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ANACHORÈTES

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Jérôme) disciple de saint Antoine, transporta la vie anachorétique en Palestine (307), où elle prit un rapide accroissement. Une colonie d*ermites peupla le mont Sinaï et le désert qui l’environne. Saint Nil (f après 430) fut l’une de ses gloires. Les montagnes de la Syrie eurent une population de solitaires. Saint Jean Chrysostome, qui partagea leur existence, célèbre leurs vertus avec enthousiasme. Théodoret (-J— 458) raconte la vie de quelques-uns des plus célèbres dans son Historia religinsa, P. G., t. i.xxxii, col. 1279-1498. Saint Basile et saint Grégoire de Nazianze menèrent cette vie dans le Pont, sur les bords de l’Iris. Les anachorètes furent nombreux dans la Cappadoce, l’Arménie et tout l’Orient chrétien. Il y eut parmi ces solitaires orientaux, connus sous le nom de Pères du désert, des hommes d’une éminente sainteté. Leurs enseignements spirituels et les exemples de leur vie sont l’une des sources les plus pures de la théologie ascétique et mystique. Quelques-uns d’entre eux exercèrent un apostolat fécond auprès des païens. Ils se montrèrent, pour la plupart, adversaires déclarés des grandes hérésies qui surgirent alors. La sympathie qu’ils témoignaient aux plus intrépides défenseurs de la foi contribua beaucoup à concilier à ces derniers la confiance des fidèles. L’eutychianisme trouva, malheureusement, de nombreux adeptes parmi eux ; en Egypte, surtout. Ce fut le signal de leur décadence. Les invasions musulmanes rendirent ce genre de vie plus difficile. Aussi, le nombre des ermites est-il allé, dès lors, en diminuant. Les Églises orientales en comptent néanmoins quelques-uns, répandus de préférence dans le Liban et en Syrie.

Paltade, Historia lausiaca, P. G., t. xxxiv, col. 991-1262 ; Rufin, Historia monachorum, P. L., t. xxi, col. 387-461 ; Cassien, Collationes Patrum et de instittitis cœnobitorum verba seniorum, P. L., t. lxxiv, col. 381-843, et Apophtegmata patrum, P. G., t. lxv, col. 71-442 ; Rosweyde, Vitse patrum, P. L., t. lxxiii, lxxiv ; Bulteau, Histoire monastique de l’Orient, Paris, 1678 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles ; dom Besse, Les moines d’Orient, 1900, c. n.

II. Occident.

La vie érémitique se répandit en Occident après que saint Athanase l’eut fait connaître durant les séjours qu’il fit à Trêves (335) et à Rome (340). Les relations des latins avec l’Orient, motivées par le souvenir des événements sur lesquels reposent la foi, et singulièrement développées par l’agitation que provoqua l’arianisrne, exercèrent une grande influence sur sa diffusion. Saint Jérôme, Rufin, et tant d’autres, qui s’en allèrent mener en Orient la vie solitaire, provoquèrent la curiosité de leurs compatriotes. Leurs correspondances, quelques-uns de leurs écrits, les œuvres des Pères d’Orient qu’ils traduisirent, et, un peu plus tard, les dialogues de Sulpice Sévère, les conférences et les institutions de Cassien communiquèrent aux occidentaux l’enthousiasme qui avait peuplé les solitudes orientales. On constata, dans la seconde moitié du IVe siècle, la présence des ermites un peu partout : dans l’Afrique romaine, en Italie, en Bretagne. Il y en eut parmi les disciples de saint Martin, à Lérins, sur les montagnes du Jura et ailleurs ; les cellules des anachorètes devinrent le berceau des monastères, transformés bientôt en foyers intenses de vie chrétienne par la doctrine et la vertu de leurs disciples.

Les invasions barbares n’arrêtèrent pas cet élan. Les vastes forêts de la Gaule fournirent aux amis de la solitude une retraite tranquille ; mais elle ne fut pas toujours assez profonde pour éloigner de quelques-uns d’entre eux l’affluence des disciples, qui, en se mettant .sous leur conduite, jetaient les fondements des grandes il. bayes de la période mérovingienne, dont l’influence civilisatrice a été si considérable ! Les choses ne se passèrent pas autrement eu liretagne. Il y eut en Italie dans le courant du vie siècle de nombreux ermites. La

vie de quelques-uns des plus célèbres tait l’objet des dialogues de saint Grégoire le Grand. P. L., t. lxxvii, 149-431. Le plus connu est saint Benoît, qui se prépara dans sa grotte de Subiaco à devenir le patriarche des moines d’Occident et le législateur des cénobites.

