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AME. DOCTRINE DES GRECS

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pages un exposé des systèmes philosophiques des Byzantins louchant la nature de l’âme et ses facultés. Tandis que, grâce à des recherches persévérantes, il est possible d’embrasser dans une même synthèse les doctrines psychologiques de tout notre moyen âge occidental, pareille satisfaction nous est refusée en ce qui touche le monde oriental. Il faudra nous borner à enregistrer à leur date les rares renseignements de quelque valeur qui se peuvent tirer du peu de documents publiés.

I. Photius. —

Au seuil du moyen âge byzantin se rencontre la grande figure de Photius, dont les écrits résument la plupart des connaissances de son temps. Comme tous les encyclopédistes, Photius entasse plus qu’il n’expose, et ses doctrines philosophiques manquent d’originalité. Pour lui, l’homme est un être composé de deux éléments distincts, le corps et l’âme, dont la réunion constitue une seule personne. Ad Ampltil., q. ccxxx, P. G., t. Ci, col. 1292. L’âme humaine est un esprit, « une substance immatérielle, vivante, intelligente, » tandis que l’âme des bêtes est un souflle purement matériel, qui tire son origine de la terre comme le corps qu’il met en mouvement. P. G., t. xcviii, col. 104. La première est incorporelle, simple, douée d’intelligence et de liberté’, car, sans liberté, que servirait à l’homme d’avoir l’intelligence ? Photius accumule comme à plaisir les termes les plus caractéristiques, les mieux faits pour exalter le libre arbitre. Voir les citations rapportées par .1. Hergenrother, P/iutius, Patriarc/i von Constantinopel, in-8’1, t. iii, Ratisbonne, 1869, p. 441. On comprendra la raison de cette insistance si l’on songe à la lutte que le patriarche eut à soutenir contre les manichéens. L’âme, dit-il quelque part, est la maîtresse du corps, qu’elle gouverne et vivifie. Tandis que celui-ci est mortel, sujet à la corruption, celle-là est immortelle. Hergenrother, op. cit., p. 442.

Avec la majorité des Pères, Photius combat la théorie origéniste de la préexistence des âmes et la métempsycose. Toute âme est créée par Dieu au moment de son union avec le corps ; l’origine de l’un est terrestre, celle de l’autre est divine. Bibl., cod. 237, 240, P. G., t. ciii, col. 1161, 1213. Comme la plupart des anciens encore, notre auteur estime, que l’âme humaine vient informer le corps, non dés le principe, mais seulement quand ce dernier a reçu un développement, une organisation préalable assez parfaite. Op. cit., cod. 231, P. G., t. ciii, col. 1089. Ceci nous amène à l’examen d’une question qu’ont du se poser tous les historiens de Photius : celui-ci a-t-il, oui ou non, partagé la théorie de la dualité des âmes condamnée par le 10e canon du VIIIe concile ? Son enseignement personnel était-il visé par ce canon ? On a beaucoup discuté sur ce point. C’est que le texte même du canon est assez peu explicite : le concile se contente de dire que la sainte Ecriture et les Pères enseignent l’unité en l’homme de l’âme raisonnable et que la doctrine desdeux âmes est hérétique. Hefele, Histoire des conci les, trad. Leclercq, Paris, 1911, t. iv, S 491. Même incertitude du côté des témoignages contemporains ou immédiatement postérieurs. Anastase déclare qu’après avoir enseigné cette doctrine, moins par conviction que pour embarrasser de ses syllogismes la science de son rival Ignace, Photius l’aurait abandonnée sur les remontrances d’un ami, le philosophe Constantin, futur apôtre des Slaves sous le nom de Cyrille. Prsef. in syn. VIII, dans Mansi, Coll. concil., t. XVI, col. 6. A Michel III, qui l’interrogeait sur ce point, Photius déclara n’avoir pas été compris. Syméon Magistcr, De Midi, et Iheod., c. xxxv, P. G., t. cix, col. 730. Restent les ouvrages mêmes de Photius. Or ces ouvrages, au moins dans leur état actuel, ne permettent pas d’attribuer au savant byzantin une erreur aussi grossière. Tout système de la dualité des.’unes se ramène nécessairement à la trichotornie platonicienne ou au dualisme manichéen ; or, Photius n’appartient pas plus à l’école de Platon qu’à celle de Manès. Contre les manichéens, il affirme qu’un même Dieu a créé le corps de l’homme aussi bien que son âme. Contra manich., I, 2, P. G., t. cil, col. 85 sq. En parlant ainsi, il ne songe évidemment qu’à une âme unique. Nous avons vii, d’autre part, que pour lui l’homme est un composé de corps et d’âme : Çtiiov èx A’j-P/^ xa’i <j<ly[i.a.7r J c, auveari ; . Ad Amphil., q. LXXm, P. G., t. ci, col. 453. De pareilles affirmations concordent mal avec la théorie de Platon. Cf. Hergenrother, loc. cit., p. 441-446.

