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AME. DOCTRINES DES TROIS PREMIERS SIÈCLES

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pas là deux âmes, l’une qui échappe, l’autre qui périt, ou bien peut-on voir dans celle qui périt les tendances charnelles de l’âme dont celle-ci se serait dégagée sous le châtiment divin ? Rien dans les mots ne favorise le second sens. Ailleurs encore, Clément parle de deux âmes, et en termes qu’on ne peut facilement expliquer de deux activités distinctes de la même âme. Il trouve dans les tables de la loi et les dix commandements un type de l’homme et de ses facultés. Voici le texte. Il est un peu long, mais instructif : « Ils sont écrits deux fois pour les deux esprits, celui qui commande et celui qui €St soumis, otacrcôç…fpàjpovxai Sktctoîî 71Vcû|j.a<Jiv…. tû> te 7|Ye|Aoaxà) xà> xe imoxtii.ivu>, car la chair convoite contre l’esprit. Il y a aussi dans l’homme une certaine décade : les cinq sens, la parole, la force génératrice, en huitième lieu, le souftle reçu à la création, neuvièmement la partie supérieure (xô riyejj.ov.xô’v) de l’âme, enfin la propriété caractéristique du Saint-Esprit donné par la foi. Il semble, de plus, que la loi commande à dix parties dans l’homme. » Il y a en effet les cinq sens, avec les deux mains et les deux pieds « et c’est là la partie organique (y| TcXâtre ; ) de l’homme. L’âme y survient ; y survient aussi la partie supérieure avec laquelle nous raisonnons, mais non transmise celle-là par génération, de sorte que l’on a même sans elle le nombre dix, en se bornant à l’ensemble des énergies humaines ». Certes tout n’est pas clair dans ce système arbitraire ; mais comment ne pas voir, dans les derniers mots surtout, deux âmes différentes, non de fonction seulement, mais d’origine ? Suivons l’auteur dans ses explications. « Aussitôt né, l’homme commence à vivre par les facultés passives (àu’o Ttov iiaôoxixàiv). La raison et la faculté supérieure — F hégémonique — est, selon nous, la cause de tout le système animal ; mais la partie irrationnelle est animée aussi et fait partie du système. Maintenant la puissance vitale, qui comprend la faculté de nutrition, celle de croissance, en un mot tout ce qui est mouvement, est le lot de l’esprit charnel, vif et mobile, qui s’en va par les sens et par tout le corps, et le premier affecté par le corps, TrpwxoTiaBojv otà TÛjiaxo ; . Le libre arbitre appartient à l’hégémonique, il a près de lui la recherche, l’étude, le savoir. Mais tout est ordonné en vue de l’hégémonique : c’est pour elle que l’homme vit, et vit de telle manière. C’est par l’esprit corporel (aw^axixôv), le même qu’il atout à l’heure appelé charnel (o-apxcxôv), que l’homme sent, désire, se réjouit, se fâche, se nourrit, grandit ; c’est même par lui que passent dans les actes les pensées et les raisonnements. » Strom., vi, 16, col. 360. Ici l’expression est plutôt favorable à l’unité d’âme ; mais tout s’explique aussi par une subordination de la partie inférieure à l’hégémonique ; l’impression générale qui se dégage de ces passages est celle d’un principe vital distinct du principe pensant. Ailleurs, en revanche, on trouve une idée très exacte du composé humain, corps et âme, bons l’un et l’autre, et unis par Dieu pour le bien. Strom., iv, 26, P. G., t. viii, col. 13731377. Clément parle en parfait dichotomiste, quand il compare l’homme au Centaure, et le définit ex Xofixo-j xcù àXÔYou CTUYXEtjjiEvo ; , l’U’X^Ç xoù <7qu.axoç. Strom., iv, 3, P. G., t. viii, col. 1221. De même quand il définit la mort la séparation de l’âme et du corps, et l’œuvre du vrai gnostique l’apprentissage de cette séparation. Strom., vu, 12, P. G., t. ix, col. 500, B ; iii, 6, t. viii, col. 1149, B ; m, 16, col. 1201, A ; iv, 8, col. 122’*, C ; iv, 25, col. 1369, A ; iv, 26. col. 1375, A ; Exhort., i, 8, col. 59, A. C’étaient là locutions reçues, qu’un trichotomiste eût pu employer. Il faut pourtant en tenir compte, surtout en l’absence de textes décisifs.

