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exclusivement naturelles, qui n’ont souvent de la vertu que le nom et l’apparence ? Mais enfin, et surtout, avec cette théorie, que devient le dogme catholique de la nécessité absolue de la grâce et des vertus surnaturelles pour la sanctification de la vie présente et l’obtention dv la future béatitude du ciel ? Sicut enim præsidio gratin 1 natura liominum, quæ ob communem noxam in vitium ac dedecus prolapsa erat, erigitur, novaque nobililate evehitur ac roboratur, ita etiam virtutes quæ, non solis natures viribus, sed ejusdem ope gratiæ exercentur, et fœcimdæ fiant bealitalis perpetuo mansurati et solidiores ac firmiores existunt.

VI. VERTUS ACTIVES ET VERTUS PASSIVES. —

Les vertus passives — celles qui disposent l’homme à l’humilité, à l’obéissance, à une vie où sa personnalité s’efface dans la proportion des sacrifices qu’il fait aux exigences de l’autorité — étaient bonnes, nécessaires même, autrefois, alors qu’il s’agissait de fonder la société chrétienne sur la base d’une forte cohésion des volontés individuelles dans une même unité de mouvement social, ou encore de la défendre des attaques de l’hérésie, en groupant les fidèles sous une puissante autorité directrice de résistance. Aujourd’hui les choses ont changé ; c’est aux vertus actives qu’il convient de laisser le champ libre. Les hommes d’action sont les maîtres du monde !

— Singulière théorie ! car le concept de vertu passive implique contradiction, la vertu étant une perfection des facultés actives de l’homme : Virtus quæ vere passh’a sit nec est nec esse potest. C’est l’enseignement de saint Thomas : Virtus nominat quamdam potentiæ perfectionem ; finis autem potentiæ actus est, et nihil est aliud actus virtutis quam bonus usas liberi arbitrii. Sum. theol., I a H 36, q. ii, a. 1. Les vertus chrétiennes sont de tous les temps, comme le divin Exemplaire qui est venu en montrer aux hommes la sublime réalisation dans sa personne sacrée sur la terre : Haud mulatur Christus progredientibus sœculis, sed idem heri et hodie et in sa ?cula. llebr., an, 8. Ad omnium igitur œtatum homines pertinet illud : Discite a me quia mitis sum et humilis corde, Matth., xxi, 9 ; nulloque non tempore Christus se nobis exhibet factum obedientem usque ad mortem, Philip., Il, 8 ; valetque quavis œtate Apostoli sententia : Qui sunt Christi carnem suam crucilixerunt cum vitiis et concupiscentes. Galat., v, 21. Quas utinani virtutes multo nunc plures sic cotèrent, ut homines sanctissimi prseterilorum temporum, qui demissione animi, obedientia, abstinentia, potentes fuerunt opère et sermone, emolumento maxinw nedum religiosæ rei sed publicee ac civilis.

VII. PLUS DE VŒUX DANS LES ORDRES RELIGIEUX. —

Voici la conséquence logique du discrédit où sont tombées dans l’estime des novateurs les vertus « passives » évangéliques, qui ont fait pourtant la grandeur et la force morale des âges chrétiens, comme aussi le fondement de la vie religieuse réalisée dans les nombreux ordres anciens dont s’honore l’histoire de l’Église. Ex virtutum evangelicarum veluti contemptu, quæ perperam passivæ appellantur, pronum erat sequi, ut rcligiosæ etiam vitæ despectus sensim per animas pervaderet. Les vœux, dit-on, ne s’accordent plus avec les mœurs du temps présent ; ils restreignent la liberté, ils ne conviennent plus aux âmes fortes, et ne peuvent plus être que le partage ? des faibles ; ils sont un obstacle à la perfection chrétienne et au bien général de la société. Aiunt Ma (vota) ab ingenio œtatis nostræ dissidere piurimum, ulpole quæ humanæ liberlalis fines coerceant, esseque ad iu/irmos animos magis quam ad fortes apta, nec admodum valere ad christianam perfi’ctiiiHcm humanœqite consociationis bonum, quin polius utrique rei obslare algue officere. — Rien de plus faux, dit Léon XIII, rien de plus contraire aux usages et.’i la doctrine de l’Église, qui a toujours consacré 1 par sa haute approbation le genre de vie propre aux ordres religieux ; et cela avec raison, car ceux que Dieu appelle et qui embrassent spontanément la pratique d’une perfection évangélique supérieure, non contents d’accomplir les préceptes de la loi commune, se montrent toujours d’actifs et généreux soldats du Christ. Verum hœc quam falso dicantur ex usu doclrinaque Ecclesiæ facile palet, cui religiosum vivendi genus maxime semper probatum est ; nec sane immerito ; nam qui a Deo vocati, illud sponte sua amplectuntur, non contenti communibus prœceptorum officiis, in evangelica euntes consilia, Christi se milites strenuos paratosque ostendunt. Est-ce là le fait d’esprits faibles, un dessein inutile ou nuisible à la perfection de la vie ? Ilocnc debilium esse animorum putabimus, aut ad perfeclioncm vitæ modum inutilem aut noxium ? C’est faire injure aux ordres religieux et donner un démenti à l’histoire de la conversion des peuples, de la conversion même de l’Amérique à l’heure présente, que de tenir la vie religieuse pour inutile à l’Église, fût-elle pratiquée loin de l’agitation des foules dans la contemplative solitude du cloître, là où, avec le bienfait de ses prières et de ses pénitences, elle donne encore au monde le spectacle de la plus édifiante preuve d’énergie héroïque qui soit, icibas : le complet triomphe de la volonté sur elle-même !

