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AME. SA SPIRITUALITÉ. DÉMONSTR. RATIONNELLE

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cf. n. 29, 118, 195, 203, 230, 293, 368, 356, 384, 408, 601, 873. — Plus tard, au commencement du xiiie siècle, le IVe concile de Latran enseigna la même vérité, d’une manière plus directe : Utramque denihilo condidit creaturam, spiritualem et corporalem : angelicam videlicet et mundanam, ac deinde humanam quasi communem ex spiritu et corpore constitutam. Denzinger, op. cit., n. 355. Le concile du Vatican a reproduit textuellement la définition du concile de Latran. Cette reproduction lui confère une nouvelle précision, car les Pères du concile avaient sans aucun doute l’intention d’atteindre les matérialistes contemporains, qui rejettent l’existence de toute réalité spirituelle. Le matérialisme a été mis par eux, sous une forme très explicite, au nombre des hérésies. Si quis prseter materiam nihil esse affirmare nonerubuerit, anathema sit. Vacant, Etudes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 233.

Non seulement les papes et les conciles ont distingué l’âme du corps et affirmé sa spiritualité, mais encore ils ont déterminé certains des rapports qu’elle soutient avec lui. D’après la doctrine de l’Église, l’âme raisonnable est le principe de la vie corporelle et la forme immédiate du corps humain. En 1860, Pie IX rappela qu’on ne peut nier, sans errer dans la foi, l’unité de l’âme humaine. Considérantes hanc sententiam, quæ unum in homine ponit vitse principium animani scilicet rationalem, a qua corpus quoque et vitani omnem et sensum accipiat, in Dei Ecclesia esse communissimam atque docloribus plerisque, et probatissimis quidem maxime, cuni Ecclesise dogmate ita videri conjunctam, ut hujus sit légitima solaque vera interpretalio, nec proinde sine errore in fide possit negari. Epistola ad episc. Wratislaviensem, 30 aprilis 1860. Le VIIIe concile général (869) avait défini contre les apollinaristes que l’homme n’a d’autre âme que l’âme raisonnable. Unam animam rationalem et intellectualem habere hominem. Denzinger, Enchiridionsymbolorum, n. 274. De plus, le concile général de Vienne (1311) a défini que la substance de l’âme raisonnable est vraiment par elle-même et par son essence la forme du corps humain. Il déclare hérétique celui qui prétendra 13 contraire, quod anima rationalis seu intellectiva non sit forma corpuris humant per se et essentialiter. Denzinger, n. 409. Cette définition du concile de Vienne a été renouvelée par le Ve concile de Latran (1512), et par Pie IX (1857, 1860). Denzinger, n. 621, 1509. Nous n’avons pas à entrer dans la controverse théologique qui s’est élevée sur le sens de la formule conciliaire. Nous n’avons cité ces textes que pour montrer le progrès de la théorie du composé humain.

Distincte du corps, l’âme est la forme du corps. De plus, elle est immortelle. Cela revient à dire qu’elle est une forme subsistante et, par conséquent, un principe spirituel. Vacant, Etudes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 214.

V. Théologie.

Les théologiens, s’appuyant sur la foi et sur la raison, sont unanimes à reconnaître que l’âme est distincte du corps et qu’elle ne dépend pas intrinsèquement des organes dans l’exercice de ses plus hautes fondions, intelligence et volonté. L’analyse métaphysique les a conduits à admettre que, sans la spiritualité de l’âme, il devient impossible d’expliquer convenablement la liberté et l’immortalité, deux dogmes de la raison qui sont supposés par tout le christianisme. La grâce sanctifiante, les vertus infuses, les dons du Saint-Esprit, les béatitudes, toute la vie surnaturelle et si m admirable pouvoir de divinisation sont inintelligibles, si la substance et les facultés naturelles de l’âme n’appartiennent pas à l’ordre spirituel.

