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AMERIQUE (ETATS-UNIS D’). CATHOLICISME


peuple s’est montré généreux, et le nombre de temples construits en un siècle sur tout le territoire des ÉtatsUnis est vraiment extraordinaire ; leur valeur, sans parler des écoles, orphelinats, hôpitaux et autres établissements religieux, s’élevait en 1890 à deux milliards sept cent quarante millions de francs. On ne peut nier cependant que cette liberté absolue n’ait multiplié à l’infini le nombre des sectes et diminué, en les émiettant, les forces vives du protestantisme ; mais c’est là le résultat fatal du libre examen, partout où quelque autorité civile ou religieuse ne vient pas contrecarrer sa force centrifuge.

II. Relations actuelles entre les Églises et l’État. — Comme nous l’avons dit, il n’y a point en Amérique de religion d’Etat, ce qui veut dire que tout citoyen est libre de pratiquer la religion qu’il veut, ou de n’en point pratiquer du tout ; que l’État ne dote aucune secte ou établissement religieux, comme tel, et qu’il ne s’immisce aucunement dans les affaires purement religieuses. Au reste, il reconnaît et favorise le droit d’association, et fait observer les statuts et règlements que les associations religieuses se sont donnés, conformément aux lois. L’État n’est donc ni athée, ni anti-chrétien, ni même indifférent ; il regarde le christianisme, entendu dans un sens large, comme la religion du pays, et, presque partout, punit par ses lois le blasphème, la violation du repos du dimanche, la polygamie, l’adultère et les crimes contre nature. Le serment se prête sur la Bible ; pendant longtemps la Bible se lisait chaque jour dans les écoles publiques, et si l’on a cessé cette pratique dans certains États, c’est surtout pour ne pas obliger les enfants catholiques à subir la lecture d’une Bible protestante.

Le Congrès a son chapelain, et commence chaque jour ses délibérations par une prière ; il en est de même des législatures des divers États ; des chapelains, appartenant aux différentes confessions chrétiennes, sont attachés aux Hottes et aux armées et rétribués par l’État. Pendant longtemps on a voté des subventions aux ministres des différents cultes, travaillant à l’éducation des Indiens ; mais, comme on a remarqué que les catholiques en profitaient beaucoup plus que les autres, on a fini par conclure, bien à tort assurément, que c’était là une atteinte portée à la neutralité. Dans la plupart des États, la propriété ecclésiastique ne paie aucune taxe, (’tant reconnue d’utilité publique. Si, dans les différentes Églises, des procès s’élèvent sur des matières ecclésiastiques, des questions de propriété, par exemple, les tribunaux conforment, en général, leurs décisions aux lois en vigueur dans ces Églises. C’est ainsi que plusieurs prêtres ont été appelés à expliquer devant les cours civiles la législation canonique, et le verdict a été conforme aux lois de l’Église. Chaque année, après la récolte, le président de la République détermine un jour d’action de grâces, thanksgiving, pour remercier Dieu des bienfaits de l’année ; et, en certaines circonstances extraordinaires, comme par exemple en 1863, pendant la guerre civile, fixe un jour de pénitence et de prière publique. Ainsi donc, un certain esprit chrétien inspire la législation et les gouvernants. — Il y a, toutefois, quelques points noirs : dans les écoles publiques, les seules qui soient subventionnées par l’État, on n’enseigne aucune religion, et les catholiques ou protestants, qui, comprenant l’importance de l’éducation religieuse, veulent avoir des écoles paroissiales, ont à payer une double taxe, l’une pour l’école neutre et l’autre pour leurs propres écoles ; bien peu de protestants consentent à s’imposer ce fardeau, et beaucoup d’enfants ii di’jeunes gens tombent dans l’indifférence et perdent toute croyance. De plus, la législation est tellement relâchée par rapport au lien matrimonial que les ÉtatsUnis comptent à eux seuls plus de divorcés que tous les autres pays chrétiens pris ensemble ; c’est là une plaie

béante qui s’agrandit chaque jour et demande un prompt remède.

Voir les ouvrages indiqués à la fin de l’article III. Amérique (États Unis d’). Protestantisme, col. 1080.