II. XIe et XIIe siècles. —

La mort de Photius est suivie d’un siècle à peu près stérile en travaux philosophiques. Lorsque, dans la première moitié du XIe siècle, Syméon le jeune, le plus grand mystique de l’Église grecque, compose ses écrits ascétiques, il fait sans doute œuvre de psychologue non moins que de moraliste, mais la psychologie n’intervient chez lui que pour servir de base aux règles de morale. La psychologie de Syméon est d’ailleurs toute platonicienne, ou, pour mieux dire, plolinienne. Comme Plotin, il aime à parler des trois principes de l’âme, t’o rpiu-epèi ; t/jç « l’U/îj ; , P. G., t. cxx, col. 612, mais il insiste plus spécialement sur les deux facultés supérieures, la raison (X^yoç) et l’intelligence (voOç). Il sait même, à l’occasion, tirer de cette division un excellent parti pour expliquer par analogie le mystère de la Trinité. Que l’on relise, par exemple, le chapitre xxxi de ses "EpuTeç tûv Œi’wv CfLvtov dans la traduction de Pontanus, P. G., t. cxx, col. 578 sq., ou mieux dans le texte original de l’édition de Denys de Zagora : ToO ôciouxa’t Ôeocpôpo-J 7taTp’o : r, |j.<ï>v Xu[AEà)v to0 vioy bîolôyov rà eijpi(rxd[xeva, in-4o, Venise, 1790 ; Syra, 1886. Les trois fameux principes des néoplatoniciens y sont nettement formulés : Y âme irraisonnable constituant Yanimal : lumen dédit, in quo vidèrent et intuerer omnia, nempe hune mundum sensibus expositum ; Yâme raisonnable constituant Y homme, et Yintelligence constituant Yhomme intellectuel, dédit etiam menton et rationem. Ces trois facultés distinctes ne détruisent pas l’unité radicale de l’âme et sa simplicité : habens enim mentem et rationem, liabet hœc secundum essenliam indivisa, et inconfusa similiter consubstantialia, unum hœc tria unitim, et divisim tria, quæ semper et imita et divisa sunt : uniuntur enim inconfuse et secernuntur indivise. Impossible d’être plus précis. Le langage de Syméon n’a pas toujours, il est vrai, la même clarté ni surtout la même sûreté de doctrine. Des phrases comme celle-ci peuvent donner lieu à discussion : Mois absque sensibus actiones et functiones suas non exerit. nec ullo modo absque mente suis officiis funguntur sensus. P. G., t. cxx, col. 613. On ne doit pas oublier que dans la terminologie des néoplatoniciens le voû ; ou mens est le pendant de notre raison pure. Ailleurs, la distinction même des trois principes semble disparaître, ibid., col. 651 ; la pars animée in qua sunt cupidilates et libidines et la pars irascens sont, dans le système de Plotin, de simples subdivisions de l’âme irraisonnable. Par contre, l’influence du physique sur le moral, la réaction réciproque des deux parties de notre être, dont la psychologie moderne se vante comme d’une découverte, n’a jamais été mise en plus vive lumière que dans l’instruction de Syméon sur les passions. De alteralionibus animse et corporis, P. G., t. cxx, col. 687-691. C’est là surtout que le rôle respectif de La partie inférieure (a).oyov) de l’âme raisonnable (), riyo ; ) et de l’intelligence (voOç) est le plus nettement défini. On pourrait, d’ailleurs, multiplier les exemples.

Si nous étions privés des ouvrages de Syméon lui-même, nous pourrions reconstituer sa psychologie à l’aide de la l’reuiièrc Centurie de son disciple préfère’, Nicétas Stéthatos, que les latins, ses contemporains, appellent ordinairement Nicétas Pecloratus. Chez le disciple comme chez le maître, les principes de philosophie ne sont invoqués que pour servir de base au