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AME. SA SPIRITUALITÉ. DÉMONSTR. THÉOLOGIQUE

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meurt, c’est tantôt le néfés et tantôt le rùah qui disparait. Le premier semble désigner de préférence le moi, la personnalité ; il sert quelquefois de pronom réiléchi. Le second fait penser au voO ; des Grecs ; lorsque Yahweh retire le rûah du corps de l’homme, le corps redevient poussière et le rûah survit. La Bible affirme donc, dés ses premiers chapitres, la distinction de l’àme et du corps, la survivance de l’âme et par conséquent une certaine indépendance de l’esprit à l’égard de la chair. Bien plus, elle nous enseigne que par son âme l’homme est créé à « l’image et à la ressemblance de Dieu ». Gen., I, 26-28. « Dieu fait sortir chaque chose de ses principes, dit Bossuet ; il produit de la terre les herbages et les arbres avec les animaux, qui n’ont d’autre vie qu’une vie terrestre et purement animale ; mais l’âme de l’homme est tirée d’un autre principe qui est Dieu. C’est ce que veut dire ce souffle de vie, que Dieu tire de sa bouche pour animer l’homme. Ce qui est fait à la ressemblance de Dieu ne sort point des choses matérielles ; et cette image n’est point cachée dans ces bas éléments pour en sortir, comme fait une statue de marbre ou de bois. L’homme a deux principes : selon le corps, il vient de la terre ; et c’est pourquoi, dit Salomon, pendant que le corps retourne à la terre d’où il a été tiré, l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné. » Elévation sur les mystères, 4e semaine, {{rom-maj|XI)e élév.

Le livre de la Sagesse marque un grand progrès dans le développement de la doctrine de l’immortalité. Il contient aussi une conception plus claire et plus achevée du composé humain. La nature immatérielle de l’àme y prend des contours précis, par son opposition avec le corps. Aucun autre livre de l’Ancien Testament n’a un langage aussi explicite. Corpus enim, quod corrumpitur, aggravât aniniam, et lerrena inhabitatio deprimit sensum multa cogitentem. Sap., ix, 15. « Le corps corruptible accable l’àme et la demeure terrestre alourdit l’esprit qui médite beaucoup de choses. » L’âme subsiste, elle a sa vie propre, ses opérations sont plutôt gênées que servies par le corps. La mort ne fera que libérer l’âme et lui rendre l’indépendance de ses facultés. On voit combien sont voisines les idées de spiritualité et d’immortalité. Revue biblique, 1 er avril 1898, La doctrine de l’immortalité, par M. Touzard ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, 1. II, c. i-iv.

Le Nouveau Testament retrace souvent le tableau d’une lutte douloureuse entre les tendances de la chair et celles de l’esprit. Écoutez saint Paul : Scimus enim quia lex spiriluaiis est : ego autem carnalis sum venumdatus sub peccato. Non enim quod volo bonum, hoc facio : sed quod nolo malum, hoc ago. Invenio igitur legem, volentimilii facere bonum, quoniam mihi malum adjacet : condelector enim legi Dei secundum inleriorem hominem : video autem aliam legem in membris meis, repugnanlem legi mentis mese, et captivanlem me in lege peccali, quae est in membris meis. Infelix ego homo, quis me liberabit de corpore mortis liujus" ? Gratia Dei per Jesum Christum Dominum nosrum. Igitur ego ipse mente servio legi Dei ; carne autem legipeccati. Bom., vii, 14-25. L’apôtre soutire et se plaint du combat que se livrent en lui la loi de l’esprit et celle de la chair. Il souhaite d’être délivré de ci’corps qui le tient en esclavage, Affranchi, il suivrait sans défaillance la lui spirituelle. L’esprit a donc sa loi propre et cette loi est radicalement opposée à la loi de la chair. L’àme de l’homme est immatérielle.

On pourrait apporter un très grand nombre de textes qui insinuent la spiritualité de l’âme. Mais aucun ne dit en termes formels que l’âme est un pur esprit, sauf peut-être le passage suivant de saint Luc : Videte manus meus < ! pnli’s, quia ego ipse sum : palpate et videte : quia SpiritUS camem et nssn mm Italie ! , sicut me vide-Us habere. Luc, xxiv, Ui). Le mot spiritus est défini, il désigne ce qui n’a ni chair, ni os, ce qui est incorporel ou immatériel.

