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1003 AME. DEVELOPPEMENT DE LA DOCT. DU IVe SIÈCLE AU XIIP 1004

idées de Némésios sont d’une rare précision — ces âmes ne pourraient naître que par création. Mais alors Moïse se trompe en disant que « Dieu cessa de créer ». C. ii, cal. 573. Telles sont les raisons dont Némésios appuie son erreur. Elles montrent au moins combien il est sur de la spiritualité de l’âme et des conditions de son origine, combien nettement il comprend la création comme production ex nihilo. En somme, Némésios a recueilli et groupé ce que le passé avait de mieux sur l’âme et sur l’homme. L’avenir en devait profiter largement. Saint Jean Damascène lui doit beaucoup, et saint Thomas puise chez lui à pleines mains, croyant, d’ailleurs, puiser chez Grégoire de Nysse.

Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, au mot Némés i us ; Ritter, Philosophie chrétienne, l. VIII, c. i, § 1, p. 421-442 iun peu systématique, à son ordinaire, et sujet à caution ) ; Gonzalez, Histoire de la philosophie, t. H, §14, p. 57-61 ; Ëvangelides, Zwei Capital aus einer Monographie ïtber Nemesius und seine Quellen, Berlin, 1882.

III. Saint Augustin. —

Sur l’âme comme presque partout, saint Augustin n’a guère que des traités de circonstance. Dès lors on ne saurait s’attendre à trouver chez lui, comme chez Tertullien et Némésios, une doctrine de l’âme également poussée sur toute la ligne, ordonnée et méthodique. Mais Augustin s’est trouvé en face des principales erreurs sur l’âme, rajeunies et propagées par les manichéens ou les priscillianistes ; il a du maintenir contre les pélagiens la transmission du péché originel, et pour cela étudier de près l’origine des âmes ; philosophe, il ramène toute la philosophie à deux questions, Dieu et l’âme ; psychologue, il a une merveilleuse aptitude à l’observation intérieure ; chrétien, il sait que la vie chrétienne peut se résumer en deux points : connaître Dieu et so connaître soi-même (noverim me, noverim te ; cf. Soliloq., I. II, c. i, P. L., t. xxxii, col. 887 ; cꝟ. l. I, c. vii, col. 872, et aussi De ordine, l. II, n. 47, ibid., col. 1017) ; théologien de la Trinité, il comprend que pour avoir ici-bas quelque vue. si imparfaite fût-elle, de la vie intime de Dieu, le mieux est de l’étudier dans son image, sinon la plus parfaite, au inoins la plus accessible. De Triait., passim. Il se trouve ainsi avoir touché à toutes les questions de l’àme et y avoir mis le meilleur peut-être de son attention et de son génie. Impossible de donner ici une idée tant soit peu complète de son œuvre. On en a fait des volumes. Quelques remarques seulement. Tandis que Némésios pour les rapports essentiels de l’âme au corps et dans l’analyse de l’activité humaine prend position du côté d’Aristote et des stoïciens, Augustin est plutôt dans la direction de Platon, et il emprunte maint détail aux néoplatoniciens. Au lieu de définir l’homme un animal raisonnable, il préfère dire qu’il est anima rationalis… morlali atque lerreno utens corpore, De moribus Ecclesioe catli., l. I, c. XXVII ; cf. ibid., c. iv ; sans, d’ailleurs, méconnaître ni la nature de l’homme, qui est âme et corps, ni l’unité naturelle du composé humain ; repoussant même expressément, avec la préexistence platonicienne, l’idée que l’âme est la prison du corps. De vera religione, xxxvi.

(N. B. On prête souvent à saint Augustin cette définition de l’homme : Hommes sunt voluvtates, sans jamais dire d’où elle est prise. D’où vient-elle ? D’une erreur, je pense, et fort curieuse. Augustin explique, De civit. Dei, XIV, 6, que tous les mouvements de notre âme tiennent de la volonté, ne sont que des mouvements de la volonté- : voluntas est qttippe in ommibus (motibus), un mo omnes (motus) nihil aliud quam voluntates. On a mis horninea pour omnes, et le tour était joué. Que de gens prêtent ainsi leur esprit aux anciens’)

Dans la connaissance intellectuelle, Augustin regarde moins le côté par lequel elle se rattache au sensible que ses rapports avec l’immatériel et l’intelligible ; il fait sienne la théorie admirable de l’exemplarisme en tout ce qui n’est pas rêve et chimère, et, sans être ontologiste, il prête à l’interprétation ontologiste, soit par quelques inexactitudes de détail, dans les Soliloques, par exemple, soit par le mouvement général de sa pensée si nettement réaliste. De la simplicité de l’âme et de sa spiritualité il a donné les preuves décisives, avec d’autres, çà et là, plus subtiles peut-être et ingénieuses que solides et convaincantes.

