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ABJURATION DANS L’EGLISE GRECQUE

S’agit-il, non plus d’enfants, mais de jeunes gens, d’hommes murs ou de vieillards, il y a lieu de faire une distinction. S’ils ont renié la foi au milieu des tourments, on doit les traiter avec indulgence : après qu’ils auront jeûné deux carêmes de suite, on récitera sur eux les prières indiquées, et, après un bain, ils recevront l’onction du chrême et seront admis aux saints mystères. Ont-ils, au contraire, apostasie de leur plein gré, on pourra les accueillir également, mais sans les admettre aux saints mystères, sauf à l’article de la mort. Certains manuscrits contiennent des dispositions légèrement différentes : Goar en relève quelques-unes, mais je crois inutile de m’y arrêter ; mieux vaut, en pareil cas, s’en lenir aux rituels ofliciels de Venise et de Rome. Le Pidalion, dans une note intéressante, édit. cit., p. 119, nous apprend que les prescriptions de saint Méthode conservent encore aujourd’hui, aux yeux des orthodoxes, toute leur autorité. Seuls, quelques points ont été modifiés. Ainsi, les deux carêmes imposés aux apostats adultes consistent simplement dans l’abstinence de viande, de fromage et d’œufs, à laquelle s’ajoute, les lundis, mercredis et vendredis, celle de l’huile et du vin.

VI. Abjuration des catholiques.

Au nombre des hérétiques dangereux, dont l’admission dans son sein doit être entourée de sérieuses précautions, l’Église orthodoxe range, depuis le xie siècle, les catholiques, latins ou autres. On connaît les raisons de cette mesure, et, d’ailleurs, ce n’est pas ici le lieu de les rappeler. Je dois seulement faire connaître les formalités auxquelles cette admission est soumise. Le moyen âge byzantin ne nous a conservé, du moins à ma connaissance, aucun rituel d’abjuration, à l’usage des latins. L’époque moderne est plus féconde en documents de ce genre. Un demisiècle environ après le concile de Florence, en 1484, un synode tenu à Constantinople rédige tout un office (àxoXouÔta) à cette intention. Publiée pour la première fois par Dosithée de Jérusalem, Tomus charitatis (en grec), in-fol., Jassi, 1698, p. 568, cette curieuse pièce a été reproduite par Rhalli et Potli, Collection des divins et sacrés canons, in-8°, Athènes, 1855, t. v, p. 143-117, et par M. J. Gédéon, Constitutions canoniques, in-8 8, Constantinople, 1889, t. ii, p. 65-69. En voici un résumé, dans lequel sont négligées les formules purement liturgiques. Cf. pour ces formules notre article Entrée des catholiques dans l’Église orthodoxe, dans les Échos d’Orient, février-mars 1899, p. 129 sq.

Le néophyte latin, debout devant la porte centrale de l’iconostase, devait renoncer « aux doctrines ignominieuses et absurdes des latins », touchant la procession du Saint-Esprit et les azymes, promettre de garder intact, n sans addition ni omission d’aucune sorte, » le symbole de Nicée-Constantinople, prononcer l’anathème contre les partisans du Filioque, tenir pour nuls et sans effet le concile de Florence et ses décrets, fuir toule réunion de latins ou de latinisants, jurer enfin de persévérer jusqu’à la mort dans la foi orthodoxe. Il récitait ensuite le symbole de Nicée, et recevait Vonction du chrême, ou la confirmation. Un acte de cette abjuration était dressé, enregistré dans les archives de l’église et signé par le nouveau converti.

On aura remarqué qu’il n’est pas question dans cette pièce de renouveler le baptême : aux yeux du concile de 1484, la triple immersion n’était pas absolument requise pour la validité de ce sacrement. Ce n’est pas qu’on ne trouve, dès le moyen âge, de fougueux rebaptisants parmi fis prélats, les canonistes et les moines de Byzance ; déjà, aux temps de Michel Cérulaire, le cardinal Ilumbert reprochait à ce patriarche de renouveler le baptême des latins. P. G., t. cxx, col. 743. Mais on ne voit nulle pari qui’l’Eglise officielle, réunie en synode, ait compté la rebaptisation parmi les conditions indispensables à imposer aux néophytes latins.

