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AMES (CHARGE D’)

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Il y a comme un contrat entre le pasteur et les fidèles. Le pasteur a droit, en vertu de ce quasi-contrat, de percevoir les fruits de son bénéfice, selon les règles du droit commun ou du droit particulier de chaque pays ; mais les fidèles ont un droit correspondant de recevoir les secours spirituels qu’ils réclament.

La gravité du péché commis par un curé qui manquerait à son devoir d’administrer les sacrements, doit être appréciée en tenant compte, d’une part de la nécessité ou de l’utilité du sacrement réclamé ou attendu par le fidèle, d’autre part des difficultés pratiques que le prêtre peut alléguer pour excuser sa négligence.

On sait qu’il y a des sacrements nécessaires de nécessité de moyen, le baptême toujours, la pénitence et l’extrême-onction en certains cas. Ces sacrements, un curé est obligé sub gravi, de les administrer en cas de nécessité, même au péril de sa vie. Benoit XIV, De synodo diœcesana, l. III, c. xix, Opéra omnia, Venise, 1767, t. xii, p. 168. Serait-il obligé, au risque de sa vie encore, de conférer les sacrements dont la réception n’est pas aussi absolument nécessaire ? Nous ne le pensons pas, d’accord en ce point avec beaucoup de bons auteurs dont l’opinion est qualifiée par saint Liguori valde probabllis. Theol. mor., l. VI, n. 233, édit. Vives, Paris, 1883, t. iii, p. 162.

Mais un risque si grand pour le prêtre est une hypothèse exceptionnelle. En temps ordinaire, un curé commettrait une faute mortelle s’il refusait les sacrements qui lui sont demandés, soit à l’heure de la mort, soit dans une maladie dangereuse, soit au temps pascal, soit pour se préparer à quelque grand événement de la vie, par exemple au mariage. Il y a en effet, dans les circonstances que nous venons d’énumérer, une obligation grave pour les fidèles de demander les sacrements. D’où pour le prêtre obligation corrélative, grave aussi, de donner ces secours spirituels à ceux qui en ont besoin.

L’obligation du prêtre reste grave encore en dehors des circonstances indiquées, quand les fidèles demandent les sacrements par dévotion et pour l’utilité de leur âme. Nous supposons, bien entendu, une demande raisonnable. Ceci est l’enseignement commun rappelé par saint Liguori, loc. cit., n. 58, p. 36, qui ajoute cependant : « Il n’y aurait que péché véniel, si le curé refusait seulement, une fois ou deux, d’accorder les sacrements en dehors des circonstances où ils sont nécessaires. »

Nous avons parlé de la stricte obligation. Le bon pasteur fera plus évidemment. Il sait que la fréquentation des sacrements est le moyen le plus efficace de sauvegarder et de développer dans une paroisse le véritable esprit chrétien, la foi vive, les mœurs pures, l’amour de Dieu et du prochain.

Offrir le saint sacrifice.

Ce troisième devoir de la charge pastorale comprend deux parties : célébrer le saint sacrifice et en appliquer le fruit spécial pour les fidèles.

Tout chrétien non empêché doit assister à la messe, autant que possible dans sa paroisse, les dimanches et jours de fêtes de précepte. D’où obligation indiscutable pour le curé, de célébrer ou faire célébrer par un autre le saint sacrifice, dans l’église paroissiale, en ces jours. Une seule infraction non justifiée à ce devoir serait péché mortel. — Le curé pourrait encore être tenu accidentellement, en vertu de sa charge d’âmes, de célébrer ou faire célébrer la sainte messe en dehors des jours d’obligation, quand, par exemple, il y aurait urgence de porter le viatique à un malade et que pour cela il faudrait consacrer les saintes espèces.

Mais de plus, le pasteur doit offrir le divin sacrifice pour ses ouailles, à certains jours. Ces jours sont les dimanches et les fêtes dites d’obligation. Benoit XIV, Const. Cum semper, 19 août 1744, Bullarium, t. i, Venise, 1778, p. 164. Et il faut entendre ici par fêtes d’obligation les fêtes déterminées par la constitution

Universa du pape Urbain VIII, 13 septembre 1612, Bullarium ronianum, jt. v, Luxembourg, 1742, p. 378, quand même ces fêtes auraient cessé d’être pour les fidèles des jours chômés.

