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ANACHORÈTES


d’ermites, donnèrent, après leur réforme du xvie siècle, une place plus grande à la solitude. Plusieurs de leurs provinces eurent un couvent ou saint désert, destiné aux religieux qui voulaient mener la vie érémitique.

Il y eut en outre une multitude d’anachorètes, qui vivaient dans un isolement absolu. Pierre l’ermite, le prédicateur de la première croisade, est le plus connu. On en vit qui méritèrent par leur vertu la confiance des princes et du peuple. Beaucoup aussi menaient une vie peu édifiante. Pour remédier à ces désordres, on chercha en Italie à les grouper dans des congrégations locales. Le bienheureux Jean Bon établit celle des jeanbonites, vers 1209, près de Mantoue ; les brittiniens vivaient dans la marche d’Ancône ; il y avait encore les frères du Sac ou de la Pénitence de Jésus-Christ, les congrégations de Vallersuta, de Saint-Biaise de Fano, de Saint-Benoît de Montefabalo, de la Tour des Palmes, de Sainte-Marie de Murcette, de Saint-Jacques de Molinio et de Soupçavo. Parmi ces congrégations, les unes suivaient la règle de saint Augustin ; d’autres, celle de saint Benoit ; d’autres n’en avaient aucune. Alexandre IV les réunit en une seule congrégation, qui prit le nom d’ermites de Saint-Augustin (1256).

La vie érémitique perdit peu à peu de son importance dans cette famille religieuse. Il faut en dire autant des diverses congrégations d’ermites de Saint-Jérôme. Quelques autres congrégations érémitiques furent fondées dans la suite sous la règle de saint Augustin : les ermites de Saint-Paul, qui comptèrent trois branches distinctes, celle de Hongrie fondée en 1250 par l’union des ermites de Patach et de Pisilia, celle de Portugal, fondée par Mendo Gomez de Simbria († 1481), et celle de France ou des frères de la Mort, fondée par Guillaume Callier (1620). Les frères de Saint-Ambroise, qui habitaient une forêt voisine de Milan, furent réunis en congrégation par Eugène IV (1441). La congrégation des frères des apôtres, qui existait en Italie depuis le XV siècle, reçut d’Innocent VIII la règle de saint Augustin (1484). Bernardin de Ricciolini établit sur le mont Senario, près de Florence, berceau de l’ordre des servîtes, une réforme de cet ordre, qui imposait la vie anachorétique (1593). Bernard de Mogliano réunit quelques solitaires, qui prirent le nom de colorites, du lieu où ils s’étaient retirés (1530), dans le diocèse de Cassano. Citons aussi les ermites du mont Voiron pour qui saint François de Sales rédigea des constitutions.

Les franciscains célestins (1294) et les ermites de l’ordre de Saint-François, nommés encore frères ermites de l’observance, fondés par Paulet de Foligno (1368), sont les seules congrégations érémitiques appartenant à l’ordre franciscain. Saint François et plusieurs membres de sa famille religieuse ont mené temporairement la vie érémitique. Quelques anachorètes isolés ont été membres du tiers ordre de la Pénitence.

Plusieurs autres congrégations érémitiques ne se rattachaient à aucune des quatre grandes règles approuvées par l’Eglise. Tels sont les ermites du mont Luco en Ombrie, près de Spolète, qui prétendent remonter au IVe siècle ; les ermites de Saint-Sever en Normandie, fondés par un prêtre nommé Guillaume, ancien novice des camaldules ; les ermites de Notre-Dame de Gonzague, fondés par Jérôme Raigni de Castelgiofi’re, qui avait fait vœu d’embrasser la vie érémitique si François de GonLague, dernier marquis de Mantoue, échappait à une mort imminente : l’évêque de Rej ; gïo leur prescrivit une règle qui fut confirmée par Alexandre VI (14921503). Les ermites de Dalmatie, fondés par Jacques de Pavone (1521) et réformés (1528) par Caraffa suivant la règle de saint Jérôme ; les ermites de Saint-Jean-Baptiste de la Pénitence, qui possédaient cinq ermitages dans la Navarre et furent approuvés par Grégoire XIII (15751630).