Aussi, les discussions entre théologiens portent-elles, non sur le fait, mais sur la nature de l’immatérialité, A ce point de vue, il faut signaler la célèbre théorie de l’école franciscaine. Alexandre de Halès et saint Bonaventure avaient attribué à l’âme humaine une certaine matière spirituelle, maleria spiritualis. Anima humana, dit le premier, dicitur composita ex forma et maleria intellectuali ; materise enim corporalis terminus et magnitudo, spiritualis autemmateriæ nonest terminus. Sum. theol., II a, q. vi, a. 1. — Le second soutient la même opinion au sujet des anges, llla positio videtur verior esse, scilicet quod in angelo sit compositio ex materia et forma. lnlV Sent., . II, dist. III, q. r, a. 2 ; dist. XVII, q. i, a. 2. Pierre de Tarentaise appelait cette théorie planior et facilior. Scot s’est employé à la démontrer. Tout être créé est mélangé de puissance et d’acte. Or la puissance, potentia passiva, contient, d’après le docteur subtil, des éléments matériels. Potentia passiva nonest aliud quam respectus fundatus in materia et hoc ex essentia materise. Il y a trois espèces de matière première : materia primo prima, secundo prima, tertio prima. La materia primo prima est absolument indéterminée : Habenlem actum de se omnino indeterminatum respeclu détermina tionis cujuslibet formée, cujus actualilas est immédiate prope nihil, ac per hoc minima, quod præstat fideimentum cuicumque formée, qualem poscimus in angelis et anima. De rerum princip., q. vii, a. 2, n. 15 ; q. viii, a. 2, n.6 ; n. 19, 20 ; q. vu. La materia primo prima possède en propre l’acte d’exister : non habet illud quod est actu extra nihil et terminus creationis, a forma. Op. cit., q. vii, a. 1, n. 2, 3. Cependant, elle n’est l’acte de rien. Nullius est actus, est quoddam in actu, ut est res quædam extra nihil, effectus Dei. Q. vii, a. 1, n. 5. Scot ne nie pas que Dieu puisse créer une substance spirituelle, dépourvue de matière, mais il croit qu’une telle substance ne pourrait être sujet ni de passion, ni d’altération : Non intendo negare quod Deus facere possit aliquam substantiam spirilualem sine maleria, sed dico quod talis nullo modo esset passibilis, nec secundum aliquem modum allerabilis. Op. cit., q. vii, a. 2, n. 28.

La materia primo prima entre donc dans la constitution des êtres spirituels, aussi bien que dans celle des êtres corporels. Dieu seul est acte pur. Scot se prend à contempler l’évolution du monde sortant, sous la main du créateur, de la materia primo prima ; tout à coup son style se colore et l’image jaillit : Mundus est arbor quædam pulcherrima, cujus radix et seminarium est materia prima, folia fluentia sunt accidentia ; frondes et rami sunt creata corruptibilia ; / ! os rationalis anima ; f rue tus naturx consimilis et perfectionis natura angelica. Unicus autem hoc seminarium dirigens et formans a principio est manus Dei. Op. cit., q. vii, a. 4, n. 30.

Au fond, la materia primo prima de Scot, matière métaphysique qui n’est déterminée ni à la forme corporelle, ni à -la forme spirituelle, n’est pas très éloignée de la potentialité que saint Thomas reconnaît à tout être créé. Mais combien la conception de l’Ange de l’école est plus lucide et plus profonde !

Les âmes et les esprits n’ont rien de matériel : ce sont des formes, mais des formes composées de puissance et d’acte, de substance et d’accidents, d’essence et d’existence. Dieu seul est l’acte, la substance, l’être.

Voir les ouvrages indiqués à l’article II. Ame. Écrits sur l’âme considérée au point de vue théologique, col. 971.

E. Peillaube.



IX. AME. SA SPIRITUALITÉ. Démonstration rationnelle d’après la philosophie de saint Thomas. —
I. Possibilité d’une démonstration rationnelle.
II. Indication de preuves diverses.
III. Le moi est un et identique.
IV. L’âme humaine est simple.
V. L’âme humaine est spirituelle.

I. Possibilité d’une démonstration rationnelle.

Un des grands soucis des Pères du concile du Vatican