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ABJURATION DANS L’EGLISE GRECQUE

Uthman, et tous les autres. — Anathème aux épouses du prophète Zadoz (Saouda ?), Aise (Aïcha), Zetheinep (Zeineb), Omkelthim (Oumm-Kalthoum), et à sa fille Fatma. — Anathème au Coran et à ses doctrines, préceptes, récits ou mystères, aux plaisirs charnels de son paradis ; anathème aux anges de Mahomet, à ses prophètes et apôtres, aux témoignages qu’il emprunte aux saints Livres, à ses théories physiologiques des créatures. Anathème à ses fausses promesses touchant l’entrée du paradis, à ses lois matrimoniales, purification des femmes adultères, nombre des épouses et des concubines. Anathème à sa doctrine fataliste, qui subordonne tout, même notre volonté, aux décrets du Destin, à ses insanités touchant la naissance et la nature de J.-C. Anathème au sanctuaire de la Mecque, faussement attribué à Abraham, à la pierre qu’il renferme et au culte dont elle est l’objet, à tout le territoire environnant et aux sept pierres que les Sarrasins y jettent contre les chrétiens, à toutes les cérémonies ou prières qui s’y font. Anathème à la doctrine du prophète sur la chamelle, sur le culte de Chabar, l’étoile du matin, sur la guerre sainte contre les chrétiens, sur la prière et les purifications qui doivent la précéder, sur la formation du premier homme, composé, d’après lui, de terre, d’une goutte d’eau, de sangsues et de matière mangée. Anathème enfin au Dieu de Mahomet, et à tous les attributs que le prophète lui donne. Suivait, comme dans l’abjuration des juifs, l’exposé abrégé des dogmes chrétiens, terminé par une formule de protestation, dans laquelle le néophyte appelait sur lui l’anathème et la damnation, s’il embrassait la foi chrétienne par feinte ou contrainte, et non par un sincère amour du Christ.

On ne peut trouver de meilleur commentaire de ce formulaire que l’ouvrage historique de Nicétas lui-même. P. G., t. cxxxix, col. 287-1088. Il faut y joindre la Réfutation du Coran de Nicétas de Byzance, P. G., t. cv, col. 670-842, et le Dialogue avec les Sarrasins d’Eufhymius Zigavinus, P. G., t. cxxx, col. 20-37. Il existe une traduction française du rituel faite par M. II. de Castries, L’Islam, in-18, Paris, 1897, p. 323-334.

L’Église russe, je l’ai dit déjà, a remplacé ce rituel par un autre plus simple et moins diffus. Elle exige du néophyte une entière renonciation à la foi en Mahomet, aux ridicules doctrines du prophète, à l’Alkoran et aux rêveries qu’il renferme, au pèlerinage de la Mecque comme condition du salut, à la polygamie ici-bas et aux plaisirs charnels après la mort, aux sarcasmes des musulmans à l’adresse des chrétiens. L’instruction qui suit cette renonciation est un résumé concis de la doctrine chrétienne. La cérémonie se termine par un serment absolument identique à celui que prêtent les Juifs. On y ajoute simplement cette protestation : « Et si je prête aujourd’hui ce serment avec dissimulation, si ce n’est point d’un cœur attaché au Christ, mon Dieu, que j’embrasse la foi chrétienne, si j’osais plus tard y renoncer pour retourner au mahométisme, que sur moi vienne la colère de Dieu et l’éternelle damnation. » Cf. A. v. Mallzew, op. cit., p. 90-126. C’est bien encore, on le voit, l’ordonnance générale des anciens rituels, mais les formules se bornent à mettre en relief les points vraiment fondamentaux de la doctrine islamique.

IV. Abjuration des païens.

Je ne rappelle ici que pour mémoire l’abjuration des païens. Vaincu par les apologistes des premiers siècles, le paganisme reparut dans la société byzantine, sous le couvert d’une philosophie antichrétienne, mais sans donner lieu à des polémiques ni à des formules spéciales d’abjuration. Les quelques écrits suscités par cette recrudescence des vieux systèmes sont, pour la plupart, encore inédits. Le rituel pour l’admission des païens, tiré par Goar d’un manuscrit de Grottaferrata, se réduit à deux oraisons, Goar, op. cit., p. 346 ; on se conformait, pour le reste, au cérémonial employé pour les catéchumènes ordi naires. Cf. Euchologium magnum, in-8°, Rome, 1873, p. 477.