A. Tanquerey.

II. AMÉRIQUE (États-Unis d’). Catholicisme. — I. Amérique anglaise jusqu’à l’établissement de la hiérarchie en 1789. II. Organisation du catholicisme (1789-1829). III. Affermissement du catholicisme (18291866). IV. Épanouissement du catholicisme (1866-1900). V. État actuel.

I. L’Amérique anglaise jusqu’à l’établissement de la hiérarchie catholique en 1789. — L’Église catholique aux États-Unis est supérieure à chacune des autres communions religieuses de ce pays, par le nombre de ses sujets et la forte organisation de sa hiérarchie. Les sources d’où elle est sortie sont assez variées. Les États du Sud reçurent l’Évangile vers le milieu du xvie siècle par des missionnaires espagnols qui travaillaient à Cuba et au Mexique ; les États du Nord-Ouest et de l’Est connurent la vraie foi par la France au xviie siècle ; les États de la côte de l’Atlantique s’ouvrirent aux inlluences du catholicisme, grâce aux prédications des prêtres anglais qui vinrent chercher en Amérique un refuge contre les persécutions religieuses. Depuis lors, les territoires des colonies espagnoles et françaises ayant été annexés aux États-Unis, leurs missions aussi sont entrées dans l’organisation de l’Église américaine. Il nous est impossible de donner même un court résumé des missions indiennes auxquelles l’Espagne et la France se dévouèrent pour la conversion des races indigènes sur tout le territoire qui forme aujourd’hui la République américaine. On ne peut non plu ? que mentionner en passant le fait de la découverte et de l’évangélisation de ces pays par les Northmans de la Scandinavie aux Xe et XIe siècles. D’après les Sagas, monuments authentiques de la littérature islandaise, des missionnaires auraient visité, dès le XIe siècle, une terre qu’ils appelaient « Vinland », à cause de l’abondance de ses vignes sauvages. Cf. Cantu, Histoire universelle, Paris, 1865, t. xiii, p. 20 ; Gosehler, Dictionnaire de théologie, art. Grofnland. Le Vinland ne peut être qu’une partie des États-Unis actuels, correspondant très probablement aux côtes de la Nouvelle-Angleterre.

I. Sur l’introduction du christianisme en Amérique au XIe siècle, voir Beauvois, Origine et fondation du plus ancien évêché du nouveau monde, Paris, 1878, et les documents qu’il mentionne ; Gaffarel, Étude sur les rapports de l’Amérique et de l’ancien continent avant Colomb, Paris, 1889, qui donne, aux chapitres ix et x, une abondante bibliographie et renvoie surtout aux sources ; Gravier, Découverte de l’Amérique par les Northmans au .V siècle, Paris, 181)4 ; Reeves, The Finding of Vinland, Londres, 1896 ; Quarlerlij Review, avril 1880 : The norse Hierarchy in America ; Jélio, L’évangélisation de l’Amérique avant Colomb, Paris, 1800 ; O’Gorman, Itoman catholics, New— York, 1895, p. 1-12 ; Brugère, Histoire de l’Église, autographiée, Paris, 1875.

II. Sur les missions des Espagnols chez les Indiens, voir :

— 1° Pour l’évangélisation de la Floride, F. de Soto, Histoire de la conquête de la Floride, traduction française par de f’.iti y, Paris, 18(j5 ; — 2* pour l’évangélisation du Nouveau-Mexique du Texas et de l’Arizona, Bandelicr, An historical introduction lo studies among the sedentary Indians o/ New-Mexico, Bost< ii 1881 ; Dufouri, 7 lie martyrs of New-Mexico, Santa-Fé, 1880 ;

— 3* pour l’évangélisation de la Californie, Aclain, Life of Vénérable Padre Junipcrro Serra, San-Franclsco, 1884.

III. Sur les missions des Français, voir : — 1* pour les missions du Maine, à l’est, sur la cote de l’Atlantique, Allen, History of Norridgeivock, New-York, 1820 ; Moreau, Histoire de l’Acadie française, Paris, 1872 ; — 2’pour les missions de la partie rmnlest, autour des grands lacs et dans le centre de l’État actuel de New-York, les ouvrages protestants do Parkman, publiés de 1887 à 1808, comme : The Pionncers of France in the New-World ; La Salle and the iliscovcry of the Great-West ; The Jesuiti m North-America ; Félix Martin, Vie du P. Jogues, martyr des missions iroquoises, New-York ; Sagard, Grand voyage au pays