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AME. DOCTRINES DES TROIS PREMIERS SIÈCLES

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trine d’Origène, à cause des modifications introduites par Rufin, Patrologie, t. ii, p. 94 et 108 (édit. franc.) ; — M. Lang, Ueber die Leiblichkeit der Vernunf’twesen bei Origenes, Leipzig, 1892 ; J. Denis, La philosophie d’Origène, Paris, 1884 ; Laforèt, Origène, c. IV, Anthropologie, dans Berne cathol., Louvain, 1870, t. xxx, p. 545-556. Autres indications dans Chealev, Répertoire et supplément ; dans Bardenhewer, Patrologie, Fribourg, 1894, p. 162.

IX. Vue rétrospective, Origène et Tertullien.

Origène et Tertullien se font pendant. Avec Origène nous voyons le plein épanouissement de ces idées dont nous trouvons le germe dans Ta tien et dans Clément : les données bibliques sont soigneusement recueillies et mises en œuvre ; mais elles ont passé par des esprits tout imbus des idées platoniciennes, et s’y sont intimement mêlées avec elles — et de là, cbez Clément et Origène, malgré la franche opposition au gnosticisme, ce qu’on peut appeler leur teinte gnostique. Chez Tertullien, les tendances sont tout autres. Lui aussi ne laisse rien perdre des données bibliques ; mais il les voit surtout dans son imagination, toute pleine des impressions laissées par l’étude des médecins ou des philosophes à tendances stoïciennes et plus matérialistes, et il met, pour ainsi dire, au service de ses images, toute la vigueur de sa raison, toute la subtilité de sa dialectique. On devine la conséquence. Chez Origène, une àme de nature angélique, son union avec le corps une déchéance, l’homme un tout accidentel, et le corps une prison où l’âme expie, en attendant la délivrance, des fautes inconnues. Chez Tertullien, une àme si connaturelle au corps, si dépendante de lui dans son origine, si voisine, dans toutes ses propriétés, de l’àme des bétes, qu’on ne voit plus comment assurer sa spiritualité, d’ailleurs nettement affirmée. De part et d’autre, juxtaposition plutôt qu’union de la foi et de la philosophie, foi qui s’essaye à comprendre plutôt qu’elle ne comprend, philosophie trop dépendante ici de tendances matérialistes se réclamant d’Aristote, là d’un spiritualisme excessif héritier de Platon. Il faudra bien des siècles encore d’effort et de tâtonnement avant d’aboutir à l’ample et harmonieuse synthèse des données de la foi et de celles de la raison, à la conciliation des propriétés si diverses d’un esprit incarné et d’une forme corporelle.

X. Arnore.

Arnobe, dans son second livre, Adversus nalioncs, c. xiv-i.ix, P. L., t. v, col. 831-905, s’étend longuement sur la nature de l’âme, son origine, son immortalité. Ses tendances sont plutôt celles de Justin, de Tatien, des Pères qui ont lutté contre les païens, que d’Irénée, d’Origène, de Tertullien, des Pères qui ont lutté contre les gnostiques. La grande affaire pour lui, c’est de montrer que l’âme n’est pas divine, n’est pas une parcelle de Dieu : il bataille donc contre la préexistence et contre l’immortalité par essence ; il veut que l’âme ait été créée, et c’est à tort, semble-t-il, que l’auteur de l’opuscule-dialogue De origine animai, c. IV, P. L., t. xxx, col. 262, le range parmi les traducianistes ; mais comprenant mal la création et craignant de faire la part trop belle aux partisans de la divinité de l’âme : « Ce n’est pas Dieu, dit-il, qui l’a faite, mais un inférieur, de sa cour cependant ; » il la croit corporelle, comme Tertullien, mais, à la différence du maître, il tire de cette corporéitê même une preuve contre son immortalité essentielle. Les idées d’Arnobe seraient à étudier de près, et cette étude, je pense, montrerait que si le catéchumène de Sicca ne s’exprime pas toujours avec la précision et l’exactitude désirables, le fond de sa pensée est d’ordinaire plus orthodoxe que ne croit Harnack, Dogmeng., t. i, p. 710,) ! " édit. Mais Arnobe, comme dit saint Jérôme, n’est pas homo ecclesiasticvs, el il tient peu de place dans le développement des doctrines chrétiennes sur l’âme.