Le frère Michel de Sainte-Sabine établit en France

une congrégation d’ermites sous le vocable du même saint Jean-Baptiste (1630) ; elle reçut l’approbation de plusieurs évêques qui prescrivirent aux anachorètes de leurs diocèses d’en observer les statuts. Il faut encore mentionner les ermites du mont Valérien, prés de Paris ; les ermites de la Porte angélique, à Rome, fondés sur la fin du siècle précédent par Albenze de Calabre ; les ermites de Bavière, établis dans le diocèse de Ratisbonne (1769). Le vénérable Cottolengo a fondé une congrégation d’ermites vers le milieu du xixe siècle en Lombardie. Il en existe une en Espagne sur une montagne voisine de Cordoue. Cette liste est forcément incomplète.

Les ermites qui appartenaient à ces congrégations faisaient partie des ordres religieux reconnus par l’Église, et ils en avaient les privilèges. On ne peut en dire autant de ceux qui revêtaient l’habit des ermites avec l’autorisation de leur évêque et étaient attachés par lui au service d’un sanctuaire isolé ou vivaient sous son obéissance dans un ermitage. Ils ont été nombreux pendant le xviie siècle en France, en Espagne et en Italie. Cette institution a disparu peu à peu comme tant d’autres. Elle n’entrerait même guère dans les mœurs de nos contemporains. Les tentatives faites pour la rétablir en France sur plusieurs points vers le milieu de ce siècle n’ont pas été heureuses. Il y eut des ermites qui revêtaient d’eux-mêmes l’habit religieux et se retiraient où bon leur semblait. Benoît XIII et Urbain VIII prirent des mesures pour supprimer les abus qu’une pareille liberté pouvait entraîner.

Ajoutons qu’il y a eu quelques congrégations de femmes ermites : les hiéronymitines (1375) ; les sœurs ermites de Saint-Ambroise ; les sœurs ermites théatines (1623) ; les sœurs ermites clarisses ou alcantarines (1631) ; les baptistines ou ermites de Saint-Jean-Baptiste (1730).

Hélyot, Histoire des ordres religieux et militaires, t. iii, iv et iivi Paris, 1792 ; D’Heimbucher, Die Orden und Kongregationen der katholischen Kirche, t. I, Paderborn, 1806.

IV. Reclus.

Les reclus se renfermaient dans une cellule, pour fuir autant que possible la société des hommes. Des prêtres, voués au culte de Sérapis, s’étaient imposé une privation de cette nature avant l’ère chrétienne. Brunet de Presle, Le Serapeum de Memphis, dans Mémoires présentés à l’Académie des Inscriptions, I re série, t. il (1852), p. 552 sq. Mais il n’y a aucune relation entre ces ascètes païens et les reclus chrétiens.

Orient.

Cette institution commença au début du IVe siècle. Saint Antoine la suivit l’un des premiers durant une vingtaine d’années (305). Il y en eut d’autres en Egypte ; Jean de Lycopolis et Nilammon sont les plus connus. Quelques femmes, entre autres une certaine Alexandra et la pénitente Thaïs, se condamnèrent à cette vie rigoureuse. On trouve des reclus en Palestine, en Cappadoce et dans le voisinage de Constantinople, nulle part ils ne furent aussi nombreux qu’en Syrie, où Eusèbe de Télédan paraît avoir inauguré ce genre de vie. Théodoret donne la biographie de quelques-uns des plus célèbres : Pierre le Galate, Marcien, Acepsimas, Aphraates, Domnine, Romanos. Religiosa historia, P. G., t. lxxxii, col. 1283-1476.

Tous ne pratiquaient pas la réclusion de la même manière. Les uns ne s’enfermaient que pour un temps ou se réservaient la possibilité de sortir dans certaines circonstances ; d’autres, fixant leur demeure dans un endroit plutôt que dans une cellule, s’infligeaient la pénitence de passer leur vie en plein air sans le moindre abri, renfermés dans une étroite enceinte entourée de murs. Les véritables reclus disposaient tout de manière à ne plus pouvoir sortir. Pour arriver jusqu’à eux, il fallait enfoncer une porte close ou démolir la muraille. Une fenêtre les mettait en communication avec l’extérieur. Il y en eut qui voulurent la supprimer. On leur passait de temps à autre ce dont ils avaient besoin, soit