Le principe pensant est clairement montré comme spirituel, indépendant de la matière et au-dessus de ses atteintes, pouvant vivre sans elle et la dominant. Clément nie même expressément (voir ci-dessus), qu’il soit produit par génération. Le fait-il incorporel ? On l’a soutenu, et, de fait, Clément dit souvent que l’âme est incorporelle (à<7uJu.axo ; ). Mais cette vue ne répond guère à l’ensemble de la doctrine et si le texte souvent cité à ce propos, Strom., iii, 7, P. G., t. viii, col. 116, sur l’incontinence des anges, n’est pas probant, celui où il montre l’âme échappant aux eaux du déluge à cause de sa légèreté si grande qu’on peut même l’appeler incorporelle, indique assez qu’il lui donnait un corps. La solution serait plus claire encore si les Extraits de Théodote étaient de Clément ; car là il dit expressément que les anges et les âmes ont des corps. E.vcerpt., , P. G., t. ix, col. 662. Là nous est expliqué du même coup en quel sens on la nomme incorporelle.

Origine de l’âme.

Clément s’est peu occupé des origines de l’âme. Nous l’avons vu admettre que l’âme animale se transmet par génération, et nier cela de l’âme spirituelle. Pour celle-ci, Huet, que d’autres ont suivi, sans citer de texte précis, croit que Clément admet la préexistence. Origeniaaa, ii, 2, q. vi, n. 10, P. G., t. xvii, col. 903. On cite parfois pour cette opinion Strom., IV, 26, P. G., t. viii, col. 1377, et quelques phrases du Quis dives salvus, iii, P. G., t. ix, col. 608 ; xxvi, ibid., col. 632 ; xxxiii, ibid., col. 610 ; xxxvi, ibid., col. 641. Mais dire « que l’âme est envoyée du ciel en terre » et « qu’elle retourne au ciel comme dans sa patrie », et choses analogues, ce n’est pas admettre la préexistence, c’est seulement supposer que l’âme, comme dit Clément en maint endroit, nous est donnée de Dieu, entendez évidemment par création. Voir sur les textes du Quis dives, Le Nourry, diss. III, c. ii, a. 3, P. G., t. ix, col. 1450 sq. Photius, Biblioth., cod. 109, P. G., t. viii, col. 45, dit que les Hypnli/poses soutiennent la métempsycose. Mais, tant d’autres fables absurdes se trouvaient également dans son exemplaire que Photius se demande si vraiment c’était là l’œuvre de Clément.

Sur l’ensemble, Schwane, 1. 1, § 57. p. 353 sq. (Schwane trouve que l’expression au moins de Clément sur les deux âmes est inexacte, et que l’influence païenne est incontestable) ; Le Nourry, Apparatus, l. III, diss. I, c. vi, a. 2 ; aussi dans P. G., t. ix, col. 880 sq. ; diss. II, c. vii, a. 3, P. G., t. ix, col. 1115 sq. (plutôt disposé à tout prendre en bonne part) ; Ziegert, Die Psychologie des T. Flavius Clemens, Brestau, 1892 ; Gourdaveaux, Clément d’Alexandrie, dans Rev. de l’hii-t. des relig., 18U2, p. 287-321. Autres indications dans Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge, Biubibltographie, Paris, 1878, et Supplément, 1888.

VIII. Origène.

Origène et la question de l’âme,

Origène n’a pas écrit de livre sur l’âme ; Pamphile en fait la remarque et l’explique par la modestie et la réserve de ce grand homme n’osant prendre sur soi de trancher des questions si difficiles. Apologia, viii, P. G., t. xvii, col. 603. Origène d’ailleurs a eu mainte occasion d’en parler ; mais c’est toujours en hésitant et en donnant ses idées pour de simples opinions. Lui-même va nous dire ce qu’il regardait comme enseignement de l’Eglise et ce qui lui paraissait objet de recherche et de libre discussion. L’âme a un être et une vie à elle ; une autre vie l’attend de peine ou de bonheur, selon ses mérites ; elle est libre d’une liberté que rien ne peut forcer : autant de points fixés par l’enseignement authentique, in ecclesiaslica prædicatione. Mais sur son origine, rien de précis : est-elle produite par génération, a-t-elle un autre principe, et ce principe lui-même est-il engendré ou non, ou du moins vient-elle du dehors ou non ? Tout cela non salis manifesta prædicatione distinguitur. De princip., préf., v, P. G., t. xi, col. 118. (Nous avertirons dans les cas où il y aurait lieu de se défier de la traduction latine.) Cf. In Epist. ad. Tilum, fragm.. ; Apol., ix, P. G., t. xvii, col. 604. Au livre II de ses Homélies sur le Cantique, Origène entre davantage dans le détail des questions. « L’âme, dit-il, doit s’étudier pour se connaître. Est-elle corporelle ou incorporelle, simple ou composée ? A-t-elle été faite, comme quelques-uns se le