Parmi ces solitaires, beaucoup ont, comme saint Benoît, débuté par la vie érémitique. Ce n’était pas sans inconvénient. Cette existence, où l’homme, privé de tout secours extérieur, souvent même sevré » de la fréquentation des sacrements et de l’assistance à la messe, était réduit à ses seules forces pour lutter contre lui-même et contre le démon, demandait une force peu commune. Des cénobites croyaient pouvoir en affronter les périls, sans une préparation suffisante. La règle de saint Benoit (c. i), les conciles d’Agde (504), can. 38, et d’Orléans (511), can. 23, les prémunissent contre cette illusion. On continua bien à voir des saints commencer par la vie anachorétique, mais ces exceptions ne pouvaient être transformées en règle générale. On voulait d’ordinaire que l’ermite, digne de ce nom, subît tout d’abord le noviciat d’une vie cénobitique exemplaire durant plusieurs années. Il pouvait alors sans crainte s’enfoncer dans la solitude ; son âme était aguerrie. Parfois il embrassait la vie anachorétique pour le reste de ses jours ; souvent aussi il ne la menait que durant un temps plus ou moins long. Quelques-unes des abbayes bénédictines les plus célèbres avaient dans leur dépendance une solitude dans laquelle un ou plusieurs moines ermites vivaient avec une règle spéciale sous l’autorité de l’abbé. Il en était ainsi à Marmoutier, Moyen-Moutier r Senones, Fontenelles, Iona, etc. Des anachorètes, venus de plusieurs monastères, se réunissaient parfois dans une même forêt, comme le firent dans la forêt de Craon, au XIe siècle, Raoul de la Futaie, Robert d’Arbrissel et plusieurs autres. Il y avait dans une forêt une réunion d’ermites, appartenant à l’abbaye de Cluny ; Pierre le Vénérable aimait à se retirer au milieu d’eux.

Peu de temps après saint Benoît, Cassiodore avait établi à côté de son cœnobium de Viviers, en Calabre, un monastère d’ermites, où les cénobites étaient admis après une épreuve suffisante. On voyait en Espagne de nombreux ermitages, non loin de l’abbaye de SaintÉtienne-de-Silis (909) ; ils étaient destinés aux moines, appelés à la vie érémitique. Les ermitages du Silence, dans les Asfuries, avaient une destination semblable. Quelques monastères bénédictins conservèrent assez longtemps cette tradition anachorétique. Le monastère de SaintGuillaume du Désert eut sous sa dépendance une fraternité d’ermites, réunis à Maguelone (1330), elle n’atteignit jamais en importance et en durée celle du Mont Serrât, qui existait depuis longtemps, lorsque le réformateur de ce monastère, Garcia de Clisneros († 1510), fit prendre à cette institution tout son développement..Les ermites occupaient des cellules distribuées sur la montagne, où se trouve l’abbaye. Ils étaient placés sous l’obéissance d’un vicaire de l’abbé, dans l’oratoire duquel ils se réunissaient tous les dimanches. Ils ne descendaient au monastère qu’à Pâques et aux grandes fêtes. Ces ermitages furent habités jusque dans les premières années du xixe siècle.

Yepes, Coronica gênerai de laorden de San Benito, 7 vol. infol., Pampelune et Valladolid, 1609-1621 ; Mabillon, Annales ord. S. lienedieti, 6 vol. in-fol., Paris, 1703-1739.

III. Congrégations d’ermites. — Le xie siècle vil l’institution des anachorètes entrer dans une phase nouvelle, par la fondation de congrégations ou d’ordres, qui lui firent la place aussi large que possible. Les premiers suivirent la règle de saint Benoit et se rattachent a son ordre. Ce sont : l’ontavellane, les Camaldtiles,

Vallomb reuse, Monte-Vergine, auxquels on peut ajouter

les chartreux et les céleslins. Les carmes, qui furent à l’origine une congrégation