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ABJURATION DANS L’EGLISE GRECQUE

L’Église russe en use autrement. Ce n’est pas qu’elle ne compte, elle aussi, bien des variations dans sa manière d’envisager le baptême latin. Au moyen âge, chacun de sesévêques suivait son sentiment personnel : l’un rebaptisait, l’autre se contentait de l’onction du chrême. En 1620, un concile de Moscou ordonne la rebaptisation pour tous les latins ; mais le concile de 1667 rapporte cette mesure. Depuis lors, l’Église russe semble n’avoir plus subi aucune iluctuation. A. v. Maltzew, Anlwort auf die Schrift des hochw. Hcrrn Domcapit. Rohm, in-8°, Berlin, 1896, p. 65. Voici, d’après l’édition de 1895, le rituel en usage chez les Russes pour l’admission des latins.

Après les instructions préliminaires, le néophyte confesse ses péchés, mais sans recevoir l’absolution. Le jour de l’abjuration venu, il se présente à la porte de l’église. Là, il abjure les « erreurs de la foi romaine », procession du Saint-Esprit, suprématie et infaillibilité du pontife romain, inégalité de puissance des autres patriarches, et autres nouveautés postérieures aux sept premiers conciles. Vient ensuite une profession de foi, visiblement imitée de celle que le Saint-Siège, depuis Grégoire XV, impose aux grecs convertis. Elle s’ouvre par la récitation du symbole et se continue par les déclarations suivantes : inviolable fidélité aux canons des sept premiers conciles œcuméniques et des neuf premiers conciles provinciaux, acceptation et explication des saints Livres d’après la tradition orthodoxe, reconnaissance des sept sacrements, lesquels ne sont valides que si on les administre suivant le rituel orthodoxe, négation du purgatoire tout en admettant la légitimité des suffrages pour les âmes des défunts, reconnaissance enfin de Jésus-Christ pour chef unique de l’Église et promesse d’obéissance aux pasteurs légitimes. Le néophyte, après cette profession de foi, est introduit dans l’église et jure, sur les saints Evangiles, qu’il gardera jusqu’à la mort sa nouvelle croyance. Alors le prêtre l’absout solennellement de ses péchés et l’incorpore à l’orthodoxie en lui donnant la sainte communion, précédée de la confirmation, si le néophyte n’a pas encore reçu ce dernier sacrement. Cf. A. v. Maltzew, Die Sacramente, etc., p. 146-164.

VII. Abjuration des arméniens.

L’Église russe emploie, pour l’admission des arméniens dans l’orthodoxie, le même rituel que pour celle des latins ; il n’y a de différence que dans deux questions dogmatiques posées par le célébrant au début de la cérémonie. Au lieu d’abjurer la prétendue erreur des latins sur la procession du Saint-Esprit, l’arménien doit renoncer au monophysisme ou unité de nature en Jésus-Christ. En second lieu, il doit admettre expressément le concile de Chalcédoine, les deuxième et troisième de Constantinople, le deuxième de Nicée, et accepter les définitions dogmatiques et les canons promulgués dans ces quatre assemblées anti-monophysites. Cf. A. v. Maltzew, op. cit., p. 150, 154.

Quant à l’Église de Constantinople, elle ne possède aucun formulaire officiel pour la réception de ces néophytes ; c’est que, en réalité, on voit fort peu d’arméniens passer dans les rangs de l’orthodoxie, en dépit des multiples elforts tentés par le Phanar pour se les attirer. On fut sur le point, vers 1870, d’arriver à un accommodement, et un savant prélat orthodoxe, Grégoire de Chios, exposa les conditions d’union dans un ouvrage du plus haut intérêt, destiné à préparer le pacte définitif : De l’union des arméniens avec l’Église orientale orthodoxe (en grec), in-8°, Constantinople, 1871. Quelques années auparavant, le docte patriarche Constantios avait publié, sous le voile de l’anonyme, un écrit analogue : Mémoire sur la dissidence des arméniens avec l’Église orientale orthodoxe, in-8°, Constantinople, 1850, lequel a été reproduit par Th. Aristoclès, dans son livre : Constantios I er, biographie et opuscules, in-8°, Constantinople, 1866, p. 81-117. Toutefois, aucune de ces tentatives n’amena de résultat général. Les essais du même

