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AME. DOCTRINE DES GRECS

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mysticisme ; l’enseignement didactique fait défaut, mais on peut sans trop de peine en réunir les éléments fondamentaux. Le point de départ de Nicétas est la sensibilité et la distinction des sens en raisonnables (vue, ouïe) et irraisonnables (goût, odorat, toucher), les deux premiers, plus voisins de la raison, sont mis en mouvement par elle et éveillent à leur tour les trois autres, par lesquels l’homme touche à la béte. P. G., t. cxx, col. 853. Si de la sensibilité externe nous passons à la sensibilité intérieure, de l’âme irraisonnable à l’âme raisonnable, nous trouvons entre les facultés de l’une et celles de l’autre une parfaite corrélation : à la vue correspond l’intelligence, à l’ouïe la conception, à l’odorat le discernement, au goût le jugement, au toucher la vigilance du cœur. Ibid., col. 856. Nicétas poursuit en assignant à chacune de ces puissances une fonction mystique particulière. Un peu plus loin, il énonce plus clairement son système psychologique. De même, dit-il, que le corps a cinq sens, l’âme est douée de cinq facultés de connaître (aicô/jusc : ) : l’intelligence, la raison, le sens intellectuel, la connaissance et la science, lesquelles se ramènent à trois opérations (Èvepysia ; ) : l’intelligence, la raison, la sensibilité. Ce serait plutôt le contraire qu’il faudrait dire, à moins d’entendre, contrairement à l’usage, par èvepysiûv les facultés, et par 8-jvâ(j.st ; les opérations. Nous ne suivrons point notre auteur dans ses autres subdivisions ; le mysticisme y prédomine, au détriment de la pensée philosophique. De nouvelles considérations, appuyées sur des principes différents, viennent sans cesse modifier les premières impressions.

Michel Psellus (1018-10967) n’est pas un mystique comme Syméon et Nicétas, mais un philosophe de profession. Admirateur passionné de Platon, il en propage les théories à Byzance en les accommodant de son mieux avec la théologie chrétienne. Du reste, rien n’est difficile à résumer méthodiquement comme sa philosophie ; ondoyant et divers, il sème pour ainsi dire les idées plus qu’il ne les coordonne. Le plus souvent, il rapporte l’opinion des anciens sans nous dire s’il la partage ou la rejette. On sent, toutefois, que ses préférences sont pour Platon. Sa psychologie, en particulier, est empruntée tout entière au chef de l’Académie. Je ne puis signaler ici que les points principaux de sa doctrine sur l’âme humaine, en prenant surtout pour base dans cette analyse un certain nombre de chapitres de son De omnifaria doctrina.

A l’exemple de Platon, Psellus distingue dans l’âme trois parties : l’intelligence (vo0 ; ), l’âme raisonnable (tyv/j,), l’âme irraisonnable (aXoyov). Toute âme ne possède point toute intelligence. L’intelligence suprême, par exemple, reste bien au-dessus de n’importe quelle âme. Après cette première intelligence, il en vient deux autres, l’une supramondaine (ûuepxôirjxio ; ). l’autre mondaine (b(Y.60y.ioç). L’essence, la puissance et l’opération de ces intelligences sont également éternelles. P. G., t. cxxii, col. 701, 712. C’est pour cette raison que l’intelligence n’est point composée de parties. En cela, elle se distingue essentiellement du corps. Ibid., col. 704. Psellus entend-il faire de l’intelligence participée une simple faculté de l’âme humaine, ou un principe foncièrement distinct et autonome ? Son langage est trop indécis pour que l’on puisse répondre à cette question. Ce qu’il dit de l’âme raisonnable (Xoyoç) n’est guère plus précis. Il distingue en elle trois actes : la pensée intuitive (vôrja-i ; ), l’opinion (SôEa), la pensée discursive (Siâvoia). Ibid., col. 705, 709, 1029, 1 137. Ce sont ces trois actes ou facultés qui constituent à proprement parler l’homme (avôpwTio ; ). En descendant plus bas, on rencontre l’animal (Çâ>ov), lequel est constitué par la nature aux formes variées (itoXuwoixiXo ; tç-Jai : ), par l’appétit concupiscible (ÈTu6u|j. ! a) et par l’appétit irascible (Ôujiô ; ). Psellus résume cette doctrine en une phrase qu’il faut citer textuellement : Tpitov o0v ô avôptoro ; , ô piv voepô ; xa’i

u.ovoe18r, ; (= l’intelligence), t 8s Xoytxo ; xat Tpipepïi ; y.a’t Tpiôûvaaoç (= l’âme raisonnable), 6 Sa aîar9Y]Tixôç xat îroXueiSïjç xa 7tavroSa7rô ; (= l’âme irraisonnable). Ibid.

