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AMÉRIQUE (ÉTATS-UNIS D’). PROTESTANTISME


les protestants sont obligés d’avouer que ces imitations de nos ordres religieux ressemblent beaucoup à des plantes exotiques qu’il est difficile d’acclimater sur un sol étranger.

3. A ces associations il faut joindre les collèges, universités et séminaires tbéologiques fondés et entretenus par les diverses communions : ils sont en nombre considérable (les méthodistes, par exemple, ont 51 collèges et universités), et leur niveau intellectuel tend à augmenter, surtout dans les institutions appartenant aux sectes importantes. Il fut un temps où presque toutes les universités étaient religieuses ; mais depuis un quart de siècle on a ouvert des universités d’État et des universités libres complètement neutres et favorisant l’indifférence.

4. C’est sous la direction des Églises protestantes, et en particulier grâce aux femmes, que se sont formées des sociétés de tempérance destinées à combattre l’ivrognerie : elles n’ont pas obtenu complètement le but qu’elles se proposaient, et ont favorisé parfois une certaine hypocrisie ; mais elles ont contribué cependant à créer un courant profond dans l’opinion publique contre un vice autrefois trop commun, même parmi les personnes de bonne société.

5. La presse est aussi un grand instrument de prosélytisme entre les mains des protestants : chaque secte a ses journaux hebdomadaires et souvent ses revues et ses brochures distribuées à profusion. Les méthodistes, par exemple, vendent chaque année pour dix millions de francs d’ouvrages religieux. De plus, la Société biblique américaine, fondée en 1816, a distribué depuis son origine, 63 millions d’exemplaires de la Bible ; actuellement elle en répand un million et demi par an. Une autre maison, Y American tract Society, établie en 1825, a distribué en soixante-treize ans 474 millions d’exemplaires de divers livres religieux.

6. Les orphelinats et hôpitaux sont d’autres moyens de propagande, les premiers surtout, où sont attirés quelquefois des enfants catholiques, pour y être élevés dans le protestantime. Dans ces derniers temps l’activité protestante s’est beaucoup développée de ce côté.

7. Enfin, quand tous ces moyens ont été insuffisants, il reste une dernière ressource, le réveil religieux : c’est une sorte de prédication enflammée, accompagnée de chants et autres exercices destinés à exciter l’imagination et à remuer les sentiments ; souvent elle se fait en plein air, et les populations du voisinage quittent leurs occupations habituelles et viennent camper autour du prédicateur : de là le nom de camp-meetings. Parfois cependant, un réveil se prêche dans une grande ville, ou même dans l’intérieur d’un collège ou dune université. Aujourd’hui, ce sont surtout les méthodistes et les baptistes qui ont habituellement recours à ces moyens extraordinaires de réveiller la foi. On ne peut nier qu’ils n’aient parfois de bons résultats ; mais souvent ils dégénèrent en une sorte de réunion plus ou inoins gaie, où l’on va pour s’amuser, et qui n’est pas toujours exempte de désordres moraux.

/L missions étrangères. — Les Américains ont tourné aussi une partie de leur activité vers les missions étrangères. Dès les temps coloniaux, quelques eiforts furent faits pour convertir les Indiens : il faut avouer qu’ils ni ; furent guère couronnés de succès. Plus tard, en 1810, fut fondée, au séminaire congrégationaliste d’Andover, la première société destinée à favoriser les missions, sous le nom A’American board of commissioners for foreign missions ; d’après les rapports officiels, cette société a envoyé à l’étranger, depuis sa fondation, plus de’2000 missionnaires, dont 53 ! ) sont actuellement en activité de service, et dépensé : environ 135 millions de francs ; elle entretient 2977 pasteurs ou catéchistes indigènes, soutient 165 églises comptant ensemble 47 122 n ici libres, et 1284 écoles fréquentées par 50625 élèves. De

