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ANACHORETES


par la toiture soit par nne ouverture qu’ils creusaient sous la muraille. Quelques-uns se renfermaient ainsi dans une caverne ou dans un sépulcre. Une citerne desséchée servit de retraite durant trois années à Syméon, le futur stylite. Certains reclus avaient un compagnon de cellule. Pierre le Galate vivait avec un possédé qu’il avait guéri ; Eusèbe de ïélédan avec son frère ; Marcien avec deux disciples.

Plusieurs, non contents des austérités déjà bien grandes de leur vie, pratiquaient un silence rigoureux ou se chargeaient de lourdes chaînes de fer. Le besoin d’expier une faute grave ou de réparer de longues négligences a pu déterminer quelques moines à embrasser la réclusion ; mais ils obéissaient principalement au désir de vivre dans une intimité plus grande avec le créateur ; aussi la prière était-elle leur occupation préférée. Malgré le soin qu’ils prenaient de se cacher aux yeux des hommes, les chrétiens se présentaient nombreux devant leurs cellules pour recevoir leurs conseils €t leurs instructions, ce qui permit à plusieurs reclus d’exercer un apostolat très fructueux.

Ce genre de vie n’était pas sans entraîner de graves inconvénients. Les anciens veillaient à ce que les premiers venus ne s’y engageassent point. Le concile in. Trullo (692) ne permit la réclusion qu’à des moines ayant passé trois années dans un monastère et une dans la solitude. Avant de s’enfermer, ils devaient obtenir la permission de leur abbé et la bénédiction épiscopale.

Occident.

La réclusion fut connue et pratiquée de bonne heure en Occident. On en trouve plusieurs exemples, tant parmi les hommes que parmi les femmes, dès le ive siècle. Ils figurent en assez grand nombre dans le Gloria confessorum de saint Grégoire de Tours, P. L., t. lxxi, col. 828-913. Les annales de Mabillon signalent leur présence dans plusieurs monastères. La coutume d’avoir un reclus commençait à s’introduire dans les grandes abbayes bénédictines. Ce genre de vie offrait aux moines beaucoup moins d’inconvénients que la solitude au fond d’une forêt. Elle n’était pas cependant exempte de tout danger. La règle de saint Isidore la considère comme périlleuse et l’interdit aux moines. Il y avait à se défier de ceux qui l’embrassaient à la légère. Le septième concile de Tolède exige une préparation dans un monastère (646) et celui de Francfort (794), la permission de l’évêque et de l’abbé. Le nombre des reclus augmenta surtout à partir du XIe siècle et pendant les deux siècles qui suivirent. Les abbayes de cisterciens et de chanoines réguliers comme celles des bénédictins, tenaient à honneur d’avoir leurs reclus. Streber en donne dans le Kirchenlexikon, art. Inclusen, t. VI, Fribourg-en-Brisgau, 1889, p. 631 sq., une liste. On pourrait la rendre plus complète pour la France et l’Espagne.

Les reclus vivaient sous l’obéissance de leur abbé. Ceux des monastères bénédictins suivaient des observances empruntées à la règle de saint Benoît ; on peut en juger par la Régula solilariorum, de Grimlaicus, .P. L., t. ciii, col. 573-664, écrite dans le courant du IXe siècle. Le bienheureux Alhelred, abbé cistercien du diocèse d’York († 1166), en composa une pour les femmes. Celle que Pierre le Vénérable traça aux reclus de l’ordre de Cluny était fort sage.

Comme en Orient, quelques-uns de ces reclus s’enfermaient pour toujours, d’autres pour un certain nombre d’années. Plusieurs se réservaient la possibilité’de sortir dans certaines circonstances. Ils étaient généralement seuls. Parfois on en mettait deux ensemble. L’entrée du reclus dans sa cellule se faisait avec grande solennité. Une moniale de Sainte-Croix de Poitiers (vie siècle) devait embrasser ce genre de vie. Les religieuses l’accompagnaient avec des (lambeaux allumés et en chantant des psaumes. Sainte Radegonde la conduisit par la main. La servante du Christ fit ses adieux à toutes

ses sœurs, les embrassa et entra dans une cellule, dont la porte fut immédiatement murée. La prière et les lectures pieuses occupaient son temps. Plus tard, cette cérémonie reçut un caractère liturgique. L’évêque la présidait en personne ; il munissait de son sceau là porte murée du reclus. Martène publie quelques ordines des rites employés. De antiquis monachorum ritibus, Anvers, 1737. Brunon, archevêque de Cologne († 965), qui avait une prédilection pour les reclus, aimait beaucoup à présider lui-même ces cérémonies.

