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ABJURATION — ABJURATION DANS L’EGLISE GRECQUE

Le serment qu’y prèle le dissident converti, dans sa profession de foi, est un acte qui a ce double effet, de garantir devant les tidèles la sincérité de sa conversion, en même temps qu’il est pour lui un engagement sacré où sa foi nouvelle doit puiser un précieux auxiliaire de persévérance pour l’avenir.

Toute conversion n’entraîne pas nécessairement la formalité externe de l’abjuration. Il appartient aux supérieurs ecclésiastiques de décider dans quels cas la profession de l’erreur a été assez notoire pour exiger la satisfaction publique d’une rétractation officielle. Il est des circonstances où l’on peut l’omettre, vu le caractère suffisamment occulte du délit ; d’autres, où il est permis de se contenter d’une abjuration à publicité restreinte, faite seulement devant quelques témoins, et dûment enregistrée, pour être plus tard publiée, où et quand il y aura lieu, en cas de besoin ; d’autres enfin, où l’abjuration doit être solennelle, émise ouvertement au grand jour, devant la société chrétienne.

C’est à l’ordinaire, Benoit XIV, De synodo, IX, iv, 3, Op. onin., Prato, 1845, t. xi, p. 298, qu’appartient, en principe, et sauf légitime dérogation coutumière, le droit de recevoir les abjurations. Il peut cependant commettre cette fonction à un délégué.

Sous réserve des modifications commandées par les circonstances, et dont l’appréciation est remise au jugement des autorités ecclésiastiques, il convient d’adopter en pratique le cérémonial et la formule d’abjuration qu’on trouve dans le Pontificale Romanum, part. III, tit. Ordo ad reconciliandum aposlatam, hsereticum vel schismaticum, Malines, 1855, part. III, p. 127.

En cas d’abjuration d’hérétiques (protestants), au lieu de la profession de foi de Pie IV’, une instruction adressée parle Sahit-Ofticeà l’évêque de Philadelphie, en date du 20 juillet 1859 (Collectanea de la Propagande, Rome, 1890, n. 1689, p. 048 ; Canoniste contemporain, 1894, p. 498), indique l’emploi d’une formule plus courte et plus facile, en texte original italien, dont le Canoniste, loc. cit., donne une traduction française. Ce document, très utile aux curies épiscopales, expose, en outre, le détail de la conduite pratique à suivre pour la réconciliation d’un hérétique converti à la foi catholique. — Il existe des professions de foi spéciales pour les schismatiques grecs et orientaux. Cf. Collectanea, p. 636, 11.

L’abjuration, en France, est surtout d’usage fréquent en cas de conversion d’un protestant à la foi catholique.

Rappelons, à ce propos, que ces conversions peuvent, suivant les cas, comporter, en tout ou en partie, les opérations suivantes : 1° instruction préparatoire convenable du sujet ; 2° abjuration, profession de foi et absolution de censures ; 3° administration du baptême, sous forme absolue, s’il est certain que le converti ne l’a jamais reçu validement, sous forme conditionnelle, s’il y a doute sur la validité du sacrement conféré au sein d’une secte hérétique, et, dans ce dernier cas : 4° confession et absolution sous condition après que le baptême a lui-même été donné sous condition ; 5° confirmation s’il y a lieu ; 6° communion.

A noter : 1° que si le baptême est administré sous forme absolue, il n’y a pas lieu à abjuration, ni à confession ; 2° qu’il n’y a pas d’abjuration non plus, ni d’absolution de censures en cas de conversion d’impubères (n’ayant pas atteint l’âge de 14 ans).

L’histoire a gardé le souvenir d’un grand nombre d’abjurations célèbres. Signalons seulement, au passage, pour les temps modernes, celles d’Henri IV (1593), de Christine de Suède (1655), de Turenne (1688), d’Auguste II, roi de Pologne (1706).

Pour la pratique détaillée des différents cas d’abjuration qui peuvent se présenter, voir Aertnys, Theoloyia ]>astorulis.2’édit., Tournai, 1893, n. 103, p. 103 ; Maurel, Guide pratique de la liturgie romaine, part. I, sect. il, c. IV, a. 6, Paris, 1878, p. 716 ; Seavini, Theol. moralia universa, 1. IV, app. xxviii, n. 199,

