultés et dans ses actes, dans la plante, ses organes et leurs fonctions ; il y a ressemblance réelle entre tous ces vivants ; mais il y a dissemblance aussi, puisque la mesure de vie qu’ils possèdent est inégale : infinie en Dieu, substantielle dans la plante et dans l’ange, accidentelle dans leurs puissances et leurs actes, organique dans les opérations, les facultés et la nature de la plante, inorganique et spirituelle dans les pensées et vouloirs, les facultés et la nature de l’ange. Il y a donc analogie réelle entre toutes ces vies. La vie divine est appelée « premier analogue », primum analogatum, par rapport aux vies finies, substantielles ou accidentelles, qui sont les « analogues secondaires », secunda, secundaria analogata. Par rapport à la vie accidentelle de leurs facultés ou de leurs opérations (secunda analogata), la vie substantielle de l’ange ou de la plante est primum analogatum. A ce premier degré, la qualité, par exemple la vie, qui est le principe de l’analogie, se rencontre dans tous les analogues, soit premiers, soit seconds ; elle est une de leurs propriétés.

2° Le deuxième degré est celui des choses qui présentent de l’analogie entre elles à cause d’une qualité que l’une possède en propre et avec laquelle les autres soutiennent un rapport extérieur de causalité, de condition, de signe, etc. Par exemple, la santé est possédée par l’animal, est reconstituée par le remède et dépend de l’atmosphère. A cause de ces rapports, on dira de l’animal qu’il est sain parce qu’il possède la santé ; de l’air pur qu’il est sain parce qu’il est une condition de santé ; du remède qu’il est sain parce qu’il rend la santé. Cette analogie diffère de la précédente parce que le remède et l’atmosphère ne possèdent pas la santé, môme d’une façon rudimentaire, mais la causent ou la conditionnent, c’est-à-dire n’ont avec elles qu’un lien extrinsèque. Ce lien externe est le fondement réel de l’analogie du langage plutôt qu’il n’établit une véritable analogie ou ressemblance entre l’animal, le remède ou l’atmosphère.

3° Au troisième degré l’analogie n’apparaît entre les choses qu’à la suite d’un rapprochement fait par l’esprit. Étant donné des choses absolument indépendantes et appartenant à des genres fort divers, l’esprit peut les comparer et faire ressortir entre elles une ressemblance basée sur la communauté de certaines propriétés ou de certains rapports. Par exemple, llérode et le renard sont deux êtres fort divers et étrangers l’un à l’autre. L’esprit peut cependant les rapprocher, comparer l’astuce d’ilérode à l’habileté du renard et donner à celui-là le nom de celui-ci. » Dites à ce renard, » s’écrie Notre-Seigneur en parlant d’IIérode. Luc, Xlll, 32. C’est une analogie de propriété révélée par le rapprochement de l’esprit. Entre l’Église romaine et une mère, il n’y a à première vue aucune ressemblance et cependant si on considère,

d’une part, les rapports de l’Église romaine avec les autres Églises et, d’autre part, les rapports d’une mère avec ses filles, on trouve une analogie entre ces différentes relations et l’on dit de l’Église romaine qu’elle est la mère des autres Églises. C’est une analogie de rapport découverte par la comparaison intellectuelle. Cette dernière analogie diffère de celle de second degré en ce que celle-ci suppose diversité de rapports à un même terme : l’animal, le remède et l’atmosphère soutiennent des rapports différents à un même terme qui est la santé. Celle-là, au contraire, suppose identité de rapports entre des termes divers : rapport de filiation entre les Églises et Rome, d’une part, entre l’enfant et sa mère, d’autre part. Observons enfin que l’analogie de troisième degré, si elle est fondée en réalité, a besoin cependant, pour apparaître et pour être, d’un rapprochement fait par l’esprit. C’est donc de celui-ci que finalement procède l’analogie. Avant le rapprochement, llérode et le renard, l’Eglise et une mère semblent entièrement étrangers et divers.

/ ; . de l’analogie dans les termes. — L’analogie dans les termes, analogie grammaticale, consiste à désigner par le même mot des choses diverses entre lesquelles il y a analogie réelle. Le terme analogue est donc un même mot employé dans des sens en partie semblables et en partie dill’érents : le pied de l’homme, le pied de la montagne. — Il diffère du terme univoque qui est un même mot employé plusieurs fois dans un même sens : Pierre est homme, Paul est homme ; et du terme équivoque, qui est un même mol employé dans des sens totalement différents : le taureau est un animal, le Taureau est une constellation. — Il y a dans les termes trois analogies correspondant aux trois degrés d’analogie dans les choses.

1° La première est l’analogie d’attribution intrinsèque. Elle consiste à désigner d’un même nom tiré de la qualité commune les réalités dans lesquelles cette qualité se rencontre à des degrés divers. Cette analogie correspond à la première analogie ontologique, dont elle est l’application au langage. Ainsi je dirai de Dieu, de l’ange, de la plante, de leurs facultés, de leurs actes, qu’ils sont vivants. Le mot vivant sera analogue par analogie d’attribution intrinsèque, parce qu’à chacune de ces réalités il attribuera la vie comme une qualité interne. — Cette analogie existe aussi dans les concepts : le concept de la qualité commune est un, mais attribué diversement par l’esprit aux divers sujets auxquels il convient : c’est l’analogie intentionnelle. — On pourrait rapporter à l’analogie d’attribution intrinsèque, la figure de rhétorique appelée synecdoque, qui prend le tout pour la partie, la partie pour le tout, l’espèce pour le genre, le genre pour l’espèce, l’abstrait pour le concret, la matière pour la chose qui en est tirée ; c’est-àdire qui base la communauté de désignation sur une certaine communauté de nature ou de qualité, loute synecdoque est donc une analogie d’attribution intrinsèque. Cependant toute analogie d’attribution intrinsèque n’est pas une synecdoque, car elle n’a pas toujours recours au langage figuré, et elle se sert parfois du langage propre comme dans l’exemple cité où la vie est dite analogiquement, mais proprement, de Dieu, de l’ange, etc.

2° La deuxième analogie dans les termes est celle d’attribution extrinsèque. Elle consiste à désigner diverses réalités par un même mot tiré d’une qualité avec laquelle elles soutiennent un rapport quelconque. Cette analogie a son fondement dans la deuxième analogie ontologique. Ainsi j’appelle sains, l’animal, le remède, l’air. Le mot sain est analogue d’attribution extrinsèque. — On pourrait rapporter à cette analogie, la figure de rhétorique appelée métonymie qui prend la cause pour l’effet, l’effet pour la cause, le signe pour la chose signifiée, le contenant pour le contenu, c’est-à-dire qui dé