Edité par Reifferscheid dans le Corpus script, eccles.lat., t.iv, Vienne, 1875 ; k. u. Fronclie.Die Psychologie und Erkenntnisslehre des Arnobius, Leipzig, 1878 ; A. RôJiriclit, Die Seelenlehre des Arnobius, næli iliren Quellen und ilirer Entstehung untersucht, Hambourg, 1893 ; Dissertation de dom Le Nouny, c. IX, Apparalus, t. ii, P. L., t. v, col. 475-488 ; Freppet, Coinmodien, Arnobe, Lactance, p. bb sq. (cours de 18U9), Paris, 1893.

X.Lactance.

Lactance n’est pas un philosophe de la valeur d’un Tertullien ou d’un Origène. Malgré cela — ou peut-être à cause de cela — sa doctrine sur l’âme marque un progrès. Il en a groupé les principaux points dans le De opi/icio Dei, c. xvi-xix, P. L., t. vii, col. 6’t75. On peut voir aussi Divines instituliones, l. II, c. xxin (origine de l’homme), P. L., t. VI, col. 306-320 ; l. VII, c. v, viii-xiii, P. L., t. vi, col. 749, 761-779 (surtout sur l’immortalité). Sur bien des points il hésite : « Les philosophes ont beaucoup disputé de la nature de l’àme — sans arriver à s’entendre, ajoute-t-il au chapitre suivant, et peut-être ne s’entendront-ils jamais — et sur sa place dans le corps. J’en dirai simplement ma pensée : non pas comme certaine (ce serait folie en chose douteuse), mais pour que, en voyant la difficulté, tu comprennes la grandeur des œuvres divines. » De opi/icio Dei, c. xvi, xvii, col. 64-68. Il hésite aussi sur la question du principe vital. « Autre question, également inextricable : le principe de vie et le principe pensant ne font-ils qu’un en nous ou sont-ils différents ? Il y a des raisons dans les deux sens. » Ibid., XVIII, col. 70. Et il les expose sans prendre parti. Mais où il n’hésite pas, c’est sur l’origine de l’âme. « Les âmes, dit-il, ne peuvent en aucune façon venir des parents ; elles viennent toutes de Dieu, le commun Père de tous. » Ibid., xix, col. 73. Il emploie même à ce sujet le mot créer, tout en laissant lieu de douter, par quelques expressions peu exactes, s’il avait de l’acte créateur une idée philosophique bien nette. C’est peut-être par ce manque de précision philosophique qu’il faut expliquer comment Lactance a pu être rangé parmi les traducianistes par Rufin et par l’auteur de l’opuscule-dialogue De origine animarum, iv, P. L., t. xxx, col. 262. Sur’le moment de l’infusion, Lactance est aussi très clair : c’est post conceptum protinus, cum fetum in utero nécessitas divina formavit. Ibid., xvii, col. 69.

Fr. Marbixh, Die Psychologie des Firmianus Lactantius, Halle, 1889 ; quelques pages dans Freppel, Commodien, Arnobe, Lactance, Paris, 1893, p. 125 sq.

XII. Résumé. La question de l’ame au début du IVe siècle.

En résumé, où en étaient les doctrines chrétiennes sur l’àme au début du IVe siècle ? On affirmait nettement les vérités fondamentales et pratiques, comme on n’avait cessé de le faire dès les débuts : l’âme distincte du corps matériel auquel elle est unie et destinée à lui survivre, venant de Dieu, mais sans êlre proprement de nature divine, libre dans ses opérations et faisant elle-même sa destinée éternelle. On recevait ces idées comme traditionnelles et on les trouvait dans la Bible ; mais en même temps on faisait appel à la raison pour en montrer le bien-fondé. On les avait vigoureusement maintenues dans leur intégrité contre les gnostiques, maintenues contre les divers systèmes de philosophie qui tous — sous leurs formes souvent dégénérées — en niaient quelques-unes. Mais si elles ne s’étaient pas altérées aux contacts du dehors, on ne pouvait guère, dans la façon île se les expliquer, échapper aux influences extérieures. Comment les âmes viennent-elles de Dieu, quand sont-elles produites, n’y en a-t-il qu’une en nous ou faut-il en distinguer plusieurs, comment l’âme vit-elle sans ee corps et quelle est au juste sa nature : autant de questions auxquelles la foi ne donnait pas de solution claire et que l’on essayait de résoudre avec sa raison et selon les idées de la première éducation. Cette conception philosophique du dogme resta vague et indécise. Sur tous les points, la vraie réponse l’ut donnée par quelqu’un et donnée en tenues excellents ; mais elle no