Vers le milieu du XVIII 8 siècle, il se produit, sur ce

point, dans la tradition orthodoxe, une solution de continuité. Un synode tenu en 1756, à Constantinople, déclare nul et impie le baptême latin et ordonne de le renouveler. La définition dogmatique (ôpoç), promulguée en cette circonstance par le patriarche Cyrille V, est contresignée par les patriarches d’Alexandrie et d’Antioche. Cf. Gédéon, Constitutions canoniques, t. i, p. 252-254 : Rhalli et Potli, op. cit., t. v, p. 614. A dater de cette époque, les canonistes grecs sont unanimes à réclamer l’application de cette loi. Les longs débats qui agitèrent le saint synode, vers 1840, lors de l’apostasie de Macaire, évêque melchite de Diarbékir, ne laissent aucun doute sur le sentiment réel de l’Église grecque pure. Quant aux points de doctrine mentionnés dans l’acte d’abjuration de ce prélat, ils sont à peu près les mêmes qu’en 1484 : proscription du Filioque, fidélité aux décrets des sept premiers conciles œcuméniques, répudiation du concile de Florence, acceptation intégrale des dogmes de l’orthodoxie. On y ajoutait pourtant un anathème spécial à l’adresse de l’infaillibilité pontificale et autres nouveautés de l’Église d’Occident.

Une nouvelle apostasie de melchites, qui eut lieu en 1860, nous fournit encore une profession de foi (XiëEXÀo ; ) intéressante à consulter. En voici le passage principal, où lespoints de dissidence sont clairement énumérés : « l°Nous nous détachons absolument, disaient les transfuges, de la communion de l’évêque de la vieille Rome, ne le reconnaissant en aucune façon pour le chef suprême et unique de l’Église, dont la tête, suivant l’apôtre, est Notre-Seigneur Jésus-Christ, et nous embrassons irrévocablement, avec une indicible ardeur, tous les dogmes sacrés de l’Église orthodoxe d’Orient, nous soumettant à ses chefs spirituels légitimes. — 2°Nousgardonsintact et inaltérable, sans aucune addition ni omission, le symbole sacré de la foi, tel que l’ont composé les saints et grands conciles œcuméniques, le premier et le second, et tel que l’ont ensuite sanctionné les cinq autres sacrés conciles œcuméniques. Par suite, nous condamnons cette addition blasphématoire et sacrilège du Filioque faite par l’Église latine, et nous prononçons l’anathème, comme l’ont prononcé nos pères inspirés de Dieu, contre quiconque ose ajouter ou retrancher quoi que ce soit à ce symbolesacré. — 3°Nousmaintenons inviolables toutes les décisions contenues dans les saints et sacrés canons des apôtres et des sept sacrés conciles œcuméniques, admettant ce qu’admet l’Église orthodoxe et condamnant ce qu’elle réprouve. Et ainsi, c’est de grand cœur, de notre propre volonté, de plein gré que nous acquiesçons à tout ce que nous venons d’écrire, promettant de garder ces vérités avec une inébranlable fidélité et de les soutenir hautement jusqu’à notre dernier soupir. » Cf. N. Matha, Catalogue historique des patriarches de Constantinople (en grec), in-8°, 2e édit., Athènes, 1884, p. 182.

Chose curieuse ! on n’exigea, en 1860, comme condition d’admission, que la simple onction du chrême ; c’est ce que déclare la formule même dont je viens de citer une partie. Au reste, depuis un demi-siècle, les variations de l’Eglise de Constantinople sur cetle grave question ne se comptent plus. Le 26 mai 1875, elle confie au synode d’Athènes que chacun peut, suivant sa conscience, baptiser ou non les latins. G. Théolocas, Législation du patriarcal œcuménique (en grec), in-8°, Constantinople, 1897, p. 368-370. Au contraire, le 24 avril 1878, elle ordonne de leur renouveler le baptême. Jbid., p. 370. Le 8 décembre 1879, elle se contente de l’onction, précédée d’une profession de foi. Même solution le 14 février et le 14 juillet 1880. Enfin, le Il décembre L888, elle déclare qu’on devra, à l’avenir, « user d’indulgence » et se borner à une simple onction du chrême. Ibid., j). 370-371. Quoi qu’il en suit de ces déclarations bénignes, l’usage dans le patriarcal œcuménique est de rebaptiser les latins, toutes les fois que ceux-ci veulent bien y consentir.