plus, il y a environ 25 autres sociétés du même genre établies par les principales communions, surtout les méthodistes, les baptistes, les congrégationalistes et les presbytériens. Ces quatre dernières sectes ont consacré aux missions, pendant l’année 1897, 1a somme de 19 millions de francs ; en cette même année, elles avaient 476318 communiants en pays étrangers, un progrès notable sur 1890 où elles n’en avaient que 308901. Ce sont là, du moins, leurs chiffres, que nous n’avons pas les moyens de contrôler, mais que nous croyons sincères. On remarquera les sommes énormes dépensées par cette œuvre, et les résultats relativement médiocres obtenus par tant d’efforts, surtout si on les compare aux succès des missionnaires catholiques qui, cependant, sont loin d’avoir les mêmes ressources à leur disposition. On ne peut, cependant, dire que les missions protestantes sont absolument stériles : elles ont produit et produisent encore quelques résultats, et surtout gênent considérablement le développement des missions catholiques.

La Conférence missionnaire œcuménique, qui vient de se tenir à New-York à la fin d’avril 1900, ne fera sans doute que donner une nouvelle impulsion à la propagande déjà si active des missionnaires protestants.

Avec cette activité et cet esprit d’organisation, le protestantisme américain est destiné probablement à croître encore pendant quelques années : il perd sans doute un grand nombre de sujets, qui tombent dans le rationalisme et l’indifférentisme ; mais il se recrute aussi par l’immigration, les réveils religieux et ses multiples associations.

Y a-t-il quelque espoir de voir un jour les États-Unis catholiques ? Il y a chaque année un certain nombre de convertis (voir l’article précédent), et ce nombre augmentera au fur et à mesure que nous aurons un clergé plus nombreux et qui puisse consacrer plus de temps à l’œuvre des conversions.

Les préjugés protestants, si intenses il y a un demisiècle, diminuent chaque jour, et souvent disparaissent au contact de prêtres qui savent joindre aux bonnes manières la science et l’esprit ecclésiastique. Mais il reste encore tant d’obstacles : beaucoup s’imaginent qu’on peut faire son salut dans toutes les communions chrétiennes ; d’ailleurs, en devenant catholique, il faut sacrifier souvent les liens de l’amitié et de la famille, s’exposer à perdre caste, surtout si on est riche, et quelquefois même se condamner à la pauvreté, quand on a été élevé dans le luxe ; ce sont là des considérations qui étouffent bien des doutes, au moment où ils se font jour, et arrêtent bien des élans. On ne peut donc espérer, d’ici longtemps du moins, des conversions en masse : quelques âmes de bonne foi, parmi les plus religieuses, s’uniront à l’Église ; beaucoup de protestants tièdes tomberont dans l’indifférence ; et le plus grand nombre demeureront ce qu’ils sont, d’honnêtes gens avec un vernis de christianisme, allant au prêche une fois la semaine, récitant quelque courte prière chaque jour, et se réunissant" de temps en temps dans un club pour discourir sur les meilleurs moyens d’étendre le royaume de Dieu.

Ouvrages a consulter : Robert Baird, Religion in America, 2’édit., New-York, —1850 (la 1° édition a été tiad. en français, par L. Burnier, De la religion en Amérique, 1844) ; Bancroft, History ofthe United States, Boston et New-York, nombreuses éditions ; Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Pari-, 1835 ; .1. F. Astié, Histoire de la République des li’tatsUnis, Paris, 1865 ; E, Laboulaye, Histoire des États-Unie,

: > édit., Paris, —1870 ; Claudio.laniioi, Les États-Unis contemporains, V odit., Paris, 1889, t. ii c. xvm-xxni, xxvii ; Auguste Carlier, L’histoire du peuple américain depuis la foudation des colonies anglaises jusqu’à la Révolution de 1176 ; 

Id., La République américaine, Paris, 1890, t. m ; Paul de Rousiers.La vie américaine, Paris, 1899, 2 vol. in-12 ; James Bryce, The American commonwealth, i— édit., New-York, 18%, t. a,