La cellule que le reclus occupait n’était pas toujours dans la clôture monastique. On la mettait parfois à coté d’un oratoire, qui en était assez éloigné. Ce qui permettait aux abbayes d’hommes d’avoir des recluses. Sainte Wiborade (916) et les autres recluses de SaintGai sont restées célèbres. Il y en eut à Silos en Espagne et ailleurs. Quelques monastères de femmes eurent des reclus hommes, tels que saint Wodoalus, renfermé à la porte de Sainte-Marie de Soissons.

Le reclus communiquait avec l’extérieur au moyen d’une fenêtre. Une autre ouverture, donnant sur l’église ou sur un oratoire, lui permettait d’entendre la messe, d’assister aux offices et de recevoir la sainte communion. Ceux qui étaient prêtres pouvaient célébrer les saints mystères dans l’intérieur de leurs cellules. Quelques reclus poussèrent jusqu’à l’héroïsme leur fidélité à la retraite qu’ils s’étaient choisie. C’est ainsi que mourut dans les flammes une recluse, lorsque Guillaume le Conquérant incendia la ville de Mantes (1087). Le reclus Paternus eut un sort semblable à Paderborn (1058).

Les monastères ne furent pas les seuls à posséder des reclus. Il y en eut autour des églises séculières. Plusieurs villes tinrent à honneur d’en avoir un auprès de leurs murs d’enceinte. La présence de ces hommes de prière et de sacrifice était, à leurs yeux, une sauvegarde. Cet usage existait à Vienne, en Dauphiné, dès le vie siècle ; on le retrouve plus tard à Autun, à Lyon, à Toulouse et à Paris ; dans cette dernière ville, le réclusoir du cimetière des Innocents fut habité jusqu’à la fin du XVe siècle. La réclusion était déjà tombée en désuétude. Elle finit bientôt par disparaître complètement. Sainte Colette, qui vécut quelque temps enfermée dans une cellule près de l’église bénédictine de Corbie, est la gloire la plus pure de cette institution dans la période de son déclin.

Un grand nombre de ces serviteurs de Dieu ont mérité les honneurs rendus aux saints : saint Hispitius, saint Cybard, saint Léobard (v e, vie siècles), saint Siméon (1027). Le peuple les entourait d’un respect religieux. 11 arriva souvent que des princes leur donnèrent des témoignages publics de leur confiance. Charles Martel fit sortir de sa cellule Sigobert, reclus de Saint-Denis, pour lui confier une importante mission auprès de saint Grégoire III. Un reclus du monastère de Saint-Martindes-Champs avait un grand empire sur le roi Philippe I er. Ils exercèrent de la sorte une influence très heureuse.

Mabillon, Annales 0. S. D. ; D’Heimbucher, op. cit., t. i, p. 53-55 ; Basedow, Die Inclusen in DeiUs-cliland, Heidclberg, 1895.

V. Stylites.

Les moines orientaux s’ingéniaient à trouver les genres de vie les plus capables de mortifier la nature. Non contents de vivre en plein air sans le moindre abri, quelques-uns se condamnèrent à vivre toujours debout. Ils ont reçu le nom de stationnaires. Ilares en Egypte, ces moines le fuient moins en Syrie. Jacques, disciple de saint Maron, et Abraham qui vivaient l’un et l’autre dans le diocèse de Cyr, sont les plus connus. Théodoret, Religiosa historia, 17-21, P. G., t. t. xxxii, col. 1419, 1431-1435. On en trouve en Palestine et en Cappadoce. Cette austérité parut insuflisante à plusieurs. Ils prirent pour séjour le haut d’une colonne : ce qui leur lit donner le nom de stylites.