Sur l’unité d’âme en l’homme et le dichotomisme humain, sa pensée est évidente et sans hésitation. Quoiqu’il aime à distinguer çâ et là le corps, l’âme, l’esprit, De fide et synibolOfl. I, c. x, P. L., t. xl, col. 193, il a des expressions toutes scolastiques pour montrer l’âme raisonnable donnant au corps non seulement la vie par sa présence et son union immédiate, mais aussi ut sit corpus in quantum est. Textes dans Schwane, t. il, §54, n. 2, p. 434.

Sauf les hésitations que nous dirons sur l’origine de l’âme, la doctrine d’Augustin sur l’àme est celle qui prévaudra comme seule vraie. Cette doctrine, d’ailleurs, ne lui est pas propre, mais son grand nom donna crédit à la vérité, comme aussi sa manière, si bien à lui, de voir et d’exprimer vivement, comme ce don d’observation intérieure et d’analyse piltoresque auquel nous devons tant de pages inimitables sur la mémoire, sur l’imagination, sur nos opérations et nos états psychologiques les plus délicats.

Bon résumé dans Schwane, Dogmengeschichte, t. il, § 54, p. 431-439 ; F. Nourrisson, La philosophie de saint Augustin, Paris, 1806, surtout, t. i, c. ii, p. 105-252 ; Ferraz, De la psychologie de saint Augustin, 2’édit., Paris, 1809, surtout c. n-iv, p. 19-94 ; A. Dupont, La philosophie de saint Augustin, Louvain, 1881 (par comparaison avec saint Thomas), surtout n. 8, p. 109-173 ; J. Storz, Die Philosophie des hl. Augustins, Fribourg-en-Brisgau, 1882 ; Bestmann, Qua ratione Augustinus notiones philosophix grseese ad dogmata anthropologica describenda adhibuerit, Erlangen, 1877 ; Grandgeorge, Saint Augustin et le néoplatonisme, Paris, 1896 ; Gangauf, Metaphysische Psychologie des lil. Augustins, Augsbourg, 1852 (dans le sens de Giinther) ; Heinzelmann, Augustins Ansichten vont Wesen der menschlichen Seele, Erfurth, 1894 ; Id., Augustins Lehre von der Unsterblichkeit und Immaterialitàt der menschlichen Seele, Iéna, 1874 ; K. Werner, Die Augustinische Psychologie in ihrer mittelalterl. scholast. Einkleidung und Gestaltung, dans les Sitzungsber.de l’Académie de Vienne, 1882 ; Julius Fabre, Augustini philosophia, Andréa Martin colleclore, Paris, 1863, pars IV, De anima, réédition modifiée de la Philosophia Christian » de l’oratorien André Martin (Ambrosius Victor), Angers, 1607, et Paris, 1671 ; Mich. Ang. Fardella, Animas Itumanx natura ab Augustino détecta, Venise, 1098.

IV. Après saint Augustin. —

En Occident, on ne devait guère ajouter à la doctrine d’Augustin sur l’âme jusqu’aux jours où la scolastique la prendrait pour l’incorporer en un vaste tout.

1° Le groupe marseillais. Claudien Mamert. —

Un petit groupe échappa seul à son inlluence, celui des Marseillais (Cassien, Gennade, Fauste de Riez). Leur doctrined’ailleurs n’est pas moins nette que celle d’Augustin, comme on peut le voir par les chapitres si précis de Gennade, De eccles. dogm., xi-xx, P. L., t. i.vin, col. 984-985. Sur deux points seulement, ils diffèrent d’Augustin : d’un côté, ils affirment sans la moindre hésitation que l’âme est créée par Dieu ; de l’autre, ils veulent, avec les grecs, " qu’elle soit dite corporelle. La première affirmation ne (levait pas tarder à devenir générale, malgré la grande autorité d’Augustin.

La seconde allait être vivement combattue par Claudien Mamert. Celui-ci ne fit guère que suivre Augustin, tout en étant personnel par le ton, la manière, l’érudition : il groupe les arguments disséminés chez le maître, il les pousse, il les met en forme ; çà et là, son raisonnement a toute la rigueur scolastique. Voir, par exemple, la récapitulation, 1. 111, c. xiv, P. L., t. nu, col. 775. Édition critique de Cassien, par M. Petschenig, dans le Corpus