genre, provoqués au moyen âge, n avaient pas été plus heureux, malgré le zèle industrieux d’habiles théologiens comme Photius, Nicétas de Byzance, Théorianos, Euthymius Zigavinus, Nicétas Acominatos. Ce dernier nous a conservé au Xe livre de son Trésor de l’orthodoxie, les Analhématismes monophysites d’Anthime, évêque de Trébizonde, etde plusieurs patriarches de Constantinople ; par malheur, ces documents, qui seuls pourraient nous instruire sur le mode d’abjuration imposé alors aux arméniens par l’Église orthodoxe, sont demeurés jusqu’à ce jour absolument inédits. Nous n’en connaissons l’existence que par les précieux sommaires de B. de Montfaucon. Voir P. G., t. cxxxix, col. 1098.

Pour être des plus rares, les conversions d’arméniens à l’orthodoxie ne sont pourtant pas tout à fait inconnues ; l’histoire nous en offre, çà et là, quelques exemples. En pareil cas, l’Église orthodoxe exigeait des néophytes « l’abjuration de leurs hérésies, la profession des dogmes droits, immuables et infaillibles de la foi parfaite et la réception de la confirmation. » Ainsi s’exprimait, en 1760, le patriarche Joannice III, dansunelettre à l’évêquede Præconèse, Ananie. C. Sathas, Bibliothèque médiévale, in-8°, Venise, 1872, t. iii, p. 410 ; M. Gédéon, Constitutions canoniques, t. I, p.’256. On ne doit point renouveler le baptême ; aux yeux des orthodoxes, l’administration de ce sacrement, telle qu’elle est pratiquée chez les arméniens, passe pour légitime. C’est ce que déclarait encore tout récemment, le Il octobre 1888, une décision du saint synode, Théotocas, Législation du pal riacrat, p. 371, annulant une décision antérieure qui prescrivait la réitération du baptême. Ibid., p. 370.

VIII. Abjuration des protestants.

Si les arméniens ne fournissent à l’orthodoxie que de rares prosélytes, il n’en est pas de même des protestants : depuis plus de trois siècles, leurs transfuges ne cessent de grossir les rangs de l’orthodoxie grecque ou russe, et l’accueil qui leur est fait, pour ne pas être toujours très empressé, ne les a jamais découragés. Ce n’est point ici le lieu d’écrire l’histoire des relations intervenues entre les disciples de Luther ou de Calvin et les successeurs de Photius et de Michel Cérulaire ; cette question d’ailleurs a déjà été traitée nombre de fois, et par des écrivains de toute confession, depuis l’apparition de l’important ouvrage de A. Pichler, Geschichte des Protestantismus inderorientalischen Kirche in 17 Jahrhundert, in-8°, Munich, 1862, dont il faut rapprocher la thèse assez médiocre de P. Trivier, Cyrille Lucar, sa vie et son influence, in-8 ii, Paris, 1877. F. Kattenbusch fournit quelques indications utiles dans son ouvrage beaucoup trop vanté, Lehrbuch der vergleichenden Confessionskunde, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 141-146. Je me borne, comme dans tout ce qui précède, aux documents relatifs à la seule abjuration : le nombre, du reste, en est assez restreint, si on ne tient pas compte des grandes professions de foi, que je n’ai pas à examiner.

Sous le premier patriarcat de Jérémie III (1716-1726), l’Église russe consulta sa sœur du Bosphore sur la conduite à tenir envers les luthériens et les calvinistes qui demandaient à entrer dans l’orthodoxie. Celle-ci déclara, en 1718, qu’on devait simplement les oindre avec le chrême, sans leur renouveler le baptême. Il serait intéressant de connaître les motifs de cette décision ; malheureusement l’original grec de l’acte en question est encore inédit, et la seule traduction russe qui en a été faite se trouve enfouie dans un immense recueil d’un accès difficile : Collection complète des lois de l’empire russe, t. v, art. 3225. Un écrivain grec qui a pu la consulter ne nous en donne que la conclusion. C. Œconomos, Ouvrages ecclésiastiques conservés, in-8°, Athènes, 1862, t. i, p. 431, 476. Une décision synodale du 8 décembre 1879 n’indique d’autre mesure que cette onction, précédée de la profession de foi convenable. Théotocas, op. cit., p. 370.