En Russie pourtant, on a conservé jusqu’à ce jour un rituel spécial ; s’il se confond, dans sa plus grande partie, avec celui des juifs et des musulmans, il s’en dislingue par certains points qu’il est utile de rappeler. Dans la première catéchèse consacrée, comme on sait, à la répudiation formelle de ses anciennes erreurs, le néopinte qui sort du paganisme doit renoncer aux fausses divinités et à leur culte, promettre de ne plus offrir aux idoles ni prières ni sacrifices et de s’abstenir de toute relation avec leurs prêtres, tenir les cérémonies de ces derniers pour pernicieuses à l’âme et dépourvues de toute valeur réelle, s’attacher enfin de tout cœur, sans feinte, ni hésitation, à la croyance en un Dieu unique, seul vrai, subsistant en trois personnes. L’exposé des dogmes chrétiens qui vient après cette abjuration est le même que pour les musulmans et les juifs. Il faut en dire autant du serment qui termine la cérémonie : sa formule n’est autre que celle donnée plus haul, pour l’abjuration des juifs. Cf. A. v. Maltzew, op. et loc. cit.

V. Abjuration des apostats.

Les persécutions, dans les premiers siècles, et, au moyen âge, l’invasion musulmane provoquèrent, parmi les chrétiens, de nombreuses apostasies ; toutes ne furent pas sans retour, et on sait combien les premiers conciles eurent à s’occuper de cette catégorie de pénitents. De tous les formulaires d’abjuration imposés par l’Église d’Orient à ces fils prodigues, nul n’a été plus célèbre ni plus fréquemment mis à contribution que celui du patriarche saint Méthode († 847). Goar l’a publié avec soin et enrichi d’un docte commentaire, op. cit., p. 876 sq. ; Migne n’a cru mieux faire que de reproduire l’édition du célèbre dom’nicain, P. G., t. c, col. 1299-1318, et les éditions modernes de l’Euchologe ont scrupuleusement conservé le texte primitif. Édit. de Venise cit., p. 588-594 ; édit. rom., p. 473-477.

A la différence des autres formulaires, celui-ci ne contient guère que de longues prières propitiatoires (’t).aaû^-Ttxai ) ou de réconciliation, destinées à être récitées sur le pénitent un certain nombre de fois, avant sa réintégration parmi les fidèles ; de pareilles pièces ne souffrent pas l’analyse : l’Église y implore avec insistance le pardon du pécheur, l’oubli de ses fautes, et la préservation de chutes nouvelles. Par contre, les rubriques préliminaires réclameraient un sérieux examen : les dispositions disciplinaires qu’elles renferment ont donné lieu à de grosses controverses, aujourd’hui éteintes, mais non entièrement résolues. L’histoire des sacrements chez les Grecs est encore à faire. Voici, en quelques mots, les mesures édictées par le saint patriarche : elles sont plus ou moins graves suivant l’âge de l’apostat et les motifs de sa chute.

S’agit-il d’un enfant qui, emmené tout jeune en captivité, a renié sa foi par crainte ou ignorance, on devra réciter sur lui pendant sept jours les prières propitiatoires ; le huitième jour, il recevra, après avoir pris un bain, l’onction du chrême, comme tout nouveau baptisé. On voit tout de suite l’origine de la discussion entre les théologiens. Laissons de côté le bain, encore qu’on ait voulu y voir quelquefois, à la suite d’Arcudius, une coutume judaïque ; mais pourquoi prescrire une nouvelle onction du chrême ? N’est-ce point commander du même coup de réitérer la confirmation, d’autant plus qu’on doit employer, dans la circonstance, la forme même du sacrement : « Sceau du don de l’EspritSaint ? » Qu’il nous suffise ici de poser le problème, dont on verra ailleurs la solution, s’il est possible d’en trouver une ; car, en dépit des interprétations bénignes de Goar, ceux qui vivent au milieu des grecs et voient leur manière de traiter ce sacrement, ne laissent pas de partager un peu les indignations d’Arcudius et des théologiens de son école.