En résumé, la Bible suppose partout la spiritualité de l’âme, quoiqu’elle reste muette sur la nature de cette spiritualité.

III. Pères et écrivains ecclésiastiques.

L’homme est composé de deux substances distinctes et irréductibles, le corps et l’âme ; le corps retourne à la poussière, en attendant la résurrection, l’âme remonte à Dieu son principe et s’unit de nouveau au corps ressuscité. Telles sont les données de la foi. On les retrouve chez tous les Pères et écrivains ecclésiastiques, avec un degré de précision et d’analyse qu’elles n’ont pas dans les saintes Ecritures. Obligés de défendre l’immatérialité de l’âme contre les erreurs philosophiques de leur temps, les apologistes ont écrit, pour la plupart, des Ilep’i <J/y/î) ; e t des De anima, où, sans prétendre à une systématisation spéculative et abstraite, ils se sont expliqués sur la nature du composé humain.

Les Pères des trois premiers siècles admettent tous la spiritualité, comme on l’a montré à l’article Ame, Doctrine des trois premiers siècles. Si ces Pères, et même ceux qui ont écrit plus tard, sont loin de présenter une conception uniforme de la spiritualité, cela tient, comme on l’a vu dans cet article, à la difficulté qu’il y avait alors à concilier les données de la révélation chrétienne avec celles de la philosophie grecque. Deux courants se dessinent parmi les écrivains ecclésiastiques de cette époque, l’un dérivant du stoïcisme, l’autre partant du platonisme. Au sujet des Pères qui se rattachent au courant stoïcien, comme Tertullien, deux points essentiels sont à noter. En premier lieu, l’immortalité et la subsistance n’étaient, pour eux, que des propriétés extrinsèques à l’àme, accordées par Dieu ; tandis que pour saint Thomas elles sont des propriétés intrinsèques : la nature de l’âme étant ce qu’elle est, il faut qu’elle subsiste et qu’elle soit immortelle. En second lieu, cette double manière d’entendre la subsistance et l’immortalité entraîne une conception de la nature de l’àme très différente de la conception thomiste. Si l’âme subsiste par elle-même per se, elle est spirituelle, au sens très précis du mot. Si la subsistance ne lui convient qu’en raison du corps, per accidens, elle est seulement simple, c’est-à-dire inétendue en elle-même, mais étendue par rapport au corps, sans lequel elle devient incapable d’exister et d’agir. Les Pères stoïciens ont donc pu dire que l’âme est simple et qu’elle est composée : ils ne lui reconnaissent qu’une subsistance extrinsèque et accidentelle.

Ceux des Pères qui se sont inspirés des doctrines platoniciennes posent et résolvent, de façon plus nette et surtout plus exacte, le problème de la nature de l’âme.

Le grand docteur de l’École d’Alexandrie, Origène, admet que, de son essence, l’àme est incorporelle. Sans doute plusieurs de ses paroles donnent lieu de croire qu’il voyait dans la nature de l’âme et des esprits un certain caractère de corporéité. Mais il voulait simplement dire, avec les platoniciens, que les âmes ne sont jamais complètement dépouillées de corps et qu’en outre du corps grossier dont elles sont revêtues pendant cette vie, elles sont unies à un corps aérien qui les suit partout et qui survit à la destruction du premier. Porphyre et l’iolin désignaient ce corps subtil sous le nom de corps spirituel, parce qu’il est le revêtement intérieur de l’âme. Philopon admettait encore un troisième corps, plus subtil, plus spirituel, qu’il nomme « raijxa ojpâviov, atOépiov, aô-pEiôeç ", il l’accorde aux âmes délivrées d’affections matérielles. D’autres l’appellent tb Tiveu^a-ixciv. Mais il faudrait être bien étranger aux théories des néoplatoniciens pour croire qu’ils faisaient consister la nature de l’âme dans l’un ou L’autre de ces corps.

La conception spiritualiste reçut un nouvel éclat avec les trois lumières de la Cappadoce, saint Basile, saint Grégoire de Nysse et saint Grégoire de Nazianze.