Après avoir énuméré ces trois principes, Psellus s’attache au plus important de tous, à la u-/ïj, dont il étudie l’union avec le corps. Ici encore, sa doctrine est très flottante ; il paraît cependant donner raison à Platon contre Aristote. Si l’âme, dit-il, est une substance véritable, elle ne peut jouer dans le composé humain le rôle de forme, car la forme est une qualité, c’est-à-dire un accident, non une substance : IlXâxajv ôà tï)v àXr, 01vr|V c-jaioev xr, ç <i’j-/y| ; éautr, ; ÇTjirtv sîvat. Tb yàp £ ïMuj) rrjv JTrôcTTaaiv é’/ov eïSoç, K01ÔTt)~a. 0'J<tio>6ï] xaXsî, aXX’oux o’jirtav. Ibid., col. 708. Or, Psellus affirme plus bas que l’âme est une vraie substance, comme le démontrent ses propriétés, col. 708 ; il devrait donc, pour être conséquent, regarder le corps comme un simple instrument de l’âme. Il rejette, d’ailleurs, le traducianisme et reconnaît que l’âme est créée directement par Dieu. Ibid., col. 708, 709, 1144. Quant à la question de savoir à quel moment elle est unie au corps, Psellus hésite d’abord devant les opinions contraires des anciens et de certains Pères de l’Église, mais il finit par dire que l’âme pénètre le corps, comme le soleil l’atmosphère, lorsque le corps est suffisamment disposé à la recevoir : Kw yàp xat a-jvr àOpôooç ilâizTU tô criôjxa sic ty|V Ç(oï)v> xai Çwozotet, toûto £7rtTï]3ec(o ; ê’/ov itpô ; tt)v evwuiv xa-JTrjç. Ibid., col. 716. Les opinions de Psellus touchant la nature (jpûfftç) ou l’âme irraisonnable (aXoyov) sont directement empruntées à la psychologie des néoplatoniciens : elles n’offrent ni originalité ni intérêt. Ibid., col. 713, 716. Il y aurait lieu, par contre, d’insister sur un passage où le consul des philosophes semble admettre dans l’âme une certaine composition de parties, col. 717 ; peut-être a-t-il voulu parler des facultés sensibles de la tyvxr, mais son langage est ici trop vague pour qu’on puisse rien en tirer de concluant. Il est bon d’ajouter qu’ailleurs il affirme l’absolue simplicité de l’âme, tirant de cette simplicité même la preuve de son immortalité. P. G., t. cxxii, col. 1141. Une théorie qu’il formule très nettement est celle de la distinction non seulement numérique mais encore spécifique de chaque âme. Aeï Se xoù to-jto e’tSévai, dit-il, diç itâtra 4 J X’"1 u â<rr, ; tyvyrfi xat’eiSoc Bisoty)xs, y. ai’ô ; osai i{/u-/a, rocra-j-ra xa’i d’ôr, tûv *{/v£b>v èartv. P. G., t. cxxii, col. 1148.

Le résumé qui précède de la psychologie de Psellus est basé, je le répète, sur son De omnifaria doctrina. Il faudrait, pour être moins incomplet, rapprocher cette indigeste compilation des non moins indigestes traités Inpsychogoniam Platonicam, P. G., t. cxxii, col. 1077-1113, et De anima célèbres 0}>iniones, ibid., col. 1029-1076. Mais une exposition de ce genre prendrait trop d’espace. Du reste, les deux traités que je viens de citer sont plutôt historiques. Leur auteur s’y montre, comme partout, très érudit et très ondoyant ; on n’a plus affaire à un philosophe qui expose, mais à un dilettante qui prend plaisir à soulever des questions qu’il laisse pendantes. On peut appliquer à sa psychologie en particulier la critique de Linder à propos "de son commentaire In psychogoniam Platonicam : His in rébus enarrandis Psellus auctorem secutus est Proclum Diadochum, philosophum illum inter Neoplatonicos, qui vocantur, eminentem. Ejus sententiis pro suis ssepenumero ita mus est, ut multis locis ipsa verba Procli transcriberet. Vides igitur in Psello prorsus eamdem Platonicx rationis perturbatianem et confusionem, quam apud Neoplatonicos illos, qui cum Plalonis doctrinam ad suarum voluntatum similitudinem revocarent, tum ad ea, quai Platonis erant, explicanda adhibebant verba Aristotelis, ita ut mirum in modum omnia inter se permulata sint et perversa. P. G., t. cxxii, col. 1078. C. E. Egger, Dictionnaire des sciences philosophiques sous la direction de Ad. Franck, in-8°, Paris, 1875, p. 1418 sq. ; Th. Ous-