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AME. DOCTRINE DES GRECS

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avec le Dialogus de anima que Fr. Creuzer a publié sans nom d’auteur, en 1835, à la suite de VAntithetictis in Plotinum, p. 1443-1447. Sans embrasser aveuglément toutes les opinions d’Aristote, Choumnos est un adversaire avoué, non seulement des néo-platoniciens, mais encore de Platon : par-dessus l’auteur alexandrin son traité atteint en droite ligne le rival du Stagyrite. Pour le prouver et montrer du même coup à quelle école se rattache notre philosophe, il suffit de dire que les propositions soutenues par lui contre Plotin sont les suivantes : les âmes ne préexistent pas aux corps ; elles n’émigrent pas d’un corps dans un autre ; la brute n’est et ne sera jamais douée d’une âme intelligente ; nos connaissances ne sont pas de vieux souvenirs qui se réveillent ; les corps ressusciteront ; unis à l’âme ils jouiront de biens éternels ou subiront des peines éternelles. On devinera sans peine, à ce résumé, que Nicéphore Choumnos n’ignorait point le T héophraste d’Énée de Gaza. P. G., t. lxxxv, col. 871-1004.

Ce que je disais tout à l’heure au sujet de la part très large faite par lilemmides au chapitre des facultés de l’âme dans tous ses ouvrages philosophiques, il faudrait le répéter pour la plupart des Byzantins qui se sont occupés de psychologie. Ainsi, Mathieu Cantacuzène, le fils aîné de l’empereur Jean Cantacuzène (1341-1355), écrivit pour sa propre fille un petit traité sur les trois puissances de l’âme. Ces trois principes sont ceux-là mêmes que Platon a imaginés : l’un qui s’émeut et s’indigne, tô 0u[j.o£15£ ;  ; un autre qui résonne et connaît, tô Xoyia-Tcxôv ; le dernier, enfin, qui convoite tout ce qui se rapporte aux plaisirs et aux délices du corps, tô stt16’jjxr]Tixôv. Ce dernier est placé dans le foie (Platon le mettait dans le ventre) ; la colère se trouve dans le cœur ; l’intelligence enfin dans le cerveau. Le reste du traité est moins d’un psychologue que d’un physiologue. Il a été publié par J. Sakkélion, AeXtiVjv tîj ; i<7Toptxî) ; xa èôvoXoyixîi ; âtaipîai ; ty|ç’EXXâôoç, Athènes, t. II, 18851889, p. 436-439, et, d’une façon plus correcte, dans le Ilapvaaaôç, Athènes, t. xi, 1888, p. 282-284. B. Antoniades a donné les variantes du manuscrit de Moscou, AeXti’ov, t. iv, 1892-1895, p. 527-532.

On a de Grégoire Palamas, mort vers 1360, une curieuse prosopopée en trois parties ; on y voit tour à tour l’âme dresser contre le corps un réquisitoire en règle, le corps se défendre, et le tribunal fictif prononcer son verdict : Prosopopœia animée accusantis corpus et corporis se defendentis, cum, judicio. P. G., t. cl, col. 959, 1347 ; A. Jahn, in-8°, Halle, 1884. Cette étrange composition s’ouvre par une considération toute platonicienne sur la nature de l’âme et sur ses parties. Cf. K. Krumbacher, op. cit., p. 485-486. Le même auteur parle également de l’âme en plus d’un passage de ses Capila pliysica, tlteologica, etc. P. G., t. cl, col. 1140 sq.

Un des plus complets représentants de la science religieuse byzantine à son déclin est Syméon, archevêque de Thessalonique (1410-1429). Sans avoir écrit sur le sujet qui nous occupe de traité méthodique, il n’a pas manqué de nous en dire quelque chose en passant. Ici, il affirme que l’âme est créée par Dieu et unie au corps dès le premier instant de la conception, ouo-riç (i.e. ty>yr { c) jxàv àv a’JT’ii (i.e. (ipiçsi) cpycn-xâj ; àp - /918ev tû> <77répij.aTi êrifjuo-jpYixvjÔEi’aô-jviiiEi, P. G., t. clv, col. 840 ; là, que cette âme, en dehors de la vie qu’elle communique au corps, possède une vie, une existence propre, -r 4°JX*i 5è û xat tô <To)}j.a Î(oo7roteî’, àXXà xoù xaO’kûttJv êori, P. G., t. clv, col. 837 ; ailleurs, que l’âme est immatérielle de sa nature. P. G., t. clv, col. 844. Certain passage de lui sur le concept, sur le verbe intérieur, est tout à fait digne de notre scolastique. P. G., t. clv, col. 348-349.