Milan, 1874, t. iv, p. 285. Voir aussi : Granclaude, Jus canonic. , 1. V, part. I, tit. vii, sect. v, Paris, 1883, t. iii, p. 329 ; Benoit XIV, De synodo diœcesana, V, ii, 9 et 10 ; IX, iv, 3, Opéra omnia, Prato, 1845, t. XI, p. 117, 298 ; Ballerini-Palmieri, Upus theologicum morale, tr. V, sect. i, n. 149, Prato, 1890, t. iii, p. 65 ; Ferraris, Prompta bibliolh. canonica, V Abjurantes, Venise, 1770, t. i, p. Il ; Moroni, Dizionario d’erudizione écoles., " Abiurazione et Abiuranti, 1840, t. i, p. 33. Pour l’histoire des anciennes adjurations et pénitences publiques, cf. Martène, De antiquis Kcclesix ritibus, 1. III, c. vi, Rouen, 1702, t. III, p. 446 ; Morin, De psenitentia, 1. IX, Anvers, 1682, p. 603 ; Gatalanus, In Pontificale Roman., t. iii, tit. XVIII, Paris, 1852, p. 268 sq. ; Ant. Augustinus, Juris Pont. vrteris epitome, part. I, 1. XI, tit. vil, Paris, 1641, t. I, p. 484 ; Berardi, Comment, in jus ecclesiust., 1. V, part. I, diss. II, c. H, Milan, 1847, t. ii, p. 65 ; Dictionnaire d’archéologie chrétienne, t. i, col. 98-103.

Corpus juris canonici ; Décret, de Gratien, De consecr., dist. II, c. 42 ; C. 8, Si qui, caus. I, q. vn ; C. Donatum 20, caus. I, q. vu ; Décrétai. Greg. IX, 1. V, tit. vii, De hsereticis, c. 9, Ad abolendum et ibid., les commentateurs des Décrétales, Fagnan, Gonzalez, Pirhing, Schmalzgrueber, Reiflenstuel, etc.

Pour la théorie canonique plus moderne des abjurations, cf.lau-Ç 2y, Dictionnaire apologétique, v Hérésie, Paris, 1889, p. 11580.

F. Deshayes.

2. ABJURATION pour entrer dans l’Église orthodoxe, grecque et russe. — I. Hérésies disparues. Manichéisme. II. Juifs. III. Musulmans. IV. Païens. V. Apostats. VI. Catholiques. VIL Arméniens. VIII. Protestants. IX. Princesses impériales ou royales. X. Nestoriens. XL Ecclésiastiques.

L’Église orthodoxe, comme toute autre société religieuse, n’admet dans son sein de nouveaux sujets qu’à des conditions déterminées ; le dogme et la discipline, les symboles de foi et les rites sacrés y interviennent chacun pour leur part. Je n’ai à envisager, dans la présente étude, que les points de doctrine ; si certaines prescriptions du rituel s’y trouvent parfois rappelées, c’est uniquement pour mieux mettre en lumière le sens dogmatique que dérobent souvent les cérémonies extérieures ou les formules de prière. Par contre, je n’ai pas cru devoir examiner seulement la pratique actuelle de l’Église orthodoxe en matière d’abjuration : le temps nous a conservé plusieurs formulaires qui, pour n’être plus en usage, n’en intéressent pas moins l’histoire des doctrines. Tel anathème, par exemple, lancé contre une hérésie, en fait mieux saisir le caractère fondamental ; à ce titre, le théologien ne saurait en négliger l’étude. Au reste, je ne prétends nullement épuiser une question dont le domaine est aussi vaste que l’histoire même des grandes confessions religieuses. Passer rapidement en revue, et, autant que possible, dans leur ordre chronologique, les diverses formules d’abjuration propres au rituel orthodoxe, en montrer l’intérêt doctrinal, signaler, au besoin, certaines conditions étrangères au rituel lui-même, mais pourtant exigées des néophytes, voilà le but que je me suis proposé. Pour plus de clarté, ce travail a été divisé en onze paragraphes distincts, suivant les situations diverses des récipiendaires. Il est plus étendu que l’article consacré à l’abjuration, telle qu’elle se pratique dans l’Église catholique, parce que les sentiments de l’Église catholique, relativement aux diverses sectes, seront étudiés à part dans ce Dictionnaire. Il n’en sera pas de même des sentiments de l’Église orthodoxe, grecque ou russe, qui se manifestent dans les rites de l’abjuration, que nous allons faire connaître.

I. Hérésies disparues ; le manichéisme. — L’attention des conciles généraux ou particuliers s’est portée de bonne heure sur le mode d’admission à adopter vis-à-vis des hérétiques qui désiraient revenir à la vraie foi. Une lettre de l’Église de Constantinople, adressée, vers le milieu du {{rom-maj|V)e siècle, à Marlyrius, évêque d’Anlioche, et transformée par les canonistes postérieurs en 7e canon du I er concile de Constantinople (381), nous initie suffisamment à la pratique suivie par l’Église d’Orient, dès cette éporpue lointaine. Si je rappelle celle pièce avant