L’obligation de dire la messe pro populo est à la fois personnelle et réelle. Elle est personnelle en ce sens que le curé doit la dire lui-même, à moins d’une excuse canonique. Sont réputées excuses canoniques, une maladie grave, l’absence légitime, l’obligation de chanter la messe conventuelle, la dispense du supérieur. Cette obligation est en même temps réelle, c’est-à-dire que si le curé est légitimement excusé de dire lui-même la messe pro populo, il doit la faire dire par un autre prêtre au jour fixé ; et s’il ne s’était pas fait suppléer par un autre, il resterait obligé de la dire lui-même le plus tôt possible.

En règle générale, la messe pour les paroissiens doit être dite dans l’église de paroisse. Toutefois, si un curé était absent pour cause légitime, il satisferait à son obligation en disant la messe pour son peuple dans l’église du lieu où il est de passage. Marc, Institutiones morales, n. 1606, Borne, 1889, t. ii, p. 141-143.

II. devoirs indirects.

Les devoirs que nous venons d’expliquer en appellent d’autres comme conséquences, savoir : la résidence, la visite des paroissiens, le bon exemple.

La résidence.

— Comment prêcher, administrer les sacrements, célébrer la messe paroissiale, si le pasteur ne réside pas parmi ceux dont il a la charge ? Aussi n’y a-t-il pas d’obligation sur laquelle les saints canons reviennent avec plus d’insistance. Bappelons seulement du concile de Trente, le titre du c. I, De reformatione, sess. XXIII : Reclorum ecclesiarum in rcsidendo negligentia varie coercetur ; animarum curse providetur. Les prescriptions du saint concile ont été renouvelées par Benoît XIV, const. Ubi primum, 3 décembre 1740, Bullarium, t. i, p. 2.

La présence du pasteur parmi les siens doit être à la fois matérielle et formelle, disent les auteurs. Marc, loc. cit., n. 2266, p. 696. Cela signifie d’abord que quiconque a charge d’âmes doit avoir sa demeure dans les limites du territoire qui lui est confié, mais ensuite qu’il doit, en y résidant, s’occuper d’une manière utile de sa charge pastorale.

Toutefois le concile de Trente, loc. cit., reconnaît qu’il peut y avoir des causes légitimes d’absence, savoir : la charité chrétienne, une nécessité pressante, l’obéissance aux supérieurs, l’utilité évidente de l’Église ou de l’État. Mais si légitimes que soient ces causes, un curé qui s’absente doit obtenir l’approbation de son évêque ; il doit aussi, avec l’assentiment de l’évêque, pourvoir par un remplaçant au bien spirituel de ses paroissiens. Les pasteurs qui auraient enfreint ces règles pourraient être frappés, par leurs supérieurs ordinaires, des censures ecclésiastiques et d’autres peines, particulièrement par la privation des fruits de leurs bénéfices. Ibid.

La visite des paroissiens.

Le bon pasteur connaît ses brebis. Comment le curé connaitra-t-il ses paroissiens, tous ses paroissiens, s’il ne va pas à eux ?

Mais cette obligation est plus particulièrement urgente quand il s’agit des malades. Voici, à ce sujet, l’enseignement du Rituel romain, au chapitre De visitatione et cura infirmorum : « Le curé doit se souvenir particulièrement, que ce n’est pas la moindre portion de sa charge de s’occuper des malades. En conséquence, sitôt qu’il saura qu’un des fidèles commis à ses soins est atteint par la maladie, il n’attendra pas qu’on l’appelle, mais il ira de lui-même vers ce fidèle, et il ira non seulement une fois, mais souvent, aussi souvent qu’il sera nécessaire… Dans ces visites il se préoccupera avant tout du bien spirituel des malades, et il mettra toute sa vigilance à les conduire dans la voie du salut et à les soutenir et protéger contre les embûches du démon par les