Joseph Bryennios, mort vers 1436, se rapproche beaucoup par la méthode comme par la doctrine de Nicéphore Blemmid.es : c’est un définisseur perpétuel. Telle de ses pages, où il traite ex professo de l’âme, n’offre qu’une accumulation de définitions empruntées à Platon aussi bien qu’à Aristote. Voici celle qu’il adopte pour son propre compte ; je la donne dans le texte original, fort difficile à se procurer :’iu’/r, £<7Tiv o-iffia Xstuty], àopa-ro ; ts xa’i a<7 - /rj[j.àT[<TTo ; , elxtôv 6so{j xat ôtioiuirt ; - -Loù u.ip’0 T0wnr]ç oO Ta TpS71Ta xcxt’evlpyeiav (xôvov, XoyiffjLôç, O’jiaô ; xa emôuiu’a, àXXà iroXXài jj.5XX.ov Ta èvdvTa tocjtti xa6’jTtapÇtv, voO ; xai Xôyo ; xài vEÛjxâ Ècm ; l’unie est une substance simple, invisible, sans forme déterminée ; c’est l’image et la ressemblance de Dieu : elle n’a pas seulement comme parties les instruments de ses opéralions, c’est-à-dire le raisonnement et les deux appétits concupiscible et irascible, mais encore et surtout Ich puissances innées qui la constituent, l’intelligence, la raison, le principe vital.’Iwa-rj ? [j.ova-/o’j toù Bpuevviu-j Ta eûpeOÉvTa, Leipzig, 1768-1784, t. I, p. 55. Ailleurs, il ne distingue dans l’âme que deux parties : le Xoycxdv et l’àXoyov. Au Xdyoç, il attribue le voûç et le izvvjj.o. ; à l’aXoyov, le 8uij.ô ; et rèiriO’ju, îa, la çavTatua et l’aî’<j8ï)<ri ; . Tom. cit., p. 50. Mais il revient àla division platonicienne des troisparties pourfonder son système moral. Tom. cil., p. 130, 167. Sa répartition des puissances (Suvâ^eiç) en trois catégories, végétatives, vitales, cognoscitives, est en tout semblable à celle de Blemmides. Même similitude pour les opérations attribuées à chacune d’elles. Des cinq facultés de connaître, levo-jç et la îcàvoia appartiennent au Xoyixôv, la çavTaffia et l’al’cÛ/ii :  ; à l’aXofov, la Sd ?a est commune aux deux. Tom. cit., p. 66 sq. En résumé, la psychologie de Bryennios, comme celle de Blemmides et de tous les Byzantins est un syncrétisme de tous les systèmes antérieurs. Cf. Ph. Meyer, Des Joseph Bryennios Schriften, Lcben und Bildung, dans Byzantinisc /ie Zeitschrift, t. v (1896), p. 74-111, et plus spécialement les pages 108-109.

Quand Bryennios mourut, la querelle qui divisait déjà les contemporains de Nicéphore Choumnos, K. Krumbacher, op. cit., p. 479, élait sur le point d’éclater à nouveau dans le monde philosophique. Durant tout le moyen âge, en dépit de controverses passagères, une sorte de compromis avait régné, à Byzance, entre Aristote et Platon ; il s’agissait maintenant d’opter entre les deux écoles. De là les polémiques passionnées qui s’élevèrent, vers le milieu du XVe siècle, sur l’autorité des deux princes de la philosophie et la valeur de leurs systèmes respectifs. Engagé d’abord par Gennadius et Pléthon, le débat fut continué par Bessarion et Georges de Trébizonde, puis par tous les savants grecs de la Benaissance. Cf. W. Gass, Gennadius und Plcthon, in-8°, Brestau, 1844 ; A. Stôckl, Geschiclite der Philosophie des Miltelalters, in-8 Mayence, 1866, t. iii, p. 136-151 ; H. Vast, Le cardinal Bessarion, in-8°, Paris, 1878, p. 326-363 ; Ch. Huit, Le platonisme à Byzance et en Italie à la fin du moyen âge, Compte rendu du troisième congrès scientifique international des catholiques. Sciences philosophiques, in-8 », Bruxelles, 1895, p. 293-309. Les autres ouvrages relatifs à cette question sont cités par K. Krumhacher, op. cit., p. 429. Très intéressante en elle-même, cette grande querelle n’eut aucune influence sur la psychologie. On discuta beaucoup, de part et d’autre, sur les théories de Platon et d’Aristote relatives à l’âme humaine ; mais on ne jeta dans le débat aucune idée nouvelle. Il n’y a donc pas lieu de nous y arrêter.

IV. Depuis la. prise de Constantinople par les Turcs. —

Avec la conquête ottomane commence pour l’Église grecque une existence toute nouvelle, dont les conditions imposèrent nécessairement aux esprits une orientation qu’ils n’avaient point connue auparavant. Dans le domaine psychologique, le seul qui doive nous occuper ici, cette conquête amena comme dans les affaires extérieures une certaine anarchie. L’enseignement traditionnel faisant défaut, les rares intelligences que tourmentaient encore les problèmes de la destinée