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ABJURATION DANS L’EGLISE GRECQUE

bricius, Bibliotheca grseca, in-4°, Hambourg, 1712, t. v, p. 280-289 ; édit. Harles, t. vii, p. 318-322, et dans la suite de ce Dictionnaire.

II. Abjuration des juifs.

L’admission des juifs dans l’Église d’Orient présente une très grande ressemblance avec celle qui vient d’être décrite. Le texte public’1 par Goar, op. cit., p. 311, doit être rapproché d’une rédaction beaucoup plus étendue, tirée par Cotelier du Parisinus 1818, P. G., t. i, col. 1456, et de celle que fournissent les éditions modernes de l’Euchologe, Euclwlogium magnum, in-8°, Venise, 1851, p. 672 sq. ; édit. de la Propagande, Rome, 1873, Supplément, p. 92. Examinons ces formulaires, tombés en désuétude, avant de passer à l’étude du rituel encore en vigueur chez les Russes.

Dès le début de son abjuration, le néophyte déclarait embrasser la foi chrétienne librement, et non par contrainte, intérêt ou calcul, ou pour tirer plus aisément vengeance des chrétiens. C’était uniquement par amour du Christ et pour le salut de son âme qu’il devait renoncer : 1 » aux pratiques du judaïsme, circoncision, observances légales, solennités, sacrifices et prières, purifications et jeunes, sabbat, abstinence d’aliments réputés impurs ; 2° aux anciennes sectes juives : sadducéens, pharisiens, nazaréens, chossiéens, hérodiens, hémérobaptistes, scribes ou docteurs de la loi, et à celles, plus récentes, des grands rabbins Lazare, Élie, Benjamin et Zébédée, Abraham, Symbatius et consorts. Les fêtes commémoratives de Mardochée et de la prise de Jérusalem sous Titus, l’attente du nouvel Élie étaient l’objet d’une proscription toute spéciale, ainsi que les curieuses observances dont elles étaient accompagnées.

L’erreur abjurée, le néophyte professait sa croyance au vrai Messie et aux autres grands mystères du christianisme : trinité, incarnation, réalisation des prophéties dans la personne du Sauveur, passion et résurrection, ascension et jugement final. Il déclarait ensuite admettre de tout cœur la virginité de Marie et sa divine maternité, le sacrifice eucharistique, le baptême et les autres sacrements, le culte de la croix et des saintes images, l’invocation des saints. La formule se terminait comme elle avait débuté, par une protestation de sincérité et de désintéressement. En cas de retour ultérieur au judaïsme, le néophyte appelait d’avance, sur sa tête, les plus terribles châtiments marqués au Deutéronome, les frayeurs de Caïn et la lèpre de Giezi, les peines prononcées par les lois de l’État, et enfin, dans le siècle à venir, la société de Satan et de ses démons.

Chaque point de doctrine, chaque erreur abjurée est caractérisée, dans cette formule, par quelques mots, d’un certain intérêt dogmatique ou historique. Malgré tant de mérites, ce formulaire n’est plus en usage, sans doute parce que les conversions de ce genre sont extrêmement rares. En tout cas, il n’a été remplacé par aucun autre dans le rite grec pur, et, le cas échéant, on devrait, ce semble, s’en servir encore. Chez les Russes, il en va autrement. Plus soucieuse que sa sœur aînée du Bosphore de mettre les vieilles formules en harmonie avec les usages de la vie moderne, l’Église dirigeante de ce pays a successivement promulgué en 1751, 1776, 1831, 1815, 1858 et 1895, des rituels d’abjuration, plus simples, plus clairs, plus méthodiques que les anciens. Sans relever ici les différences qui les distinguent d’avec les rituels antérieurs, je vais décrire brièvement, d’après la dernière édition de 1895, le mode d’abjuration pratiqué à l’égard des juifs.