L’Église ne redoute ni le progrès temporel de la civilisation ni l’évolution éventuelle de sa discipline conformément aux exigences des milieux où elle a reçu mission d’accompagner toujours l’humanité, jusqu’à la fin des siècles, pour la sanctifier par l’effusion des dons surnaturels de l’esprit et du cœur, dont elle est divinement la dépositaire. Qu’on invente donc de nouvelles formes d’associations religieuses sans vœux, qu’on mette en usage de nouveaux procédés de prédication mieux adaptés aux besoins des peuples ; il n’y a rien là dont l’Église puisse beaucoup s’alarmer, rien même qu’elle ne trouve, à l’occasion, parfaitement acceptable, mais à la condition qu’on ne lui demandera pas de sacrifier aux nouveautés l’immutabilité de son dogme, non plus que les procédés essentiels de vie et de prédication chrétiennes tels que les ont pratiqués Jésus-Christ, les apôtres et les saints de tous les âges.

Léon XIII termine : Ex his quæ hucusque disseruimus palet non posse Nobis opiniones Mas probari quarum summam americanismi nomine nonnulli indicant.

A l’exemple du souverain pontife, pour n’apporter aucun élément irritant dans une controverse où il y aurait certainement plus d’incorrections dogmatiques à relever que de blâmables intentions — mens, ut créditants, non mala, at certe res carcre suspicione minime videntur — nous nous sommes abstenu de mettre en cause aucun nom propre, sauf celui du P. Hecker qu’il était impossible de passer sous silence ; pas plus que Léon XIII, nous n’avons cru opportun d’emprunter littéralement à ses sources le texte des propositions dites « américanistes », ni de les censurer d’aucune note théologique. A quoi bon d’ailleurs ? Rome a parlé ; le débat est clos ; il n’appartient plus désormais qu’à l’histoire.

W. Elliott, The Life of F. Hecker, 2e édit., New-York, -1894 ; Le Père Hecker, par le P. W. Elliott, traduit et adapté de l’anglais, inti’oduction par Mgr Ireland, préface par l’abbé Félix Klein, Paris, 1897 ; Mgr Iretand, The church and modem Society, 1808 ; F. Klein, Nouvelles tendances en religion et en littérature, 1807 ; Ch. Maignen, Le P. Hecker est-il un saint ? Paris, 1807 ; A.-J. Delaltre, S. J., Un catholicisme américain, Namur, 1808 ; Mgr O’Connel, L’américanisme d’après le P. Hecker. 1807 ; H. Schell, Die neue’Lrit unit der aile Glaube, 1808 ; Ami du Clergé, n.’il, 13 oct. 1808 ; Revue du clergé français, mars et août 1898 ; Contemporary review, déc. 1807 ; Iievue française d’Edimbourg, sept.-oct., 1807 ; Mgr Ireland, The Church and modem society, 1808 ; Université catholique, sp)it. 1807 ; Catholic world, passim ; Études religieuses des jésuites, t. i.xxii, p. 807 ; t. i.xxvi, p. 214, 035 ; t. i.xxix, p. 759 ; Iievue thomiste, sept. 1897 ; E. Copplnger, La polémique fran-