Après s’être assuré des bonnes dispositions du postulant, le prêtre l’admet parmi les catéchumènes et lui donne un nom chrétien. Le jour du baptême venu, il revêt ses ornements sacerdotaux (épitrachélion et phélonion ) et se rend à la porte de l’église, où déjà le postulanl s’est présenté, pendant que le chœur chante le psaume vin. Alors s’engage, entre le ministre de Dieu el

l’infidèle, un dialogue dogmatique, où les instructions du premier se croisent pour ainsi dire avec les multiples renonciations du second. Le juif commence par répudier, avec sa fausse croyance, les outrages dont ses coreligionnaires ont coutume d’accabler Jésus-Christ, sa divine Mère et ses saints ; il renonce, après cela, aux pratiques du judaïsme, circoncision, sabbat, cérémonies et solennités légales, à l’attente d’un Messie futur, aux enseignements erronés des rabbins contenus surtout dans le Talmud, en un mot, à toutes les institutions judaïques.

Vient ensuite un exposé succinct, donné par le prêtre, de toute la doctrine chrétienne. Inutile d’insister sur cette partie que tous les lecteurs connaissent : les principaux mystères y sont l’objet d’un acte de foi explicite de la part du néophyte. Cette profession de foi, il déclare la faire de plein gré, sans feinte ni contrainte, et promet d’y demeurer fidèle jusqu’à la fin. Cette promesse est confirmée par un serment solennel, dont voici une traduction aussi littérale que possible : « Moi, N. N., qui abandonne le judaïsme pour la foi chrétienne, je le déclare aujourd’hui par serment devant Dieu qui voit tout, ce n’est point par contrainte ou par peur, ou pour des vexations de la part de mes coreligionnaires, ni par intérêt ou pour tout antre motif secret que je renonce à la fausse croyance du judaïsme pour embrasser la foi salutaire des chrétiens ; c’est bien réellement pour le salut de mon àme que seule la vérité de cette foi peut procurer, c’est pour l’amour que mon cœur porte au Christ Sauveur, que je veux devenir chrétien et désire être jugé digne du saint baptême. »

La cérémonie se termine par la récitation de prières analogues à celles que prescrit le rituel pour les catéchumènes ordinaires. Cf. Eucliologium magnum, édit. de Venise, p. 135. Le baptême n’est pas administré tout de suite, mais seulement quelque temps après, suivant l’usage de l’Église orthodoxe.

Voir le texte slave-allemand de toute cette cérémonie d’abjuration dans A. von Maltzew, Die Sacramente der o> tluidox-katholischen Kirclie des Morgent andes, in-8 ii, Berlin, 1898, p. 90-127.

III. Abjuration des musulmans.

A l’heure actuelle, l’Église orthodoxe emploie vis-à-vis des musulmans le même mode d’admission qu’à l’égard des juifs : c’est celui qui vient d’être décrit. Autrefois, il en allait tout autrement, et les formulaires imposés aux transfuges de l’islam sont assez nombreux. La plupart, il est vrai, sont encore enfouis dans les manuscrits ; mais l’un d’eux a été publié, qui donne une idée des autres. Édité d’abord par Fr. Sylburg, Saracenica sive Mahometica, in-12, Heidelberg, 1595, p. 74-90, Migne l’a reproduit, P. G., t. cxl, col. 123, dans les œuvres de Nicétas Acominatos, mais sans indiquer la place précise que cette pièce doit occuper dans l’ensemble des productions littéraires du grand théologien byzantin. Or, l’examen des manuscrits, par exemple, du Monacensis 68, fol. 190 v°, montre clairement que ce rituel a été emprunté au XXe livre du Trésor de l’orthodoxie de Nicétas. Cf. Krumbacher, Geschichle der byzantinischen Lileratur, 2 P édit., in-8°, Munich, 1897, p. 92. Je vais en donner un résumé sans m’arréter au tissu de fables renfermées clans les formules de malédiction contre Mahomet et sa religion : on verra du moins comment les théologiens grecs des xii" et xiiie siècles entendaient L’apologétique.

Le néophyte, après un jeûne de deux semaines, se présentait au baptistère. Là, en présence du prêtre el d’un peuple nombreux, il devait maudire Mahomet, le taux prophète de Dieu, Ali, son gendre, ses fils Chasan et Chusen (Hassen et llaoussin), son beau-père Apoupiker (Abou-Beker), ses compagnons Umar et Talchar (Thalha), Mænia et Zubeer (Moaonïa et Zoubir), Adellan et Zeil et Izit (Abd-Allah, Zeid, Iezid), Saiten (Saïclj,